LE QG 11 - LABEEU & GUILLAUME PLEY avec PHILIPPE B. (GIGN)
[Après une prise d'otage à la prison de Fleury Mérogis où l'auteur a dû abattre le détenu pour sauver l'otage]
Quand nous revenons à la rotonde, Rachida Dati [ministre de la justice] s'approche pour nous féliciter. Mais quand Favier lui annonce que j'ai réalisé le tir, elle ne me dit pas un mot et m'ignore comme si je sentais le soufre.
[Attentats du 13 novembre 2015]
Les sections d'alerte se préparent, avec pour chacune d'elles un médecin et un infirmier formés aux blessures de guerre. Ce sont 45 hommes qui sont prêts à partir sur le champ, mais qui restent pourtant l'arme au pied à Satory en attendant un ordre de notre direction.
Ce même soir à 21 h 36, 30 gendarmes de l'escadron 31/7 de Rennes qui sécurisent le domicile privé du premier ministre entendent des coups de feu rue de Charonne, à quelques pas de là. Ils se précipitent pour découvrir qu'une fusillade vient de se produire au café La Belle Équipe [...] Le capitaine qui les commande est alors informé qu'une tuerie se déroule au Bataclan. Il rassemble ses hommes pour foncer vers les lieux [du] drame, rend compte de son déplacement à la préfecture de police, mais un ordre tombe qui l'arrête dans son élan : restez sur place, vous n'êtes pas en zone gendarmerie !
[...]
J'arrive moi-même au groupe vers 22 h 05, et vois notre convoi de sections d'alerte quitter notre base à 22 h 40. Ils seront à Paris, à la caserne des Célestins – et à proximité du Bataclan – à 23 h 20. Parmi eux, des anciens d'Afghanistan, d'Irak [...] Ils sont tous opérationnels à 200% et qualifiés aux soins de premiers secours sur blessures de guerre. Ils sont accompagnés d'un médecin et d'un infirmier, mais ils vont rester cantonnés à la caserne des Célestins toute la nuit. Une honte !
Je continue à m'approcher jusqu'à arriver à moins de 50 mètres de l'objectif. J'avance encore, grimpant un étroit chemin et ignorant les hommes de Camara qui palabrent sous les kékés. Je me concentre sur l'antenne qui ne se trouve plus qu'à quelques pas...
Tout à coup, une petite tête apparaît émergent d'un trou, celle d'un enfant ! En une fraction de seconde, je réalise qu'il s'agit d'une vieille antenne satellite militaire reconvertie par des gamins en symbole de la base secrète où ils jouent aux soldats, au milieu des ordures...
Et dire que nos stratèges de salon, à des milliers de kilomètres de là, étaient prêts à faire décoller un nouvel avionet à brûler des tonnes de kérosène pour photographier une fois encore un dépôt d'ordures !
Quand nous arrivons enfin au commissariat pour ma déposition, la nouvelle a déjà fait le tour des bureaux.
"Eh, les gars, il y a un type qui vole un sac dans le métro et devinez sur qui il tombe ? Sur un mec du GIGN ! Pas de bol !"
Lorsque j'arrive au Groupe, le général Orosco m'apprend que la nouvelle a fait le tour de Paris et que le directeur de la gendarmerie m'octroie même une citation à l'ordre du régiment ! Je suis sur le cul... Dire qu'on me récompense pour si peu alors qu'on m'avait négligé pour l'opération de Fleury-Mérogis ! [Il avait sauvé un otage en abattant son ravisseur] Allez comprendre...
[janvier 2015, les frères Kouachi sont cernés à l'imprimerie de Dammartin en Goële]
Un hélicoptère ! Ce n'est pas l'un des nôtres, mais celui de BFM TV, qui tourne au-dessus de la zone. Nous apercevons le cadreur, caméra au poing et porte ouverte, comme s'il filmait le tour de France. Au bout de vingt minutes de ce manège, on ne s'entend plus ! La colère monte chez les "ops" qui se préparent à lui tirer une grenade à fusil inerte, histoire de le faire déguerpir. Se rend-il compte qu'il devient l'allié objectif des terroristes en transmettant des images en direct de nos emplacements ?
[En revenant d'une prise d'otages sur un bateau par des pirates somaliens, dans le golfe d'Aden]
C'est alors que notre président de la République [Sarkozy], suivi de sa camarilla de cireurs de bottes, me tape sur l'épaule.
"C'est bien, les gars, c'était un bon exercice !"
Je le regarde droit dans les yeux :
"Monsieur le Président, ce n'était pas un exercice !"
Il ne répond pas, tourne les talonnettes et s'en va.
En fait, la guerre des boutons se passe toujours à un niveau stratosphérique entre carriéristes incompétents, mais jamais entre opérationnels.