Mais la vérité c'est que nous sommes des morts vivants, isolés, proches de la fin, des êtres que la vie a quittés, maintenus par des gestes automatiques répétés, réduits à des pantomimes de nous-mêmes, à des comportements préréglés, des parodies de socialisation, sans autre choix que ceux de de notre conso.
Ils peinent à admettre que la violence puisse être l'expression de la rancœur, de la colère, de la frustration accumulées par des pans entiers de la société humaine et notamment les plus pauvres, ceux à qui aucun rêve n'est vraiment proposé, ceux qui n'ont aucune perspective, ni surtout de réelle utilité. Combien d'hommes en ont marre d'être ignorés et veulent rappeler leur existence?
L'éthique, c'est un luxe de personnes bien nourries.
On peut facilement imaginer l'interaction, ces êtres d'exception finissant crucifiés, empalés, brûlés vifs, sacrifiés sur l'autel du ressentiment, de la colère et de la frustration. C'est ce qui arrive quand tout un bel édifice construit sur des millénaires d'inégalités sociales euphémisées, relativisées voire même occultées, commence à se fissurer.
Apparemment Formose n'a jamais pleinement réalisé - peut-être à cause de son optimiste obstiné - , que comme la quasi-totalité des habitants de cette planète, il n'est qu'un pion.
J'ai ça en commun avec ces personnes : nous survivrons plus ou moins longtemps, mais quoiqu'il arrive, nous nous retrouverons tôt ou tard avec nous-mêmes. Nous nous éteindrons alors dans l'indifférence. Parce que c'est ainsi : on meurt et le monde nous oublie.
Malgré les campagnes des Komités Anti-Ostentation, malgré les critiques de certains commenteurs vis-à-vis du luxe de masse, l’envie de ressembler aux Winners, aux Happy few et aux Rich Kids est toujours un ressort puissant, menant la majorité des gens à consommer et à se conformer. Toujours cette fascination pour tout ce qui est plus coûteux et plus visible. Toujours ce manque de confiance en soi méthodiquement entretenu et, en conséquence, ce besoin de se distinguer symboliquement. La course à l’apparence alors que l’Überklasse est la première à privilégier la discrétion. Mais c’est vrai que l’ostentation a toujours été une préoccupation de pauvres et de nouveaux riches.
En fait, on en a peut-être tous marre des rapports de force, marre de devoir tout le temps jouer des coudes entre nous en sachant très bien que ça n’a qu’un but : nous maintenir à nos places. On en a marre d’entendre sans arrêt parler d’autonomie, d’épanouissement, de plénitude perso-prof alors que dans les faits tout le monde a un statut et des privilèges différents, afin de décourager toute cohésion.
Nous avons été formatés et transformés en pantins dociles, obéissants, prêts à faire tout ce qu'on exige de nous. Nous nous sommes laissé faire, peut-être parce que nous avions trop peur de nous retrouver seuls. Au fond, on veut surtout être guidés et qu'on nous dise quoi penser.
Déjà, les nuages se développent, condensant l’humidité, alourdissant l’atmosphère. Ils naissent de nulle part, ils se multiplient à partir de rien, ils se coagulent en masses indistinctes, il se mêlent, tournoient et se défont lentement.