Patrick Clervoy est médecin psychiatre, professeur agrégé du Val-de-Grâce. Il a effectué plusieurs missions sur différents théâtres d'opération. Il est l'auteur d'ouvrages sur les traumatismes psychiques et les mécanismes inconscients de violence collective. Il a publié aux éditions
Odile Jacob un ouvrage qui explore les phénomènes de guérison -
Les pouvoirs de l'esprit sur le corps et un autre
Vérité ou mensonge - sur les mécanismes psychologiques qui organisent l'emprise du mensonge sur un groupe social.
Conférence : Comment se construit et se déconstruit un mensonge ?
1er juillet 2022, 12h15 - 13h Amphi 24
Construire un mensonge c'est facile. Construire un mensonge est une faculté d'adaptation sociale. La capacité à mentir intervient dans la séduction, dans la diplomatie, dans l'art de gouverner. C'est l'un des paradoxes du mensonge : il empoisonne la relation sociale en même temps qu'il est indispensable pour faciliter cette relation dès lors qu'on est à l'échelle d'une population. Lorsqu'on regarde la place du mensonge dans le fonctionnement d'un groupe, l'une des surprises est qu'un groupe fait davantage confiance à un homme qui ment bien, avec agilité et avec aplomb, qu'à celui qui ferait l'effort d'être honnête. On découvre aussi que le groupe participe à la construction du mensonge et parfois s'oppose avec violence à celle ou celui qui voudrait le dénoncer. L'exemple présenté montre que l'effort de déconstruire un mensonge peut être funeste, autant pour le menteur que pour ceux qui l'ont cru.
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J'ai vu le mal.J'ai vu des enfants déchiquetés par des bombes.J'ai vu des blessés aux membres dilacérés par les explosions.J'ai vu des corps que le feu avait rendu méconnaissables.Derrière chacun de ces blessés,il y a eu un autre homme qui a armé une bombe,qui a visé et tiré avec son arme,qui a fait exploser sa ceinture piégée avec la volonté d'emporter le plus possible de vies humaines.Je n'avais jamais capté auparavant autant d'intentions homicides qu'ici.
La convergence de deux trajectoires séparées Voici un autre accident aérien qui nous met face aux interrogations sur le destin. D’une base aérienne de l’est de la France, un avion de chasse biplace partait pour une mission d’entraînement au-dessus du Massif central. C’est une vaste zone réservée, aucun avion civil n’y circule. L’entraînement consistait à simuler le largage d’une bombe. Dans la cabine, le pilote et le navigateur étaient l’un derrière l’autre : le pilote sur le siège avant et le navigateur sur le siège arrière légèrement plus haut. Leur vitesse était très élevée, ils arrivèrent sur la zone en moins d’une heure. Au même moment, basés sur une frégate de la Marine nationale stationnée dans le Sud-Ouest, deux hélicoptères décollaient pour un exercice de patrouille qui devait durer la journée avec une escale au pic du Midi et un retour par la vallée de la Dordogne. Lors de la phase de retour, les deux hélicoptères se séparèrent et l’un d’entre eux prit une route plus au nord pour un survol de la Corrèze.
Penser la mort est déjà difficile,mais penser la mort avec l'idée que l'on en est responsable est insupportable.
La patrie est une religion et le patriotisme est son culte. À la Révolution française, l’Église avait accompagné l’État royal dans sa chute. Un nouveau culte devait naître, laïque et républicain. Ce fut celui de la patrie. Le culte de la patrie a ses autels et ses offices, ses saints et ses reliques. (Patrick Clervoy, « Spécificités françaises », Inflexions, 2014/2, N° 26)
Comme toute légende, le conte dessine des vérités. C’est un autre paradoxe : les vérités ne sont jamais aussi bien montrées que dans les fictions, les contes et les légendes, qui appartiennent à la catégorie du mensonge en ce qu’elles ne relèvent pas de la réalité. Pinocchio ne peut pas mentir sans que cela se voie. Cela fait de lui un enfant vulnérable.
Le destin est pour chacun une énigme.
Le patriotisme est un orgueil. C’est le narcissisme à l’échelle d’une nation. C’est une image collective idéale qu’un peuple veut se donner et croit voir dans son histoire en se comparant avantageusement à ses voisins. Victor Hugo l’a dénoncé. Il avait fait ce rêve magnifique : avoir le monde pour patrie et l’humanité comme nation. Pour parvenir à cette unité universelle, il déclarait dans Choses vues : « Il nous reste à abdiquer un dernier égoïsme : la patrie. ». (Patrick Clervoy, « Spécificités françaises », Inflexions, 2014/2, N° 26
La théorie de Mesmer se résume en quatre principes fondamentaux.
Le premier est celui d’un fluide physique subtil qui unit entre eux chaque élément de l’Univers. Il est invisible. Ce fluide est de la même nature que la gravitation universelle décrite par Isaac Newton. Il relie les corps entre eux, du plus grand au plus petit. Il pénètre chaque corps vivant. Il est présent dans chaque élément constitutif de l’organisme. Il est le support d’une énergie mobile qui se déplace d’un élément à l’autre. L’ensemble des influences dans lesquelles baigne un objet passe par ce fluide. Nul n’y échappe.
Le deuxième est le principe que la maladie est consécutive aux déséquilibres dans la répartition de ce fluide. C’est, formulé autrement, le principe d’Hippocrate. Ce déséquilibre est le terrain sur lequel se développe ensuite la maladie. [...]
Le troisième principe est que la maîtrise des mouvements du fluide d’un corps à un autre peut opérer la correction des désordres de notre santé.
Le quatrième principe pose que la répétition des crises provoquées par l’application du fluide entraîne une atténuation de celles-ci.
Seul un faible nombre de personnes ont la capacité de tenir cet effort prolongé. L’autre posture, la plus commune, consiste à enjoliver le présent moyennant quelques artifices. C’est ici que le mensonge intervient dans sa fonction bienfaitrice. Pour faire du bien à quelqu’un, pour le soulager de l’angoisse qui le fait souffrir, on va lui dire ce qui paraît adapté afin de le réconforter. C’est le mensonge de charité. Par exemple, un enfant vous présente un gribouillage et vous dites : « C’est très beau » pour le valoriser et l’encourager dans son apprentissage.
Le stoïcisme des hommes exprime leur fierté et leur indépendance.