"Piccolomini et Pierre de la Ramée étaient des hommes différents, qui s’adressaient à des mondes différents, séparés désormais par un fossé qui depuis le début du quinzième siècle se creusait toujours davantage. Ils étaient rebelles à la tradition de l’Ecole, ils avaient appris des Anciens qu’il n’y a pas de livre unique, mais que les livres sont très nombreux ; que, en outre, et avant les livres des hommes, il y a le grand livre de la nature ; que, pour le comprendre, l’autorité ne sert à rien, mais que la raison est nécessaire."
("Le philosophe", E. Garin)
Si importante qu’ait pu être la multiplication des exemples des classiques pour le succès du mouvement humaniste, l’imprimerie était davantage qu’un agent de diffusion. Elle favorisait et stimulait un processus crucial pour toute réception créatrice, qu’on pourrait baptiser "décontextualisation", ou "distanciation". Celui qui lit une idée peut plus aisément le recevoir avec détachement et esprit critique que s’il l’entend de la bouche de quelqu’un. Le lecteur peut comparer et opposer les arguments avancés dans des textes différents, au lieu de se laisser submerger, en face à face, par l’éloquence de l’orateur.
Louis XIV, roi de France, hérita du trône en 1643, à l'âge de quatre ans, et régna soixante-douze ans, jusqu'à sa mort en 1715. C'est le personnage central de ce livre. Mais il ne s'agit pas ici d'une nouvelle biographie - une de plus - du Roi-Soleil. Il y en a déjà beaucoup, et certaines sont excellentes. Cette étude est différente parce qu'elle s'intéresse moins à l'homme ou au roi qu'à son image. Pas à celle qu'il avait de lui-même, bien qu'on en ait fait une reconstruction. Ni à celle qu'il a aux yeux de la postérité : elle a fait l'objet d'autres travaux. C'est sur l'image publique du roi que se concentrera cet ouvrage, sur la place de Louis XIV dans l'imagination collective.