Respire la profondeur du ciel
Hume ce blanc de pure perte
Prends le premier chemin
L'enfant au loin brasse le temps
Jette aux oiseaux un peu de lumière
Pour la nuit qui vient
(" Rien n'est perdu/ tout est perdu")
Parfois un enfant signe sage
sa beauté
De sa petite main
elle laisse tomber ses cheveux
La maison le sait de tout temps
l'enfance est son domaine
La maison que je n’habite plus
La maison que je n’habite plus
couve l’enfance
elle est vide comme un cœur
qui n’aimerait plus
l’abandon la range
comme vieilles planches
désormais inutiles
même dépecée
elle vit dans mes mots
On ne sait presque rien de la ville
de ce col de brume qui l’enserre
ni de ses gens qui la traversent
sans égards pour elle
ni de ce temps compté
qui égare les âmes
on reste là presque aveugle
à tout accomplissement
en retrait
comme un témoin privé de parole
dans l’entre-deux des vies
La main ou la lumière
caresse les mots
l’enfant les loge
au cœur
sans les brusquer
avec une inaltérable
tendresse
Le rouge-gorge s'est montré en plein milieu de mes doutes.
Il a surgi pour leurrer les mauvaises pensées, celles qui rongent.
Parfois, le ciel a un dé à coudre de présence et l'oiseau vole au recours d'un poème patient.
Soudain…
Dans les herbes de l'enfance, je ne sais quel
chagrin soudain vous porte. Vous n'avez plus
assez de ciel pour gagner du champ ni la tête
assez légère. Vous cheminez en vous sans
issue. La lumière vous manque. Quel visage
s'est retiré de vous et s'éloigne comme bête ?
Quelle peur dans les os ? Et si peu dans les
mains pliées! Le pays lui-même se retourne
vers les fonds et vous ne savez plus rien ni
même la couleur de la terre. Reste la douleur.
Sans rivage.
L’enfant au loin brasse le temps
L’enfant au loin brasse le temps
Jette aux oiseaux un peu de lumière
Pour la nuit qui vient
LE JARDIN, LES MOTS SONT PROCHES
Le jardin, les mots sont proches, trop loin des
images et de ma prise. Quand je touche la
lumière, elle résiste comme une roche.
Dans l'entre-deux du temps, il y a ce nœud
embroussaillé de chagrin.
La lumière, ce mur de mer sale entre le
monde et moi, resserre les fenêtres, obstrue ma
pensée, me rejette dans l'ombre. Ma main
enregistre la souffrance en petites coupures.
Le soir conjoint les petites peurs. Le ciel déjà
noir ensemence solitude et chagrin. Qui longe
ce mur sombre sans même cueillir l'ombre?
Je vais à reculons me chercher loin derrière le
temps.
Extrait 2
L'air trempe un bout de chiffon vers le ciel.
On n'a rien vu du reste.
L'enfance a de claires allées.
Qui jardine pousse le vent.
Les murs de la ville ont d'étonnants parages.
Et les mots ont pour eux l'ombre des arbres.
Veille aux mots
Veille aux mots
qui prendront le relais
quand sève sang
ne seront de rien
au corps dispersé
même plus de lèvres
pour les hisser au jour
comme l’amour
glissé en semence
Sur la colline sèche…
Du balcon à la colline, un surplomb d'été. Il
va falloir grimper soleil. Et graver dans le
bleu ces mots qui frétillent dans les herbes
courtes – pierre, vipère, repaire de rapace. Le
regard évince le moindre faux pas. La main
caresse une chaleur sourde. Toute l'enfance
s'assèche dans les bruits émiettés. Parfois la
grâce libre d'un oiseau signe l'espace ouvert.
L'été couve, intact.