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Citations de Paul Bourget (155)


Je sais que c’est horrible, mon cher maître, ce que je dis là, mais je ne serais pas digne d’être votre élève si je ne vous donnais ce document aussi sur l’arrière-fond de mon cœur.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. III. Transplantation
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« Le second trait que je découvris en elle, après la bonté, fut le goût du romanesque ; non qu’elle eût lu beaucoup de romans, mais elle avait, comme je vous l’ai dit, une sensibilité trop vive, et cette sensibilité lui avait donné comme une appréhension du réel. Sans qu’elle s’en doutât, elle était par ce point très différente de son père, de sa mère et de ses frères. Elle ne pouvait ni se montrer à eux dans la vérité de sa nature, ni les voir dans la vérité de la leur, sans en souffrir.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. III. Transplantation
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J’arrivai à cette conclusion que le trait essentiel de ma nature, la caractéristique de mon être intime avait toujours été, comme je l’ai marqué en commençant le présent travail, la faculté de dédoublement. Cela signifiait une tendance constante à être tout ensemble passionné et réfléchi, à vivre et à me regarder vivre.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. III. Transplantation
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Nous gardons ainsi en nous-mêmes des portions d’âme que nous avons connues très vivantes, que nous croyons mortes et qui ne sont qu’assoupies.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. III. Transplantation
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Qu’il était paisible, ce salon, éclairé par les lampes aux larges abat-jour, avec le feu qui brûlait gaiement dans la cheminée !

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. III. Transplantation
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(...) j’ai songé à étudier les règles monastiques pour les appliquer à la culture de cette pensée. Oui, j’ai projeté de faire tous les jours mes méditations, comme les moines, sur les quelques articles de mon credo philosophique, de célébrer chaque jour, comme les moines, la fête d’un de mes saints à moi, de Spinoza, de Hobbes, de Stendhal, de Stuart Mill, de vous, mon cher maître, en évoquant l’image et les doctrines de l’initiateur ainsi choisi et m’imprégnant de son exemple. Je comprends que tout cela était très jeune et très naïf.

Chapitre IV. Confession d'un jeune homme
&. III. Transplantation
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Ma visite dans votre ermitage m’avait produit une impression bien profonde. Vous m’étiez apparu comme une sorte de Spinoza moderne, si complètement identique à vos livres, par la noblesse d’une vie tout entière consacrée à la pensée ! Je me forgeais d’avance un roman de félicité à l’idée que je saurais les heures de vos promenades, que je prendrais l’habitude de vous rencontrer dans cet antique jardin des Plantes qui ondoie sous vos fenêtres, que vous consentiriez à me diriger, qu’aidé, soutenu par vous, je pourrais marquer, moi aussi, ma place dans la Science ; enfin, vous étiez pour moi la Certitude vivante, le Maître, ce que Faust est pour Wagner dans la symphonie psychologique de Goethe.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. IV. Transplantation
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(...) et j’arrive maintenant à l’exposé d’un drame qui n’aurait pas de sens si je ne vous avais pas fait entrer d’abord dans l’intime de ma pensée et de sa formation.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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Mes vieilles croyances en un Dieu père et juge me semblaient des songes d’enfant malade, et je me dilatais jusqu’aux extrêmes limites du vaste paysage, jusqu’aux profondeurs de l’immense ciel vide, en songeant que moi, chétif, j’avais assez réfléchi déjà pour comprendre de ce monde ce qu’aucun des paysans que je voyais passer ne comprendrait jamais.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&.II. Mon milieu
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Je rencontrai d’abord dans le premier de ces trois ouvrages, la Psychologie de Dieu, un apaisement définitif à cette angoisse religieuse dans laquelle je continuais de vivre, malgré mes doutes. Certes, les objections contre les dogmes ne m’avaient pas manqué depuis que je lisais au hasard tant de livres dont beaucoup manifestaient la plus audacieuse irréligion, et surtout je m’étais senti attiré vers le scepticisme, comme je vous l’ai dit, parce que je lui trouvais un double caractère de supériorité intellectuelle et de nouveauté sentimentale. J’avais subi, entre autres influences, celle de l’auteur de la Vie de Jésus. La magie exquise de son style, la grâce souveraine de son dilettantisme, la poésie langoureuse de sa pieuse impiété, m’avaient remué profondément, (...). C’est la rigueur mathématique de votre livre, à vous, mon cher maître, qui s’empara de ma pensée. Vous me démontriez à la fois avec une dialectique irrésistible que toute hypothèse sur la cause première est un non-sens, l’idée même de cette cause première une absurdité, et que néanmoins ce non-sens et cette absurdité sont aussi nécessaires à notre esprit que l’illusion à nos yeux d’un soleil en train de tourner autour de la terre, quoique nous sachions que ce soleil est immobile et cette terre en mouvement.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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Telles étaient mes dispositions intérieures, mon cher maître, lorsque j’entrai dans celle de mes classes qui devait être décisive pour mon développement : la philosophie. Dès les premières semaines du cours, mon ravissement commença. Quel cours cependant et combien empâté de fatras de la psychologie classique ! N’importe, inexacte et incomplète, officielle et conventionnelle, cette psychologie me passionna. La méthode employée, la réflexion personnelle et l’analyse intime ; – l’objet à étudier, le Moi humain considéré dans ses facultés et ses passions ; – le résultat cherché, un système d’idées générales capables de résumer en de brèves formules un vaste tas de phénomènes ; – tout, dans cette science nouvelle, s’harmonisait trop bien avec le genre d’esprit que mon hérédité, mon éducation et mes propres tendances m’avaient façonné. J’en oubliai jusqu’à mes lectures favorites, et je me plongeai dans ces travaux d’un ordre encore inconnu avec d’autant plus de frénésie que la mort d’Émile, de mon unique ami, survenue à cette époque, vint imposer de nouveau à mon intelligence si naturellement méditative ce problème de la destinée que je me sentais déjà presque impuissant à résoudre par mafoi première. Mon ardeur fut si vive que bientôt je ne me contentai plus de suivre mon cours. Je cherchai des ouvrages à côté qui pussent compléter l’enseignement du maître, et c’est ainsi que je tombai un jour sur la Psychologie de Dieu. Elle me frappa si profondément que je pris aussitôt la Théorie des passions et l’Anatomie de la volonté. Ce fut, dans le domaine des idées pures, le même coup de foudre que jadis, avec les œuvres de Musset, dans le domaine des sensations rêvées. Le voile tomba. Les ténèbres du monde extérieur et intérieur s’éclairèrent. J’avais trouvé ma voie. J’étais votre élève.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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(...) il m’arrivait de passer des heures à ma fenêtre, regardant les étoiles de la vaste nuit d’été, me souvenant de mon père mort et de ce qu’il me disait jadis sur ces mondes lointains. Alors une extraordinaire impression du mystère de la nature me saisissait, du mystère de toute âme, de mon âme à moi, vivante, dans cette nature, et je ne sais ce que j’admirais le plus, des profondeurs de ce ciel taciturne, ou des abîmes qu’une journée, ainsi employée, me révélait dans mon cœur.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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La sensualité mystique des stances du Lac et du Crucifix, les chatoyantes splendeurs de plusieurs Orientales, me fascinèrent ; mais surtout je fus séduit, à en avoir une fièvre physique, par ce qu’il traîne de coupable dans l’éloquence de l’Espoir en Dieu et dans quelques fragments des Consolations. Ces fuyantes complications du péché dont je vous parlais tout à l’heure, je les pressentis par delà les morceaux choisis de mon livre de classe ; et je commençai d’avoir pour les œuvres des écrivains ainsi devinés une de ces curiosités d’imagination si fortes, presque folles, qui marquent le milieu de l’adolescence. On est sur le bord de la vie. On l’entend déjà sans la voir, comme la rumeur d’une chute d’eau à travers un bouquet d’arbres, et comme ce bruit vous enivre d’attente !…

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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Le hasard voulut que je rencontrasse, au commencement de ma troisième, quelques échantillons de la poésie moderne dans le livre d’auteurs français qui devait servir aux récitations de l’année. Il y avait là des fragments de Lamartine, une dizaine de pièces de Hugo, les Stances à la Malibran d’Alfred de Musset, quelques morceaux de Sainte-Beuve et de Leconte de Lisle. Ces pages, deux cents environ, me suffirent pour apprécier la différence absolue d’inspiration entre les modernes et les maîtres anciens, comme on apprécie la différence d’arome entre un bouquet de roses et un bouquet de lilas, les yeux fermés.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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La troisième des causes qui concoururent à cette lente désagrégation de ma foi chrétienne fut la découverte de la littérature contemporaine, qui date de ma quatorzième année. Je vous ai raconté comment ma mère m’avait, peu de temps après la mort de mon père, supprimé un certain nombre de livres. Elle ne s’était pas relâchée de cette sévérité avec le temps, et la clef de la bibliothèque paternelle continuait à cliqueter sur l’anneau d’acier de son trousseau, entre celle de l’office et celle de la cave. Le résultat le plus net de cette défense fut d’aviver le charme du souvenir que m’avaient laissé ces volumes feuilletés autrefois longuement, les pièces à demi comprises de Shakespeare, les romans à demi oubliés de George Sand.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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En même temps, et c’est la seconde d’entre les causes qui m’ont détaché de l’Église, je retrouvais chez les hommes que je considérais alors comme supérieurs la même indifférence à l’endroit des pratiques religieuses que j’avais, tout petit, remarquée chez mon père. Je savais que les jeunes professeurs, ceux qui nous venaient de Paris avec le prestige d’avoir traversé l’École normale, étaient tous des sceptiques et des athées. J’entendais ces mots prononcés par l’abbé Martel, avec une indignation concentrée, dans les visites qu’il rendait à ma mère. Involontairement je réfléchissais, (...) et un esprit de doute grandissait en moi sur la valeur intellectuelle des croyances catholiques.
Cette défiance fut alimentée par une espèce d’ambition naïve qui me faisait souhaiter, avec une ardeur incroyable, d’être aussi intelligent que les plus intelligents, de ne pas végéter parmi ceux du second ordre. Il entrait bien de l’orgueil dans ce désir, je me l’avoue aujourd’hui, mais je ne rougis pas de cet orgueil. Il était tout intellectuel, entièrement étranger à une convoitise quelconque du succès extérieur. Et puis, si je me tiens encore debout à l’heure présente, et dans l’affreux drame de ma destinée, je le dois à cet orgueil premier. C’est lui qui me permet de vous montrer mon passé avec cette lucidité froide, au lieu de courir, comme ferait un vulgaire accusé, aux événements tapageurs de ce drame. Je vois si bien, moi, que les premières scènes de la tragédie ont commencé dès lors dans le collégien pâlot en qui s’agitait le jeune homme d’aujourd’hui !

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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La première fut, me semble-t-il, l’application à mon confesseur de ce terrible esprit critique, faculté destructive de la confiance, qui m’avait dès mon enfance séparé de ma mère. Je continuais à pousser jusqu’aux plus fines, aux plus ténues délicatesses mes examens de conscience, et l’abbé Martel continuait à ne pas même apercevoir ce travail de torture secrète qui m’anatomisait toute l’âme. Mes scrupules lui paraissaient, ce qu’ils étaient en fait, des enfantillages. Mais c’étaient les enfantillages d’un garçon très complexe et qui ne pouvait être dirigé que si on lui donnait la sensation d’être compris. J’en arrivai bientôt à éprouver, dans mes entretiens avec ce prêtre rude et primitif, la sensation contraire, celle de l’inintelligence. Ce n’était pas de quoi empêcher que je ne remplisse mes devoirs religieux. C’était assez pour enlever à ce directeur de ma première jeunesse toute véritable autorité sur ma pensée.

Chapitre IV. Confession de d'un homme
&. II. Mon milieu
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Le grand événement de mon adolescence, qui fut la perte de ma foi, ne date pourtant pas de cette déception. Les causes qui déterminèrent cette perte furent nombreuses, et je ne les comprends nettement qu’aujourd’hui. Il y en eut d’abord de lentes, de progressives, qui agirent sur mon âme comme le ver sur le fruit, dévorant l’intérieur sans que le dehors garde un autre signe de ce ravage qu’une petite tache presque invisible sur la pourpre de la belle écorce.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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La peur de l’enfer s’exaltait en moi jusqu’à la folie. D’autre part l’abbé Martel déployait la même éloquence à nous célébrer l’importance décisive qu’aurait pour notre salut cette approche de la sainte table, et, par suite, ma crainte des supplices éternels aboutissait à des examens de conscience d’un scrupule infini. Bientôt ces reploiements intimes, ce regard jeté à la loupe sur mes moindres détours de pensée, cette scrutation continue de mon être le plus caché, m’intéressèrent à un degré tel que l’attrait de n’importe quel jeu devint nul à côté. J’avais trouvé, pour la première fois depuis la disparition de mon père, un emploi à ce pouvoir d’analyse déjà définitif, presque constitutif en moi.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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Il s’y joignait une singulière impression d’effroi qui dérivait de l’enseignement donné par l’abbé Martel, le prêtre chargé de nous préparer à cette première communion. C’était un homme petit et court, de mine apoplectique, avec un regard sombre et d’un bleu dur dans un large et rouge visage. Il avait été élevé dans un séminaire de province, encore pénétré de jansénisme. Ses yeux, quand il nous parlait de l’enfer, dans la tribune des Minimes où il nous réunissait, dardaient des prunelles brillantes et soudain fixes, où passaient des visions d’épouvante, et cette épouvante, il nous la communiquait.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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