Citations de Phoebe Morgan (16)
La vie des gens se résume souvent à un vaste gâchis. A-t-on jamais une excuse valable pour aller voir ailleurs ?
Il faut se méfier des souvenirs. Ils sont dangereux.
J'ouvre la bouche pour crier sans produire aucun son. La femme devant moi révèle au creux de sa main un petit objet. Un frisson me parcourt l'échine. L'instant d'après je tremble de la tête aux pieds.
— Allô ?
Pas de réponse. Ashley patiente, tend l’oreille. Le jour où l’on devient mère, les appels téléphoniques prennent un tour inquiétant : les enfants, les enfants. Toujours les enfants…
— Ici Ashley Thomas, hasarde-t-elle en vain.
Seul le silence de la maison résonne autour d’elle. Holly gazouille. Vient ensuite le bruit d’une cuiller tombant sur le sol. Ashley songe à son mari. Où se trouve-t-il en ce moment ? Avec qui ? Qu’est-il en train de faire à cette seconde précise ? Elle raccroche et croque les granulés de café, dont l’amertume lui emplit la bouche.
— Le père de Corinne était architecte, lui aussi, expose-t-il à Warren.
« Était »… Ce verbe au passé me fait l’effet d’un uppercut. Il va y avoir un an que papa est mort, et il me manque chaque jour. Il me manque plus que quiconque autour de moi pourrait l’imaginer.
Merci à ma famille de ne pas ressembler à celle-ci
Ashley a d’abord songé à confier sa fille à Corinne, mais il y a la galerie. Et puis… Comment oserait-on exiger d’une jeune femme en mal d’enfant qu’elle s’occupe du vôtre durant des jours entiers ?…
Mon téléphone portable sonne à deux reprises, mais, pour le moment, je n’ai pas envie de sortir de la baignoire. Je suppose qu’il s’agit de ma sœur. Comme la sonnerie retentit de nouveau, je plonge la tête sous l’eau.
Il n’y a rien à voir. Personne ne hante cet endroit. Les jambes en coton, j’inspire profondément à plusieurs reprises. À peine ai-je senti le regard de Warren sur moi que je m’empourpre. Mon pouls continue de galoper. Je ne peux pas continuer ainsi. Les nerfs toujours à fleur de peau. Affolée. Dom, qui me caresse les cheveux, me rassure encore. Hélas… C’est plus fort que moi. L’image me poursuit. Celle d’un visage à la fenêtre, le regard plongé dans le mien.
Je pousse un cri, une main sur la poitrine. Je recule d’un pas chancelant, le cœur battant à rompre.
— Non !
L’exclamation a franchi la barrière de mes lèvres avant que j’aie pu la retenir.
— Non !…
— Allons, Corinne, calme-toi. Tout va bien.
Dominique me serre entre ses bras, tente de m’apaiser, m’explique qu’il ne s’est agi que du flash de son appareil photo
Comme je me détourne, j’entraperçois une lueur brève dans l’obscurité, un mouvement. Un coup de pinceau. Blanc contre le noir des lieux. Un visage. Je distingue un visage. D’une pâleur spectrale.
(...) Dominique est journaliste. Il excelle à gauchir un peu les faits, à brouiller les lignes…
Soudain, maman se penche en avant, saisit ma main glacée dans la sienne. Je sens les os de ses doigts serrer très fort les miens. Ça fait mal.
— Tu les vois ? me demande-t-elle.
Je rouvre les paupières, cligne des yeux dans l’obscurité. Il fait presque totalement noir à présent, mais je regarde la fenêtre aux reflets d’or, et je les vois. Je les vois tous. Mon cœur se met à battre la chamade.
Le carrelage est glacé sous mes pieds nus, et de méchants courants d’air ont pris d’assauts le vestibule, au point que la porte d’entrée s’est entrouverte. Il est parfois impossible de la fermer. J’ai demandé maintes fois à Dominique de s’en occuper… Je fronce les sourcils, j’enjambe une pile de journaux jaunissants. D’un coup d’épaule, je tente de fermer la porte. En vain. Je l’ouvre en grand, répète la manœuvre, sans plus de succès. Quelque chose fait obstacle. Je m’accroupie, j’observe l’objet pendant une poignée de secondes. La lumière se fait dans mon esprit. Je sais exactement de quoi il s’agit.
Maman m'a expliqué à plusieurs reprises que les mensonges étaient ce que les adultes disaient, si bien que j'ai eu très peur. Je me suis dit que j'étais en train de devenir une grande personne. Je ne crois pas avoir envie d'être une adulte. Ils ne sont pas très gentils les uns envers les autres.
- Quelqu'un est-il venu ici ? lui demandé-je.
Ma voix est trop haut perchée, et mes doigts tremblent un peu.
-Non. Pas durant les dix dernières minutes, en tout cas. Pourquoi ? Tu attendais de la visite ?
Je me sens trop abasourdie pour seulement songer à lui répondre. Que s'est-il passé ? Je me remémore la petite cheminée, que j'ai laissée chez nous. Je suis en train de me fourvoyer. Il ne peut s'agir que d'une coïncidence. Je n'ai plus revu cette maison de poupée depuis de nombreuses années, ma soeur et moi ignorons jusqu'à l'endroit où elle se trouve à présent. Mon imagination me joue des tours, comme cela lui arrive souvent lorsque l'angoisse me dévore. Marjorie ne me lâche pas des yeux, tandis que je secoue longuement la tête sans d'abord m'en rendre compte.
- Oh, non, dis-je. Je n'attends personne.