AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Paul Gillon (92)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La Survivante, tome 2 : L'héritier

La nature humaine est ainsi faite… Tout entière tendue vers sa destruction !

-

Ce tome est le deuxième d’une tétralogie indépendante de toute autre. IL fait suite à La Survivante, tome 1 (1985). Sa première édition date de 1987. Il a entièrement été réalisé par Paul Gillon (1926-2011), pour le scénario, les dessins et la mise en couleurs. Il compte quarante-six pages de bande dessinée. La série a bénéficié d’une réédition en intégrale en 2008.



Paris : le ciel est gris, il pleut sans relâche, un cri retentit avec force dans l’hôtel Crillon. Dans une suite du palace, deux bras robotiques tiennent délicatement un nouveau-né pour l’aider à sortir du ventre de sa mère. De la main droite, Ulysse, un cyber, le prend à la cheville gauche, le nourrisson se retrouvant la tête en bas, et de la main droite il manie une paire de ciseau pour couper le cordon ombilical. Ulysse annonce : c’est un beau garçon ! Il le tient délicatement dans ses bras et il s’adresse à Aude Albrespy, la mère : il le lui avait bien dit, avec quelques séances de moniteur gynéco, mettre au monde ce bébé aura été un jeu d’enfant. Il répète pour être sûr d’avoir été entendu : un jeu d’enfant. Elle lui répond, en lui demandant de bien l’écouter : jusqu’à ce jour, elle n’a pas réussi à mettre fin à ce jeu cruel, cette farce apocalyptique, mais elle ne peut pas, elle ne veut pas accepter d’être mère dans ce monde déshumanisé. Elle hait la chair et le sang dont elle est faite. Et elle ne veut plus jamais voir cette créature, cette particule d’avenir sans avenir qui est son bébé. Jamais. Elle termine : Ulysse peut l’écraser s’il veut, dans ses pinces qui lui servent autant à tuer qu’à donner la vie. Avant de sortir, Ulysse ajoute qu’effectivement plusieurs fois elle a fait semblant de mourir. Il lui enjoint de faire semblant de vivre désormais, il est à son service. Il va coucher délicatement le bébé dans un berceau placé dans une autre chambre, en lui parlant : Voilà son royaume à ce petit d’homme. Et derrière ces portes, ces fenêtres, les portes de son esprit, les fenêtres de ses yeux, il y a un autre royaume, tout un monde à connaître et à conquérir. Ce bébé, qu’il nomme Jonas, est le maître d’un monde.



Du temps a passé, Jonas approche des huit ans. Toujours dans l’hôtel Crillon, il se rend à sa leçon du jour avec Ulysse, ce dernier lui criant qu’il s’impatiente. Jonas rend compte de ses devoirs : il avait résolu dès ce matin le développement du problème de programmation mathématique convexe non différentiel, donné par Ulysse. Le précepteur répond que la solution de l’élève est fausse ! Il a oublié d’introduire le facteur d’entropie dans sa définition. Jonas rétorque qu’il l’a fait exprès : il voulait savoir si les synapses électroniques d’Ulysse étaient encore performantes. Ce dernier le prend mal : son conditionnement le rend absolument infaillible. Il doit maintenant s’absenter, et il rappelle à son élève qu’il a aussi un exercice de physique expérimentale à réaliser. Ulysse sort de la chambre consacrée aux devoirs, et emprunte les couloirs pour aller toquer à la porte de la suite d’Aude. Celle-ci hurle depuis l’autre côté qu’elle lui a déjà dit mille fois de cesser ce grotesque cérémonial. Il rentre et fait observer le désordre à l’occupante, tout en s’inquiétant de son comportement.



Première page : trois cases de la largeur de la page en format paysage pour une de Paris avec l’une des tours de Notre Dame au premier plan, puis une vue de la Maison de la Radio et la musique, enfin une vue de la façade l’hôtel Crillon sur la place de la Concorde. En planche quatre, le point de vue se trouve sur un pont et le soleil levant pare la Seine d’une teinte dorée, les différentes constructions ressortant en ombre chinoise, dont la silhouette de la tour Eiffel, et celle du Palais des Congrès de Paris. Devenu très autonome, Jonas part se promener sur un scooter sur coussin d’air, permettant au lecteur d’admirer la perspective d’un escalier menant à la basilique du Sacré-Cœur, le dôme géodésique La Géode dans le parc de la Villette, une autre vue aérienne du pont de la Concorde, une vue de l’arrière de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, des couloirs et des portillons du métropolitain, des rues de Paris sous la neige, des péniches amarrées à un quai, une séquence finale qui met en valeur l’étrangeté du parti pris architectural du centre national d’art et de culture Georges-Pompidou (CNAC) conçu par les architectes Renzo Piano, Richard Rogers et Gianfranco Franchini, en particulier les escaliers et les différentes canalisations et tuyaux placés à l’extérieur du corps du bâtiment, entre architecture métallique et modernisme architectural, un environnement technique mettant en valeur l’antagonisme entre le cyber (robot) Ulysse et l’humanité du jeune garçon Jonas.



Autre caractéristique de la série, la nudité féminine. Pour autant, celle-ci commence par prendre la forme d’un plan rapproché sur le bébé sortant de l’utérus d’Aude, couvert de sang et de muqueuses, contrastant avec la rigidité des bras mécaniques d’Ulysse. Planches sept à dix, Ulysse pénètre dans la chambre de la survivante, et accède à sa demande de lui donner du réconfort, dans une relation sexuelle mettant en valeur l’anatomie dénudée de la femme, sans gros plan. Planches quatorze à seize, elle se baigne nue dans la Seine, et rencontre une drôle de bestiole. Planches dix-neuf et vingt, elle se baigne nue dans l’aquarium où la bestiole a été mise, en prenant des poses suggestives. Planches trente à trente-quatre, deuxième relation sexuelle entre elle et le robot, avec une forme de violence. Planche trente-huit, elle revisionne une nuit d’amour torride entre elle et Stanny sur grand écran, en quatre cases dont une générale où la pénétration est représentée. L’artiste dessine la protagoniste sans pudeur, ce qui est cohérent avec son état d’esprit de survivante, seule au monde, rien à cacher, ayant ravalé sa superbe pour accepter l’amour physique avec une machine, aggravé par l’acte criminel commis par Ulysse dans le premier tome. La façon de livrer le corps d’Aude au regard du lecteur correspond au manque d’estime de soi du personnage à ce moment du récit, attestant de cet état d’esprit. Les relations sexuelles apparaissent malsaines, que ce soit la forme d’abandon ou dégout d’Aude pour elle-même, pour sa faiblesse, pour ce monde sans avenir dans lequel elle est la seule survivante.



Par contraste, les représentations du jeune Jonas le montrent comme un enfant plein de vie, curieux, déterminé, entreprenant, plein de ressources, mutin, parfois rebelle, courageux, dur à la douleur, dynamique, très courageux, et capable d’humour. Le lecteur se prend tout de suite d’affection pour cet enfant qui a grandi élevé par un robot, sachant que sa mère se trouvait proche mais ne pouvant pas la voir, sans aucun être humain pour lui servir de modèle, pour le réconforter, pour le serrer dans ses bras, pour interagir avec lui. Le troisième personnage de ce tome est Ulysse, cyber (c’est-à-dire un robot humanoïde programmé, dans le contexte de cette série) : logique et efficace, capable d’une forme d’apprentissage en consultant les banques de données idoines (par exemple sur la gynécologie pour procéder à l’accouchement, ou sur l’éducation d’un enfant pour prendre en charge Jonas). De temps à autre, la rigidité de sa programmation induit un comportement directif, allant jusqu’à la coercition physique, ce qui peut s’assimiler à un mouvement de colère d’un être humain. Les différentes situations montrent bien la limite de la capacité d’anticipation du robot confronté à l’inventivité humaine nourrie par les émotions, à des comportements échappant à une froide logique algorithmique.



La condition de survivante d’Aude Albrespy et l’existence de robots rappellent qu’il s’agit d’un récit d’anticipation et même de science-fiction. Le lecteur chevronné grimace de temps à autre devant des facettes manquant de plausibilité : la ville ne se dégrade pas malgré le manque de maintenance en tout genre, les robots, les bâtiments et les machines continuent à être alimentés en énergie malgré l’absence de toute industrie pour planifier et réaliser les travaux d’entretien basique ou pour extraire les matières premières nécessaires à leur fonctionnement. En outre, il peut s’interroger des conséquences de l’absence d’amour humain sur le développement d’un enfant, confié à une machine ne connaissant que la logique, n’ayant jamais éprouvé d’émotions. Dans le même temps, comme pour le premier tome, le récit charrie des questionnements découlant de manière organique d’un récit de genre science-fiction. À l’évidence, étant seule survivante à sa connaissance, Aude Albrespy n'envisage jamais la question de repeupler la Terre, voire estime que la vie de son fils est inutile et vaine, alors même que le robot Ulysse choisit, du fait de sa programmation, de la préserver. À en croire les dires d’Ulysse, Aude a fait semblant de mourir à plusieurs reprises, posant la question de quel avenir peut envisager le dernier survivant de la race humaine sur Terre. Jonas se fait la réflexion qu’il s’habitue de moins en moins à cette ville qui tourne à vide : des milliers de machines muettes qui officient pour un culte dont les dieux (c’est-à-dire les êtres humains) sont absents, une interrogation sur l’absence de sens d’une civilisation dont les habitants ont disparu. Puis il s’interroge sur le caractère naturel du sentiment d’amour filial pour une mère dont il sait qu’elle existe, mais qu’il n’a jamais vue. Le lecteur finit par comprendre que le comportement d’Aude vis-à-vis d’Ulysse relève du syndrome de Stockholm pervers entremêlé d’une relation de dépendance dans le contexte d’une dépression. Les réflexions d’Ulysse sur le caractère précieux de l’être humain renvoient également à un mouvement de balancier entre une vision égocentrée de l’humanité, et le constat de son unicité pour cette forme de conscience d’elle-même, pour la richesse de ce que génèrent les émotions.



Un deuxième tome où les relations sexuelles se font plus explicites, le fonctionnement de ce futur de science-fiction plus sujet à caution, que ce soit l’absence de prise en compte de l’entropie ou le développement d’un nourrisson privé de contacts humains. Dans le même temps, une histoire où la science-fiction est mise à profit pour un récit d’aventures sous tension, et des questionnements sur la nature humaine dans ce qu’elle a de fragile et d’unique. Inquiétant.
Commenter  J’apprécie          310
L'ordre de Cicéron, Tome 1 : Le procès

L'ordre de Cicéron: c'est l'histoire de 2 familles rivales , qui se haissent depuis la seconde guerre mondiale. Deux jeunes avocats vont s'opposer lors d'un procès et leur amitié ne pourra résister aux pressions .

Un tome qui met en place l'histoire et qui fait un retour dans les passé. Ou le nazisme et la persécution des juifs sont "mis à l'honneur".



J'ai apprécié ce tome, même si dans les grandes lignes c'est du déjà vu. Mais j'ai aimé la mise en scène et ma curiosité a été suffisamment titiller pour me donner envie de lire la suite
Commenter  J’apprécie          300
Le Décalogue, Tome 7 : Les conjurés

Les conjurés opus 7 du Décalogue illustre le commandement: "Tu ne tromperas pas ceux qui t'aiment". La trahison la plus cruelle vient de ceux auxquels on tient, la douleur n'en est que plus vive et douloureuse.

Cette expérience meurtrira Benjamin, adolescent de treize ans pour la vie.

Nous sommes à l'automne 1822, les ultras royalistes dominent au sein de la chambre retrouvée, Louis XVIII règne dans une ambiance réactionnaire.

Le roi adipeux a laissé les rênes à Villèle que l'on dit plus royaliste que le roi. Des complots se fomentent dans une France nostalgique de Louis Napoléon Bonaparte; les sociétés secrètes fourmillent.

Monsieur Vitrac, en "bon cousin" intronise la jeune et sémillante épouse d'un général bonapartiste au sein de la Charbonnerie.

Le danger permanent, l'urgence, sont autant d'engrais qui font favoriser l'éclosion d'un amour secret et interdit.

Nahik, recueil précieux dans lequel sont retrancrits les Dix Commandements illustrés par Desnouettes doit être reproduit pour financer la lutte contre la monarchie. Il rappelle combien l'Egypte était restée à l'honneur une vingtaine d'années après la campagne en Egypte du jeune général Bonaparte. Les admirables aquarelles orientales de Desnouettes en sont un témoignage.

Un album au contexte historique passionnant bien mis en valeur par l'illustrateur Gillon.
Commenter  J’apprécie          260
La Survivante, tome 4 : L'ultimatum

En bref, il vous manque l’essentiel pour être réellement fiables. L’imagination !

-

Ce tome est le dernier d’une tétralogie indépendante de toute autre. Sa première édition date de 1991. Il fait suite à La Survivante, tome 3 : La revanche (1988). Il a entièrement été réalisé par Paul Gillon (1926-2011), pour le scénario, les dessins et la mise en couleurs. Il compte quarante-six pages de bande dessinée. La série a bénéficié d’une réédition en intégrale : La Survivante - Intégrale en 2008.



Dans une pièce de l’hôtel Crillon, reconvertie en laboratoire d’expériences, Aude Albrespy est suspendue nue en l’air par des bras mécaniques, la tête en bas, les jambes écartées, un autre bras tenant un godemichet proche de son sexe. Debout, impassible, le cyber BX 240 se tient immobile faisant des remarques à voix haute : Comme la nature humaine est mystérieuse, surprenante !… Expérimentalement, il a eu la preuve que la sensibilité d’Aude aux stimuli sexuels pouvait être déclenchée par un processus mécanique. Mais, à présent, en affinant ses méthodes, il se rend compte que la jouissance de la femme n’est provoquée que par des représentations anthropomorphiques actives. Cependant, il s’interroge : Le cas d’Aude est-il représentatif d’un comportement global de l’espèce humaine, ou est-il la conséquence d’une éducation, d’une croyance, de frustrations enfantines ou adolescentes ? Il continue : Quel dommage que les cybers n’aient qu’elle comme sujet d’expérience, que certaines circonstances l’aient obligé à annuler quelques hominidés grâce auxquels il aurait pu étendre substantiellement son champ d’investigation. Les bras mécaniques continuent de balloter Aude dans tous les sens. Sur ce point particulier BX 240 se voit contraint d’attendre que Jonas, le fils d’Aude, atteigne l’âge où biologiquement l’instinct de reproduction se manifestera par des phénomènes propres aux mammifères soi-disant supérieurs dont ils sont les ultimes représentants. Aude lui rétorque que ses circuits intégrés ne seront jamais à même d’analyser la nature humaine, jamais ! Les bras la déposent au sol et le cyber lui annonce une nouvelle série de tests dès le lendemain.



Plus tard, Jonas et BX 240 font une balade dans Paris, chacun sur leur moto aéroglissante. Le cyber indique qu’il n’est pas dupe de l’apparente soumission de l’adolescent. Si ce dernier pense qu’ayant réussi parfois à mystifier le cyber, il lui sera encore possible de lui échapper, il faut qu’il se détrompe. Pourquoi essayer de fuir ? Pour aller où ? Toutes les stations informatiques, toutes les télé-sondes et les satellites de surveillance ont convaincu les cybers qu’il n’y a définitivement plus aucune trace de vie humaine sur cette planète. Aude Albrespy et son fils sont les seuls survivants. Jonas rétorque que lui aussi a fait des constats : De semaine en semaine, les circuits électroniques qui tiennent lieu de cervelles aux cybers se détériorent. Leurs servo-moteurs, leurs diodes et leurs magnétrons, leurs pastilles neuroniques, sont de la camelote, de la pacotille. Par cupidité, l’homme fragilisait sa production industrielle pour écouler plus rapidement ses produits.



La fin du tome précédent indiquait clairement que le retour sur terre ne s’effectuerait pas sous les meilleurs auspices possibles. La séquence d’ouverture renoue avec une forme d’exploitation de la nudité féminine qui apparaît malsaine : maltraitance et voyeurisme, imposés par les conditions d’une expérience menée par un robot. L’auteur consacre d’autres séquences à Aude Albrespy, une à l’école alors qu’elle est encore une enfant, une au début de sa vie d’adulte alors qu’elle est sous l’emprise d’un individu qui s’avère faire partie d’une cellule terroriste. Le scénariste a ramené sa protagoniste au stade du premier tome, ou presque : très consciente d’être une survivante et que l’espèce humaine n’a plus d’avenir. Elle subit la maltraitance du cyber BX 240 et son état dépressif se réinstalle. Les dessins montrent une femme en proie à des émotions exacerbées, avec des traits de contour un peu fins et un peu cassants, dont la rugosité évoque la fragilité de la vie et aussi sa dureté. Pour choquante qu’elles soient, les positions obscènes d’Aude dans la première scène font comprendre au lecteur l’absence d’empathie du robot. Il n’est pas programmé pour ça. Le traitement infligé à cette femme suscite une gêne suscitée chez le lecteur contraint d’y assister. Il n’y a rien d’érotique, plutôt une torture abjecte.



Aude se retrouve encore nue quand plusieurs robots viennent la chercher dans son lit le matin, comme des soldats sans âmes, obéissant aux ordres sans capacité de les questionner, avec des silhouettes sombres et des têtes en forme de casque, montrant bien l’absence d’émotion. Dans le passé, elle fait l’amour avec Haoudi Saïed, et le lecteur a bien compris que l’homme n’éprouve aucun sentiment pour elle : elle se montre passionnée, alors qu’il n’est pas possible de lire d’émotion sur son visage à lui. Son comportement par la suite, en la prenant otage confirme qu’il est tout autant privé d’empathie que les robots. Le pire de l’abject se produit lorsque BX 240 sonde ses souvenirs et fait remonter un traumatisme de l’enfance, une violence sexuelle commise sur cette petite fille. Les aplats de noir se font plus importants pour insister sur les ténèbres tant de la pièce que de l’acte, épargnant au lecteur de se retrouver encore plus voyeur. L’auteur établit que cette femme a été la victime de violences sexuelles pendant plusieurs périodes de sa vie, ce qui a occasionné de profonds traumatismes, et que BX 240 se conduit comme un bourreau de plus, sa programmation ne lui permettant ni de comprendre le mal qu’il fait, ni d’observer qu’il reproduit le même schéma que d’autres humains ce qui induit par voie de conséquence qu’ils étaient tout autant dépourvus d’empathie.



En contrepoint au sort de sa mère, le lecteur voit les interactions de son fils Jonas avec le même BX 240, et ses fait et gestes quand il se retrouve seul, livré à lui-même. Dans le deuxième tome, le lecteur avait pu observer qu’il s’agit d’un enfant prépubère, très en avance sur son âge, précoce et surdoué. Il est capable de tenir tête au cyber, et il fait déjà montre d’un esprit de rébellion, en cherchant des moyens de se sortir des griffes de la surveillance et de la domination du cyber. Il n’hésite pas à le confronter sur la détérioration inéluctable des machines, à la fois la conséquence de l’entropie inéluctable, mais aussi de l’obsolescence programmée, Jonas disant que : L’homme fragilisait sa production industrielle pour écouler plus rapidement ses produits. Par la suite, il observe l’action des étranges créatures aquatiques sur les robots. Il souligne l’incapacité des robots à s’adapter, et il va jusqu’à pointer du doigt que l’existence des robots en général et de BX 240 en particulier, n’a pas de sens sans être humain comme spectateur. Le lecteur éprouve une forte sympathie pour ce jeune garçon intelligent, en phase de rébellion contre le cyber, à la fois plus réfléchi et plus impulsif que sa mère, sa jeunesse le préservant d’être victime du découragement ou de la dépression. Le lecteur voit un jeune garçon, bientôt jeune homme, assez élégant. Le dessinateur sait représenter un vrai garçon et pas un mini adulte.



Une fois passées les deux pages glauques de tests physiques effectués sur Aude, le lecteur retrouve les superbes vues de Paris : une vue de dessus de la place de la Concorde, jusqu’à La Madeleine, la façade de l’hôtel Crillon, puis la tour Eiffel dans le lointain, une vue des tours de la Défense dans le lointain, Notre Dame lors de la balade en aéro-moto, les quais de Seine, le jardin du Palais Royal et ses galeries, la place des Pyramides avec la statue de Jeanne d’Arc, le pont de la Concorde. Le dosage entre traits fins, petites touches de noir plus épais, et la mise en couleur s’avère parfait pour donner à voir avec précision les éléments en premier plan, et pour laisser deviner les éléments en arrière-plan. Ces paysages apparaissent en fonction des déplacements des personnages, à l’opposé d’une enfilade de sites touristiques dans un circuit optimisé. Le lecteur peut également relever les marques du temps, l’absence d’entretien pendant plusieurs années. Par exemple, les jets d’eau ne fonctionnent plus. Et bien sûr l’absence de tout être humain. L’artiste a également conçu une séquence d’action inattendu sur une péniche parisienne, alors qu’un robot de surveillance essaye d’empêcher Jonas d’aller plus loin, et de le forcer à revenir dans le périmètre autorisé par BX 240 autour de l’hôtel Crillon.



Sous le charme de ce récit nostalgique de Paris, sous le coup de l’horreur de l’absence d’émotion des cybers se livrant à des expériences cruelles, illustrant les conséquences d’une science sans conscience, le lecteur se demande comment l’auteur va conclure son récit, sur une fin ouverte, ou de manière plus définitive ? Il est pris de court par le développement final, raconté dans les neuf dernières pages. Le scénariste avait préparé le dispositif permettant cette évolution, et pour autant ces dernières pages évoquent l’âge d’or de la science-fiction, avec une touche poétique inattendue et poignante. Une fin qui montre la notion de survivante sous un autre aspect.



Pour ce dernier tome, l’auteur se montre sans pitié, envers ses personnages, envers son lecteur. Ce dernier se retrouve voyeur de deux violences sexuelles cruelles, dessinées de manière explicite. Mais ces deux scènes participent à raconter la personnalité d’Aude Albrespy, et à opposer l’être humain émotionnel aux robots froids et logiques. La narration visuelle est au diapason de ce récit noir : une mise en couleurs expressionniste en sourdine, des dessins montrant les personnages, mettant en évidence l’absence d’autres êtres humains. Le titre de la série reprend tout son sens, de dernière survivante avec son fils, mais également ayant survécu à la maltraitance. L’auteur sait utiliser avec personnalité les conventions de la science-fiction. Derrière elles, le lecteur peut y voir une métaphore de la vie intérieure d’Aude Albrespy, l’isolement générés par les traumatismes, la sensation d’évoluer seule dans un monde où elle n’a plus la capacité d’établir un contact avec un autre être humain. Dérangeant.
Commenter  J’apprécie          250
La Survivante, tome 1

Tout ce passé sans avenir…

-

Ce tome est le premier d’une tétralogie indépendante de toute autre. Sa première édition date de 1985. Il a entièrement été réalisé par Paul Gillon (1926-2011), pour le scénario, les dessins et la mise en couleurs. Il compte quarante-cinq pages de bande dessinée. La série a bénéficié d’une réédition en intégrale : La Survivante - Intégrale en 2008.



En 2007, une plongeuse en combinaison avec bouteille d’oxygène émerge de l’eau, en Méditerranée, après être reste coincée dans une grotte : Aude Albrespy. Sa tête sort de l’eau, et elle enlève son masque et son embout. Elle prend pied sur la berge et elle appelle : Jérôme ! Alain ! Aucune réponse. Elle avance vers la Jeep, le Zodiac, derrière il ne reste que les montants de la tente. Elle tombe à genou sur le sable : elle vient de découvrir les restes calcinés des squelettes de ses deux amis. Qu’est-il arrivé ? C’est impossible, monstrueux. En son for intérieur, elle comprend pourquoi ils ne répondaient pas à leurs appels, à elle et Dick. Elle n’aurait pas dû supposer qu’ils n’avaient pas tenté de les secourir quand la brutale montée des eaux les a coincés, elle et Dick, dans cette caverne. Ils y ont vécu des jours d’épouvante, et Dick qui est mort en tentant une sortie, sa bouche bleuie qui ne répondait plus. Et maintenant, après cette ultime tentative, elle qui espérait se réfugier dans la chaleur de l’amitié. Ils sont morts, de la poussière, juste un peu de poussière. Aude se dit qu’elle doit réagir, comprendre ce qui a pu se passer. Elle enlève sa combinaison de plongée, et en petite culotte elle se met au volant de la Jeep. Elle allume la radio : rien, rien que des parasites. Il lui faut partir, sortir de cette combe. Le véhicule démarre, le moteur tourne. Elle remarque que l’air est saturé de poussière… Et cette lumière cuivrée, c’est l’Apocalypse, ça devait arriver.



Aude Albrespy conduit tranquillement sur la route et arrive dans la petite ville la plus proche. Elle est abandonnée, une voiture renversée, des restes de corps humains, tous cramés, instantanément, foudroyés sur place. Mais elle, elle a encore un corps et elle est affamée. Il faut qu’elle trouve quelque chose à se mettre sous la dent. Elle rentre dans une épicerie et elle se sert parmi les boîtes de conserve. Elle s’entaille légèrement le doigt en l’ouvrant. Elle se rend compte qu’elle est proche de céder à la panique. Il faut qu’elle bouge, rejeter le désespoir. Elle remonte dans la Jeep et elle prend la direction de Montélimar. Une fois dans la ville, ça se confirme : elle est la seule survivante. Elle arrive devant un centre commercial et elle s’arrête car elle a vu quelque chose bouger : un cyber. Elle descend les marches de l’escalator : tout semble presque normal, pour les cybers la vie continue, quelle dérision ! Autant qu’elle en profite pour s’habiller. Un robot vient se présenter à elle, lui dit bonjour, et commence à faire l’article : elle semble intéressée par leur collection de Pantajeans, une toute nouvelle création de Sainlor. Et ils ont des casaques assorties, ainsi que de ravissants boots en synthé.



Un récit d’anticipation, limite science-fiction, datant de 1985 : la guerre atomique a eu lieu, ou un incident du même genre ce n’est pas bien précisé. Il y a une survivante en France, et les robots humanoïdes fonctionnent toujours. Le lecteur peut ne pas être pleinement convaincu par le cadre d’anticipation : comment Aude Albrespy en est-elle vraiment ressortie indemne, et pas Dick ? Comment les cybers peuvent-ils continuer à fonctionner sans maintenance ? S’il s’agit vraiment d’une catastrophe nucléaire, qu’en est-il des radiations ? Pour un habitué des récits de ce genre, le cadre général de l’histoire peut sembler un peu léger. D’un autre côté, cela fournit un point de départ à un récit de type survivaliste, avec sa propre personnalité. Le personnage principal bénéficie de tout le confort moderne : installée à l’hôtel Crillon, puisque de toute façon il n’y a personne d’autre pour en profiter. Tous les magasins de luxe à sa portée. Un cyber (un androïde sans conscience) à sa disposition pour subvenir à chacun de ses besoins, même très personnels. L’auteur a fait le choix d’inscrire son récit en France, avec des références concrètes, comme Montpellier, Valence ou Paris. Il décrit ces endroits avec un mélange d’éléments traditionnels de l’époque où la bande dessinée a été réalisée, et de quelques touches d’anticipation comme le Lion de Belfort, sculpture d'Auguste Bartholdi, située place Denfert-Rochereau, sous cloche, ou l’obélisque de la place de la Concorde, également sous cloche.



Dès la première page, le lecteur peut se projeter dans l’endroit décrit : la formation rocheuse avec l’accès à la caverne par lequel revient la plongeuse, la texture de la roche entre traits encrés et mise en couleurs, les légères rides à la surface de l’eau, la silhouette d’Aude sous la surface de l’eau, les éclaboussures quand elle brise la surface de l’eau, les gouttelettes qui dégoulinent de son masque quand elle le soulève, l’eau un peu sombre du fait de son manque d’exposition au soleil. La qualité descriptive de la séquence sur la plage relève du même niveau : d’un côté tout semble ordinaire et évident, de l’autre le lecteur assimile de nombreux éléments visuels sans même s’en rendre compte. En une dizaine de cases, il a vu le canot pneumatique motorisé, la Jeep (bien sûr que les plongeurs ne sont pas venus à pied), les tendeurs métalliques de la tente dépourvue de toile, une gamelle renversée sur le sable, une lampe tempête couchée au sol, les restes calcinés des deux hommes, un jerrycan, les affaires de plongée au fur et à mesure qu’Aude s’en défait. Le dessinateur sait inclure les éléments qui racontent le campement, qui le rendent concret. Les emplettes dans le magasin de vêtements occupent trois pages et s’avèrent tout autant immersives : les escaliers mécaniques, les présentoirs en forme de comptoir, un caddy dans une allée, les supports pour les vêtements sur des ceintres, mais aussi sur un présentoir bas, les grands disques d’éclairage, le sol en grandes dalles, la rangée de caisses avec un cyber à la conception spécifique pour cette tâche, tout est à sa place, rien ne manque pour que le lecteur fasse l’expérience d’achats en compagnie du robot vendeur.



Aude Albrespy est représentée comme une belle jeune femme, peut-être la trentaine, ou à peine. Elle apparaît en tenue de plongée dans la première et la deuxième planche ; elle se déshabille dans la troisième pour être dans une simple culotte blanche. Dans le contexte du réalisme des décors et le naturalisme de la direction d’acteur (enfin, de l’actrice), le lecteur tique un peu à ce choix du personnage de rester ainsi dévêtue. Elle s’achète des vêtements en planches sept et huit, et le lecteur se dit que ses vêtements précédents ont dû être détruits par la catastrophe, comme la toile de tente. En étant la seule survivante, la seule humaine au Crillon, elle n’a pas trop à se préoccuper de sa tenue face à de simples robots. En planches seize et dix-sept elle prend un bain, et le lecteur peut apprécier son anatomie dans toute sa nudité, y compris jambes écartées quand elle se détend pendant le massage prodigué par le robot Ulysse. Par la suite, elle se masturbe à l’aide d’un appareil inattendu, puis elle regarde un film pornographique en se masturbant également, ce qui donne lieu à la représentation assez chaste d’un sexe masculin sur l’écran, et il se trouve encore deux autres scènes de sexe. Le lecteur n’ignore ainsi rien de l’intimité physique d’Aude, sans que l’artiste n’aille jusqu’à un gros plan de pénétration, une narration à la frontière de l’érotisme et de l’explicite. Elle se retrouve nue pendant quinze pages, et en petite culotte pendant quatre autres pages, sur un total de quarante-cinq planches.



Dans le même temps, l’histoire ne se limite pas à un simple prétexte pour de simples scènes de titillation et de sexe. La narration visuelle montre et raconte la solitude du personnage, son confort matériel et sa détresse émotionnelle. Elle emmène le lecteur dans différents endroits de Paris : le luxe de la chambre de l’hôtel Crillon et de ses couloirs, la tour Eiffel et sa vue imprenable, le jardin des Tuileries, le Louvre, les quais de Seine, etc. Au travers des bulles de pensée d’Aude, le lecteur découvre ses états émotionnels : la certitude que l’Apocalypse devait finir par arriver, le refus de se laisser aller à se comporter comme un animal, la futilité de la mode dans de telles circonstances, l’ironie que les cybers (robots) fonctionnent encore alors qu’il n’y a plus d’êtres humains à servir. Elle arrive à Paris et se rend compte que, d’une certaine manière, tout lui appartient, mais paradoxalement qu’elle n’a personne avec qui le partager, ce qui ôte toute valeur à toute forme de possession, son envie de compagnie qui s’exprime de façon physique. Les visites de musée constituent son seul lien avec l’humanité disparue. Finalement, le ton de la narration ne se complaît pas dans un registre dépressif, et le lecteur apprécie quelques moments incongrus dégageant un humour sophistiqué. L’auteur s’amuse avec une séquence où ce qu’il reste de gouvernement apparaît plus parasitaire que jamais. Le vin constitue la seule forme de plaisir gustatif qui continue de se bonifier avec le temps. Aude s’en veut d’avoir eu le réflexe d’écraser un moustique, une des rares formes de manifestation de vie. Impossible de se retenir à la réaction de relâchement et d’assoupissement d’Ulysse, après avoir satisfait sa maîtresse. Le lecteur peut sourire en voyant la jeune femme accomplir ce qui allait être une promesse d’un maire de Paris : se baigner dans la Seine. Il soupire en regardant Aude éprouver des émotions cathartiques en visionnant des films, un bel hommage au pouvoir du cinéma.



Un récit d’anticipation avec des dessins impeccables pour montrer aussi bien la ville que le personnage principal livré à sa solitude totale. Une histoire comportant une fibre étonnamment coquine, tout en étant justifiée, et une dimension tragique jouée en sourdine. Une mise en scène de l’angoisse de la solitude absolue, d’une adaptation à une situation extraordinaire et démotivante, de l’essentiel et du futile. Étrange.
Commenter  J’apprécie          250
L'ordre de Cicéron, Tome 3 : Le survivant

Ce troisième tome est surtout un retour dans le passé. Le grand-père Steiner raconte sa déportation puis tous ce qui a pu lui arriver depuis. Le procès suit son cours.

L'histoire est de plus en plus prenante et les fins de tome donnent toujours envie d'en savoir plus.



Cette BD est pleine de machiavélisme avec des graphismes noirs et peu colorés. Ce qui colle parfaitement à l'histoire.
Commenter  J’apprécie          240
L'ordre de Cicéron, Tome 1 : Le procès

Cette BD est une réussite tant sur le plan des dessins que du scénario.

L'histoire est passionnante et j'ai hâte de connaître la suite.

L'atmosphère d'avant guerre est particulièrement bien rendue, de même que celle du procès à l'origine de la rivalité entre les 2 familles.

Cet album historico-juridique est brillant à tous points de vue.
Commenter  J’apprécie          220
La dernière des salles obscures, tome 1

Voici une histoire en deux tomes qui parcoure le XXe siècle et alentours depuis les débuts du cinéma. Le protagoniste est "tombé" dedans dès sa naissance. Il est maintenant un viel homme grincheux, dépendant de son fauteuil roulant. Après sa mort son collaborateur découvre une autobiographie dévoilant le passé de cet homme. Un long flash-back qui nous fait reparcourir le siècle au grè des expériences cinématographiques.

La narration est fluide et les passages d'une époque à une autre sont habiles. Les dessins sont très réalistes. J'ai plutot passé un bon moment de lecture meme si aucun des personnages ne me semble vraiment sympathique. Il est intéressant de voyager dans l'Histoire au travers d'une histoire personnelle. J'ai hate de lire le tome 2 afin de mieux comprendre la fin surprenante du premier.
Commenter  J’apprécie          212
L'ordre de Cicéron, Tome 2 : Mis en examen

Nos deux familles s'entredéchire toujours en essayant de mettre la main sur le cabinet d'avocat de l'autre. Et tous les moyens sont bons pour y parvenir, puisque par un coup monté notre jeune avocat français se retrouve en prison et ou débute son procès.



Une série juridique a suspens; qui nous tient en haleine. J'aime beaucoup et maintenant je n'ai plus qu'une envie c'est savoir, car beaucoup de secrets sont encore a dévoiler.
Commenter  J’apprécie          190
La Survivante, tome 3 : La revanche

Tout est écrit ! Saint-John Perse l’a chanté au crépuscule du dernier millénaire.

-

Ce tome est le troisième d’une tétralogie indépendante de toute autre. Il fait suite à La Survivante, tome 2 : L'héritier (1987). Sa première édition date de 1988. Il a entièrement été réalisé par Paul Gillon (1926-2011), pour le scénario, les dessins et la mise en couleurs. Il compte quarante-six pages de bande dessinée. La série a bénéficié d’une réédition en intégrale en 2008.



Une navette spatiale décolle d’une base de lancement, dans la nuit. Elle s’élance dans le ciel dans un torrent de feu craché par ses deux propulseurs. Elle finit par larguer son réservoir. À son bord, Jonas et Aude Albrespy regardent droit devant eux, ayant chacun revêtu une combinaison spatiale. Ayant quitté l’atmosphère, ils voient devant eux une station spatiale en orbite. La mère s’inquiète estimant que c’est de la folie ; son fils lui assure que c’est la seule solution. Il continue : la folie serait de rester à la merci des cybers. Il craint que ses actions n’aient engendré un fatal mécanisme de rejet. Il estime qu’ils n’étaient qu’un sujet d’expérience, et que maintenant que cette expérience a échoué ils sont bons pour le rebut, pour l’extermination. Il leur faut prendre du recul, prendre le temps de réfléchir. La station orbitale Eurospace est une zone de repli idéale. Tout y est conçu pour survivre des années à l’abri de tout… De presque tout. Alors qu’ils approchent de plus en plus, il explique qu’il va entamer le processus d’arrimage de la navette. À la question de sa mère, il répond que tous ses tests avec le simulateur de vol spatial ont été positifs. En cours de manœuvre, il prend conscience que son approche est trop rapide, il enjoint sa mère de se préparer au choc. La navette percute doucement la station et les dégâts sont mineurs. La pompe hydraulique du système multidirectionnel RCS est endommagée : ils sont satellisés sur une orbite parallèle à la station définitivement, c’est fini.



À leur grande surprise, un bras manipulateur de la station commence à bouger : c’est sûr, la station est habitée ! La navette est ainsi guidée de manière être arrimée jusqu’au verrouillage du sas. Un homme torse nu se présente une fois le sas ouvert, dans une station en apesanteur. Il s’exclame : un gamin et une gonzesse ! Il s’adresse à Jonas en le félicitant pour lui dire qu’il s’est débrouillé comme un chef. Il se présente : il s’appelle Douglas et c’est lui qui a pris la décision de les récupérer… contre la volonté des autres. Aude n’en croit pas ses oreilles : combien d’autres ? Douglas répond : il y a l’honorable docteur Rhea Ryder, le sémillant et génial géophysicien Théo Aretos et le commandant Horst Pollacq, le prestigieux héros de la première mission sur Phœbos et Delos. Il ajoute : du beau monde, très exaltant, tout en les exhortant à s’attendre au pire. Ils avancent dans les couloirs de la station et arrivent devant les trois autres, Pollacq flottant inconscient parce que Douglas a dû l’assommer pour pouvoir ouvrir le sas.



Avec le deuxième tome, la survivante n’était plus seule, mais quand il y repense, c’était déjà le cas dans le premier tome. L’auteur joue avec la notion de survie, n’ayant jamais dit que sa protagoniste est la seule survivante. Aude Albrespy et son fils Jonas ont décidé de quitter la Terre après une confrontation contre un robot ayant développé des idées bien arrêtées sur le devenir des deux derniers représentants de l’humanité. Alors qu’ils rejoignent une station spatiale en orbite, ils découvrent d’autres survivants, quatre spationautes, s’exprimant tous en français. Confinés dans un espace clos depuis plusieurs années, Jonas ayant maintenant une dizaine d’années, ils se sont adaptés à leur situation, développant une dynamique de groupe particulière, avec une forme d’amour libre consenti, et une fuite émotionnelle pour le commandant qui récite de la poésie à chaque moment émotionnellement chargé. Par la force des choses, l’arrivée de deux nouveaux individus dans ce très petit groupe en modifie ladite dynamique, et agit comme un révélateur des dérives étant devenues normales. Les contacts s’avèrent limités, le groupe de quatre s’arrangeant pour conserver les bénéfices de leur mode de fonctionnement particulier, par exemple une forme d’amour libre, convenant à Rhea qui fait preuve d’un grand appétit en la matière.



Dans le même temps, l’auteur poursuit son récit de science-fiction. Le fils et la mère réalisent un voyage dans l’espace à bord d’une navette spatiale classique, munie d’un énorme réservoir externe et deux propulseurs d'appoint. La station spatiale est munie de nombreux tableaux de bord avec cadrans, boutons, touches lumineuses et autres consoles. Les corps y flottent en apesanteur. Le lecteur trouve les visuels attendus : le décollage dans un nuage de fumées, le largage des propulseurs et du réservoir, la station orbitale comme suspendue au-dessus de la Terre, la sortie dans l’espace pour aller effectuer des réparations, avec seulement une fragile ligne de vie pour s’arrimer, les combinaisons spatiales avec leur grande visière réfléchissante, des visions partielles du globe terrestre, un atterrissage de retour à haut risque. L’artiste montre ces éléments de manière pragmatique, sans embellissement romantique, sans couleurs resplendissantes. Il reste ainsi dans le ton réaliste des tomes précédents, accentuant la solitude des êtres humains, leur fragilité dans le vide de l’espace, un élément qui n’est pas le leur, qui n’est pas propice à l’épanouissement de la vie humaine. Dans le même temps, l’auteur passe sous silence les problématiques liées à l’usure, à l’absence d’entretien et de maintenance faute d’êtres humains pour les assurer, aux conséquences de l’entropie. Il évoque rapidement la réserve de nourriture qui va en s’amenuisant dans la station spatiale. En revanche, il n’évoque pas l’effet de perte de masse et de tonus musculaire qui accompagne la vie en apesanteur. Il ne rend pas compte de la nature inhospitalière du désert australien, et des dangers de sa faune.



Pris par surprise devant l’ouverture qu’apporte le voyage dans l’espace, le lecteur n’en apprécie pas moins la qualité de la narration visuelle. Les dessins conservent leur apparence un peu sèche, avec des traits de contour pouvant être très fins et cassants, des dessins descriptifs, détaillés, souvent factuels. Dans le même temps, il ressent une forme de noirceur dans le récit, et il peut voir que l’artiste joue habilement des aplats de noir pour donner plus de poids à certaines images, pour leur conférer une sensation plus sombre. Le vide de l’espace bien sûr car il n’apparaît que de rares minuscules points blancs pour les rares étoiles qui semblent d’autant plus éloignées de la Terre, mais également entre elles. Et dans certaines cases, le vide de l’espace est uniformément noir, d’un noir profond. Dans les séquences en extérieur, les ombres dans l’espace apparaissent également très denses. Sur Terre, des aplats de noir aux formes déchiquetées alourdissent et assombrissent des parties de l’environnement, comme des rochers, la masse de l’océan, une partie des silhouettes comme celle d’un navire ou d’un être humain. De prime abord, la mise en couleurs ressort comme naturaliste : le rouge-orangé de la fournaise des propulseurs, le bleu et le vert des masses terrestres vues de l’espace, le blanc-gris des combinaisons spatiales. Discrètement, l’artiste joue sur de légers décalages de teinte pour colorer émotionnellement une séquence : un éclairage plus déprimant dans la station spatiale, un horizon assombri sur Terre, l’eau de l’océan terne sans reflet du soleil.



Le lecteur regarde également le comportement des personnages, en fonction des propos qu’ils tiennent. Il voit la tension dans leur visage, dans leur geste. Il voit la passion qui couve, parfois juste le désir physique qui transparaît. Comme dans les deux premiers tomes, l’activité sexuelle se manifeste régulièrement : tout d’abord avec Rhea Ryder qui se balade en culotte et soutien-gorge (et avec des chaussettes montant jusqu’à mi-cuisse), puis elle se jette sur Théo Aretos. Par la suite, Jonas et Douglas reviennent de leurs réparations en extérieur, pour retrouver Rhea, Théo et Horst en train de batifoler nus en apesanteur, ce dernier manifestant une belle érection. De retour sur Terre, l’ensemble se baigne nu dans une pièce d’eau en plein désert, et il s’en suit une relation sexuelle entre deux d’entre eux, un peu à l’abri des regards. L’artiste représente la nudité de manière factuelle, ainsi que les accouplements, sans sensibilité érotique, sans gros plan pornographique. Il s’agit d’une activité qui donnent aux individus concernés la sensation d’être vivant, un besoin primal, avec parfois peut-être une forme de plaisir.



Tout en ayant bien assimilé qu’Aude Albrespy n’est pas la dernière survivante, qu’elle survit à l’effondrement de la civilisation, le lecteur peut ressentir une forme de facilité dans le sort des spationautes. Toutefois, il se rend également compte que cela participe d’une intrigue de plus grande ampleur, qui n’était pas perceptible à la lecture des deux premiers tomes. Finalement, la question de la survie d’Aude Albrespy (et sûrement de son fils) se pose face à un autre danger qui était bien là dès le premier tome. Le lecteur retrouve également un autre spécimen de l’étrange créature aquatique apparue dans le tome deux (capable de vivre aussi bien dans l’eau douce polluée de la Seine, que dans l’eau salée de l’océan Pacifique), et il commence à développer des soupçons quant à sa nature, au vu de son effet sur le personnage principal.



Après les deux premiers tomes, le lecteur ne s’attendait pas à ce que son intérêt soit à ce point éveillé par l’intrigue générale qui se dessine au cours de ce troisième tome. Il retrouve avec plaisir la narration visuelle limpide et sèche, factuelle et presque clinique vis-à-vis des personnages. Il cerne de plus en plus à quoi Aude Albrespy doit survivre, la complexité et la cruauté de sa situation.
Commenter  J’apprécie          180
L'ordre de Cicéron, Tome 1 : Le procès

Le procès est le premier tome de la série de bandes dessinées L'ordre de Cicéron de Richard Malka et Paul Gillon. Le cabinet d'avocats Steiner-Mac Rae, un des plus importants du monde, tente de racheter le cabinet de Veyrac-Richemont. Cet acharnement trouve sa source à la veille de la deuxième guerre mondiale. Un premier volume bien maîtrisé et prenant. L'alternance entre le présent et le passé est bien mené.
Commenter  J’apprécie          110
Le Décalogue, Tome 7 : Les conjurés

1822 : Paris est secouée par les émeutes menées contre Louis XVII et les attentats sanglants et tonitruants des Carbonari. Hortense Fleury, deuxième épouse du général Fleury, est membre de cette société secrète, tout comme le jeune homme dont elle s’éprend. Pour financer la cause, elle propose l’impression d’une œuvre qu’elle tient de sa famille, en lui donnant un titre bien étrange. « Ce récit est tout bonnement ex-tra-or-di-nai-re ! Quelle imagination et quelle force ! Il y a souffle le vent de cette nouvelle littérature qui vient enfin ébouriffer les codes poussiéreux de nos aînés ! » (p. 22)

Bon, j’avoue que les nombreux changements de régime entre 1789 et 1870 m’ont férocement ennuyée quand j’étais en khâgne, mais cette formation a eu le mérite de me les faire à peu près entrer dans le crâne ! Plus que les événements politiques, je retiens surtout de ce siècle révolutionnaire l’évolution des modes, notamment féminines. Ici, Paul Gillon propose des tenues époustouflantes. Et assister à la production de Nahik, enfin, quel plaisir ! La double fin de l’album, évidemment tragique, est des plus réussies, et l’on comprend pourquoi le tome précédent commençait au Caire.

Commenter  J’apprécie          110
L'ordre de Cicéron, Tome 3 : Le survivant

Après le coup de théâtre de la fin du tome 2, ce troisième tome nous livre quelques explications sur ce qui est arrivé à Raphaël Steiner, et on découvre également que ce dernier n'a rien perdu de son talent d'avocat.

Le procès de Benjamin de Veyrac connaît de nombreux rebondissements, mais plus que l'aspect judiciaire, c'est le côté historique qui m'a plu dans cet album.

En effet, j'ai trouvé que la description du système stalinien à travers la destinée de Raphaël était particulièrement juste et intéressante.



A suivre dans le tome 4 puisque la fin nous a réservé une nouvelle surprise et que tout est loin d'être réglé entre les familles Steiner et de Veyrac, sans compter Martin de Richemont qui est toujours en mauvaise posture.
Commenter  J’apprécie          110
Le Décalogue, Tome 7 : Les conjurés

J'ai eu beaucoup de mal a entrer dans ce récit...

Il y a tout d'abord un nouvel aspect Historique que j'ignorais.... Non la Franc-Maçonnerie n'était pas la seule organisation secrète du XIXème en France, il y a eu les charbonniers.... pourtant ils sont à l'origine de certains événements que je connaissais.....Encore un sujet que je vais devoir creuser.

Pour en revenir au récit, je l'ai trouvé assez similaire au précédent, avec une narration assez linéaire et une grande révélation qui bouleverse beaucoup de chose.

Mais au moins je commence à savoir d'où vient Nahik.... on sait enfin quand il a été imprimé.
Commenter  J’apprécie          100
L'ordre de Cicéron, Tome 3 : Le survivant

Le survivant est le troisième tome de la série de bandes dessinées L'ordre de Cicéron de Richard Malka et Paul Gillon. La lutte continue entre Nathan Steiner et Benjamin de Veyrac qui doit se défendre de son accusation de blanchiment. Cet opus reprend le principe du premier volume avec des retours dans le passé pour évoquer l'incroyable trajectoire des protagonistes. Cet album est le dernier du dessinateur.
Commenter  J’apprécie          80
L'ordre de Cicéron, Tome 1 : Le procès

J'ai emprunté cette série un peu par curiosité... je me demandais de quoi pouvais parler une série fiction autour du thème de la justice.

Et surprise, il ne s'agit pas que de Justice, mais aussi d'Histoire et aussi de saga familiale.... ça fait beaucoup en quelques pages, mais j'ai vite été plongé dans cette ambiance un peu étrange de rivalité qui perdure par delà les décennies.

A suivre donc
Commenter  J’apprécie          80
L'ordre de Cicéron, Tome 1 : Le procès

Tome 1 d'un polar historico-politico-juridique.

L'histoire se met en place : la confrontation depuis la seconde guerre mondiale de deux familles d'avocats de génération en génération, ayant chacune construit le succès de leur cabinet ( le plus grand à NY et le plus grand à Paris) suite à un drame les ayant opposé durant la seconde guerre mondiale.

La présence d'arbres généalogiques au début est une idée intéressante car à la fin de ce premier album nous avons été mis en présence de toutes les générations depuis 1939.

Le dessin est beau, classique, soigné, précis.

Le suspens est au rdv.

Tout est en place pour donner au lecteur l'envie d'ouvrir le T2



Commenter  J’apprécie          80
L'ordre de Cicéron, Tome 2 : Mis en examen

Alors que Nathan Steiner est en train de racheter son cabinet d'avocats, Benjamin de Veyrac est victime d'un coup monté et emprisonné pour blanchiment d'argent par la médiatique juge Veron. Sa défense est assurée par Anissa Taniss, mais celle-ci joue un double jeu.



Ce deuxième tome de l'ordre de Ciceron est mené tambour battant jusqu'au coup de théâtre final qui donne envie de se précipiter sur le troisième tome. Les dessins correspondent parfaitement au style de l'histoire , mais c'est surtout le scénario de Richard Malka qui fait l'intérêt et l'originalité de cette série. Dans ce second volume, l'aspect juridique prime sur l'aspect historique qui prédominait dans le premier album, mais l'ensemble est toujours aussi brillant et passionnant.

Commenter  J’apprécie          80
L'ordre de Cicéron, Tome 1 : Le procès

Une bande dessinée historico-juridique, pas banal, n’est-ce pas ?

Un scénario complexe, qui met en scène deux familles. L’histoire commence en 1938, à la fac où trois amis terminent leurs études : Emilie et Nicolas de Veyrac, jumeaux nés en 1915, fils d’Edouard, un grand avocat parisien, et Raphaël Steiner, né en 1916, lui aussi héritier d’une lignée de juristes, mais issu d’une famille juive. Nous sommes à la veille de la guerre et nous sommes les témoins de la mise en place des lois anti-juives. En particulier, celle qui va conduire à la radiation du barreau de 98% des avocats d’origine juive, et de la récupération de leurs clientèles par leurs concurrents. Nicolas de Veyrac et Raphaël Steiner sont rivaux sur une affaire pénale très médiatisée. Raphaël prouve l’innocence de son client, Nicolas va se venger de façon terrible. Sa sœur Emilie épouse Raphaël et attend un enfant de lui en 1942.



L’intrigue à rebondissements, ne faiblit pas. Le contexte historique est bien rendu. Je ne suis pas assez au fait des arcanes d’un procès d’Assises (tome 1), mais les principes de la déontologie sont bien expliquées. Le graphisme et les couleurs sont élégants.

En fait, j’avais été très déçue, en achetant le deuxième livre, de constater que l’histoire se poursuivait et qu’il me fallait attendre pour connaître la suite. Et puis, j’avais oublié.

A présent, je sais que deux nouveaux volumes sont parus et je viens de les commander, et j’ai hâte …

Commenter  J’apprécie          80
L'ordre de Cicéron, Tome 3 : Le survivant

Décidément je ne m'attendais pas du tout à ça quand j'ai fini la lecture du tome 1. C'était intéressant, il semblait y avoir beaucoup d'éléments pour faire un scénario assez dense, mais je n'imaginais pas découvrir une histoire si riche en suspens et rebondissement !

J'avais eu un peu de mal à me lancer dans le premier tome, mais maintenant je ne peux plus m'arrêter de tourner les pages pour connaitre enfin la conclusion.

Et je me jette sur le dernier volume
Commenter  J’apprécie          70




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Paul Gillon (694)Voir plus

Quiz Voir plus

L’île des esclaves

Où se situe l'île ?

dans la Méditéranée
dans l'Atlantique
on ne le sait pas

5 questions
208 lecteurs ont répondu
Thème : L'Île des esclaves de Pierre de MarivauxCréer un quiz sur cet auteur

{* *}