Une perle.
Jacques Tardi s'y livre sans fard et raconte tout : ses débuts de gribouilleur pathologique, sa grand-mère qui lui racontait la guerre de 14 de son grand-père, ses collaborations avec Jean-Patrick Manchette, Daniel Pennac, Didier Daenincks, ses adaptations de Léo Malet, Céline, Geo-Charles Veran, sa méthode de travail, les aspects marchands de son art, sa psychanalyse... Absolument tout.
Il faut dire que la qualité tient aussi aux questions de Numa Sadoul, à qui il faut rendre hommage au passage. Et du coup, pour tous ceux qui aiment Tardi, cette visite de l'arrière-cuisine est enchanteresse.
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Enfin une quatrième de couv’ qui ne bidonne pas :
« Célébré à travers le monde comme un dieu du dessin et comme un maître de la bande dessinée ».
« Une inestimable source de découvertes ».
L'auteur de ces entretiens, Numa Sadoul, écrivain, dramaturge, metteur en scène de théâtre et opéra, s'est d'abord fait un nom dans la BD en étant le premier à interviewer longuement Hergé au début des années 1970. Il commence des cycles d'entretiens avec Jean Giraud / Mœbius au milieu des années 1970, ce qui donnera une courte BD (Interview) de ce dernier en 1974, et une première version du livre (Mister Mœbius et docteur Gir) en 1976. Les deux remettront le couvert à la fin des années 1980, pour une version augmentée (Mœbius, entretiens avec Numa Sadoul), et en 2011 pour cette version rendue définitive par la mort de Jean Giraud en mars 2012.
J’avoue ne pas avoir tout capté à l’organisation du livre, qui reprend les trois séries d’entretiens en les mélangeant, mais le foutraque sied si bien à Mœbius.
Côté biographie, tout y est et rien n’est occulté. Rejeton d’une famille atypique, passionné d’images puis de dessin dès sa tendre enfance, son adolescence interrompue par le voyage au Mexique pour aller retrouver sa mère qui était partie s’y marier, les arts appliqués, le service militaire en Algérie (heureusement planqué), ses débuts dans l’illustration chez Hachette avec Jean-Claude Mézières (le papa de Valérian et Laureline), puis dans la BD sous la bienveillante férule de Joseph Gillain (Jijé). Et le début de Blueberry, qu’il signe Gir mais que Dargaud publie sous son nom complet.
Plus tard, la rencontre avec Alejandro Jodorowski pour le film avorté Dune, mais qui sera ensuite féconde en BD. Quasiment son premier gourou. Et puis ce gibier de secte s’entiche de types de plus en plus douteux : un premier l’embarque vivre dans une communauté à Tahiti et tente d’exploiter son talent et sa renommée ; le second, qui finira condamné pour pédophilie, le convertit au régime instincto. Ses deux familles successives. Son bonheur d’être reconnu de Los Angeles au Japon, de Venise à Naples, jusqu’à la Fondation Cartier ou le Futuroscope, et comment il savoure cette renommée avec bonhommie.
Côté œuvre, c’est magique. Jean Giraud raconte tout : ses réussites et ses errements, ses p’tits trucs et ses grands projets, ses rêves et ses relations avec ses confrères (à commencer par Jean-Michel Charlier, le scénariste de Blueberry), son amour inaltérable du dessin, ses délires de raconteur d’histoires sans queue ni tête mais aussi ses ambitions cosmogoniques… Et toujours avec humour et une auto-ironie salvatrice.
Ce qui fait le charme de Jean Giraud, c’est la diversité ahurissante de son œuvre, la multiplicité des projets ainsi que des arts et media abordés. Et le livre évoque la quasi-totalité (il en manque forcément, mais va savoir lesquelles) de toutes ces aventures.
Au passage, il confirme plusieurs fois, lors des entretiens successifs, sa passion intacte pour Blueberry. Mais ça, seul un aveugle pourrait ne pas s’en rendre compte à la lecture des albums tardifs. À la veille de sa mort, il avait encore le projet d’un Blueberry 1900, série spin-off sur une dernière période de la vie de son héros.
Evidemment, toutes les facettes de l’œuvre sous pseudonyme Mœbius sont abordées. Les débuts dans le Hara-Kiri du Professeur Choron, dès 1963, c’est-à-dire en même temps que sortent les premiers albums de Blueberry. Le hiatus puis le retour avec la fondation de Métal Hurlant. Les premiers classiques (Le Bandard fou, Arzach, le Garage Hermétique et la geste du Major Grubert) puis la reconnaissance grand public avec L’incal. Les dernières séries Le monde d’Edena et Inside Mœbius, ainsi que tous les recueils de dessins ou catalogues d’expositions. L’activité de scénariste, bien plus féconde qu’on ne l’imagine. Ses multiples incursions dans le dessin animé et dans l’univers des mangas…
Sont aussi évoqués tous les projets restés en plan, faute de temps, qui sont désormais autant de frustrations : une suite de L’homme du Ciguri, un second épisode d’Arzak après L’arpenteur... Là, on se prend à rêver qu’il reste de quoi nous sortir quelques albums de plus dans les cartons de Mœbius Production, sa dernière maison d’édition créée avec sa seconde épouse. Qui sait ?
Bref, c’est vraiment LE livre indispensable à qui voudrait aller au-delà de ses œuvres les plus connues, s’y retrouver dans ce bazar sans nom que constitue cette œuvre multiforme imprimée à droite et à gauche, et retrouver avec bonheur la passion qui anima, sa vie durant, le génial Gir / Mœbius.
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Hergé a accordé des entretiens à Numa Sadoul, dont des passages importants servirent au numéro "spécial Hergé" des Cahiers de la Bande Dessinée.
Le recueil de ces entretiens, sortit en 1975, soigneusement relus et corrigés par...Hergé lui-même.
Dans cette première édition, Hergé a fait supprimer les passages concernant sa séparation d'avec sa première femme Germaine après sa rencontre avec Fanny Vlaminck. Il devait estimer que cela nuisait à son image...
A ce détail prêt, Tintin et Moi est un livre passionnant et bien découpé. Sa lecture se complétera utilement, par d'autres ouvrages sur l'univers d' Hergé.
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Livre qui retrace une série d'entretiens entre Hergé et Numa Sadoul.
On y trouve des informations qui nous permettent de mieux connaitre ou de mieux expliquer le corpus des albums de Tintin, mais aussi à mieux comprendre leur auteur.
De quoi être bien documenté et parfois tordre le cou à certaines interprétations fantaisistes des aventures du plus célèbre des héros de BD qui, rappelons le, fut le seul adversaire du général de Gaulle au niveau international..
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Ce livre est un incontournable de la Tintinologie.
Ce n'est pas un hasard s'il en existe déjà en cinq tirages, versions devrais-je dire.
Numa Sadoul est allé interviewer Hergé avec des questions très directes, sur Hergé lui-même, sur son oeuvre en général, sur les personnages, sur la vie, sur ses collaborateurs ...
C'est le fruit de longues discussions à bâton rompu concentrées sur une semaine. Il y eut un enregistrement à partir duquel sont sortis ces entretiens.
L'ouvrage est vraiment très riche et se lit très agréablement.
Quand Hergé passe en revue, chacune des aventures, le lecteur y apprendra plein d'anecdotes qui éclaireront ses futures relectures des albums.
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Ouvrage essentiel pour tous amateurs d'André Franquin. Numa Sadoul, fort de son amitié avec le créateur du Marsupilami, propose une analyse des plus poussées de l'oeuvre et, surtout, de l'artiste.
Un livre référence et indispensable.
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Telle une conversation amicale ayant lieu au coin du feux, nos 2 compères devisent sur l’immense carrière de Tardi. Les questions courtes, incisives et précises s’enchainent dans un ensemble structuré. Tardi semble prendre plaisir à se dévoiler sans fard et tabou.
N.Sadoul s’efface pudiquement devant son interlocuteur dans un séquençage pour partie chronologique. 10 chapitres sous forme d’interview agrémenté de superbes illustrations dessinées.
La connivence est totale entre les 2 hommes. L’admiration et le respect de Sadoul pour le travail de l’artiste est palpable. La grande culture de N.Sadoul pour la littérature en général et la bd en particulier permet les questions techniques.
L’ensemble reste très plaisant et terriblement instructif pour tout lecteur conquis par le talent de scénariste et de dessinateur hors norme de Tardi.
J’ai dévoré ce livre en quelques heures sans qu’il me soit possible de le lâcher.
Quel dommage qu’il ne soit pas actualisé et que cette discussion ne soit pas reprise là où elle en était...plus de 20 ans après...d’autant que le livre n’est plus édité et qu’il nous faille à présent passer par le circuit de l'occasion.
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Ce livre s'intitule "dessinateurs de presse" mais pourrait s'intituler témoignages sur Charlie Hebdo tant on parle de ce journal... Il faut dire que sur tous ceux interrogés, il n'y a guère que le Belge Kroll qui n'y a pas participé!
Le livre est paru en 2014 avec des entretiens collectés entre 2006 et 2009:
- après la fameuse affaire de republication des caricatures danoises de Mahomet en 2006
- après l'affaire Siné ( viré en 2008 pour accusation d'antisémitisme à la suite d'un conflit de caractère avec le rédac'chef de l'époque Philippe Val et qui a fondé un autre journal satirique dans la foulée; on sent d'ailleurs Numa Sadoul plutôt partial dans l'affaire et du côté de Siné ^^) donc ça prend forcément pas mal de place dans les entretiens, pour au final ne pas donner tant d'infos de plus que ce que les lecteurs du journal en avaient perçu à l'époque...
- après 2011 année de l'incendie criminel des locaux de Charlie, mais les entretiens n'en parlent pas puisque cela se passe après les entretiens!
- avant... avant 2014 (décès de Cavanna de Parkinson) 2015: et il faut bien avouer que si j'ai été contente de relire Cabu, un Cabu encore vivant et pugnace, que on peut retrouver aussi Wolinski en gars tranquille décomplexé, c'est surtout Charb, Stéphane Charbonnier, plus jeune, dont je me sentais peut-être plus proche que de ses aînés, que j'ai été émue de retrouver.
- avant 2015, départ de Luz de Charlie
- avant 2016, décès par cancer de Siné, vieux méchant à la fois attachant mais insupportable qu'on découvre bizarrement moins virulent ici que dans ses dessins et textes de journaux mais assumant toujours crânement ses contradictions.
- avant aujourd'hui, 2020, année où le procès de l'attentat contre Charlie Hebdo ( le journal a republié les dessins de 2006 en septembre) a été "célebré" notamment par la décapitation de Samuel Paty, un enseignant qui a fait un cours sur les caricatures...
Un livre d'entretiens extrêmement intéressant et forcément chargé par l'actualité! Si je n'ai pas retrouvé l'élan vital que j'avais remarqué dans le livre Goscinny et moi de José-Louis Bocquet ( qui donnait tellement faim, intellectuellement parlant, de se lancer dans la BD et de retourner dans le temps pour faire partie de cette époque de pionniers!), c'est donc émouvant et instructif sur la manière dont chacun voit le métier de dessinateur de presse/caricaturiste. Gros bouquin, avec une iconographie riche et opportune! Je recommande chaudement, même si les livres d'entretiens ne sont pas habituellement ma came.
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Très intéressant. Par le maître des interviews d'auteurs de BD.
On à souvent l'impression d'assister à une séance de Moebius chez le psy avec Sadoul qui posent des questions très pertinentes et qui sait toujours où il veut mener Jean Giraud. On voit qu'ils se connaissent bien et s'apprécient.
Gir se révèle être un personnage vraiment extraordinaire.
Pour être plus terre à terre j'aurais aimé plus d'anecdotes sur la création de différents albums, personnages etc ...
C'est une lecture passionnante malgré tout.
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Indispensable pour tout admirateur du grand maître de la BD qu'était Hergé. Il y a quand même la frustration de questions qui ne sont pas posées ou dont les réponses paraissent éviter l'obstacle ou pas assez développées.
Il y a plusieurs éditions, moi j'ai lu l'édition définitive. DL 1989.
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docteur gir et mister Moebius en 75 numa Sadoul avait rencontrer Giraud pour la première fois et en avait tirer un petit bouquin rouge très intéressant quinze plus tard ils font le point sur l évolution de la carrière de gir et ce gros livre reprend tout depuis 1975 il y a eu une suite ultime avant la disparition de Giraud en 2012
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La dureté des détails sanglants n'ont pas toujours été compréhensibles. Cependant livre qui tient en haleine !
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