Pierre Henri Cami

Cami devrait faire partie de toutes ces bibliothèques, fussent-elles réduites, "à portée de main".

Cami, c'est un humour et un sens du non-sens exceptionnels: Les chutes de ses récits sont hilarantes, avec des jeux de mots et autres à-peu-près savamment trouvés!

Une telle science du gag, jonglant entre la situation et le "pied de la lettre" relève d'un tour de force comique permanent... d'autant que Cami fut un écrivain prolixe. Pourtant, ses œuvres rééditées sont peu nombreuses et son génie quelque peu oublié.

Si Chaplin reconnaissait Cami comme un maître, Raymond Devos a du aussi visiter quelque-peu cette oeuvre riche en jeux de mots et situations absurde ment logiques.

Alors, une dose de Cami tous les matins serait salutaire et ferait du bien à nombres de personnes moroses, soucieuses ou stressées.

J'aime la brièveté. Non je ne renie en rien ces journées de ma jeunesse à lire la Recherche, ni le rythme, ni la profondeur de la langue de Marcel Proust. Mais je dois bien l'avouer, ces auteurs qui font naître un monde en quelques pages savent me transporter plus que d'autres.

Cami fait partie de ceux-là. Il est l'inventeur du théâtre de poche - non je veux pas parler d'une troupe ou d'une salle de spectacle mais bien d'un style de théâtre qui comme le livre du même nom se transporte partout, sans comédien, sans décor, sans costumes. Ou plutôt, si ! Tout se faufile dans votre poche et revit instantanément, les premier mots parcourus de vos yeux ébahis.

Ancêtre probablement de beaucoup d'humoriste français (pour qui la parodie est pain quotidien) mais aussi sans l'ombre d'un doute du théâtre de l'absurde (Ionesco et Cie), Cami nous emmène dans de courtes saynètes où la cruauté du monde fait place à la cruauté des personnages, toujours en porte-à-faux, n'apportant aucune solution à aucun problème et montrant plus de nous-mêmes que nous n'oserions en cacher !

À redécouvrir en toute hâte !

Connaissez-vous Cami ? Non ? Alors il est temps pour vous de combler une grave lacune. C'est bien simple, Charlie Chaplin disait de lui : c'est le plus grand humoriste "in the world". Avouez qu'un tel compliment, venant d'un tel artiste, vaut bien son pesant de cacahuètes !

Pierre-Henri Cami est né en 1884 à Pau (ce qui d'emblée le rend sympathique à mes yeux) et mort à Paris en 1958. Il laisse une œuvre importante : romans, et surtout théâtre, sous formes de courtes saynètes où le loufoque côtoie l'absurde, où le burlesque se déverse dans un fantastique complètement déjanté. Il y a un côté surréaliste dans cette œuvre, mais plus sûrement encore un côté complètement délirant. Tenez par exemple, les titres de ses romans sont à eux seuls tout un programme :

"Vendetta ! ou Une aventure corsée" 1926

"Le Jugement dernier, roman prématuré" 1928

"Le Scaphandrier de la Tour Eiffel" 1929

"Le Fils des Trois Mousquetaires, roman héroï-camique" 1929

"Les Mémoires de Dieu le père" 1930

"Christophe Colomb ou La Véritable Découverte de l'Amérique, roman sonore" 1931

"Les Chevaliers du gai, roman de jaquette et d'épée" 1935

"Quand j'étais jeune fille…, mémoires d'un gendarme" 1937

"La Ceinture de dame Alix, roman à clé" 1946

"Je ferai cocu le percepteur, roman fiscal et passionnel" 1949



Ses saynètes, en un deux ou trois actes très courts sont des petits modèles de non-sens, où l'auteur démonte tous les rouages du théâtre traditionnel, par une intrigue tirée par les cheveux où le langage tient la meilleure part : le calembour y est roi, les personnages simplifiés à l'extrême et flanqués de noms invraisemblables. Comme dit Prévert, un de ses fans : "Tous les personnages de Cami, le jeune-et-beau-vilain, le grand-père-conteur-automatique, le domestique-ex-albinos, le président-du-Cerceau-Club, l'Archer-aux-dents-creuses, le tailleur-au-regard-oblique, le poète-aux-cheveux-rejetés-en-arrière, l'épouse-dévouée-et-en-caraco, Loufock-Holmès, la marchande-de-quatre-saisons-et-à-colères-rentrées, se passent de commentaires...)



Vous trouverez en citation quelques saynètes issues de ce recueil, qui vous donneront je pense une idée assez juste de Cami, précurseur on le voit bien, de Pierre Dac et de Raymond Devos.



Et si vous faites du théâtre en amateur, amusez-vous (c'est le cas de le dire) à monter ces petites pièces, je vous garantis des fous rires en pagaille, autant sur la scène que dans le public !

Les micro-saynètes de Cami sont tout simplement loufoques, hilarantes, indescriptibles, injouables, hilarantes, farfelues, nimportequoitesques et hilarantes. Ai-je dit qu'elles étaient hilarantes aussi ?

Un pastiche fichtrement drôle, du détective de Conan Doyle.

Un régal à lire.

Le bouquin (avec ses illustrations) date de 1928.

Mon vieil exemplaire (abimé) fut un cadeau de mon grand père à sa fille en 1942.

Cela ne sert à rien que je recommande un livre introuvable, alors comme je n'ai pas sommeil je vous fais cadeau des 2 premières pages du livre (et si quelqu'un veut avoir une idée des dessins, qu'il fasse une recherche dans google images , il y en a quelques exemples)

LE TESTAMENT

L'héritage de RIKIKI

(La scène représente l'appartement de la famille Rikiki.)



MONSIEUR RIKIKI, à sa famille. - Notre oncle Rikiki, le capitaine-au-long-cours, ayant avalé un mât de misaine, vient de mourir étouffé.

LA FAMILLE RIKIKI. - Avalé un mât de misaine ?

Monsieur RIKIKI. - Oui. Son cuisinier avait, par étourderie, rempli de rhum une bouteille renfermant un de ces petits navires que fabriquent les marins pour se distraire. le capitaine Rikiki ayant, selon son habitude, bu à même le goulot, le mât de misaine du petit navire, entraîné par le liquide, se mit en travers de sa gorge, provoquant par asphyxie la mort du capitaine.

MADAME RIKIKI. - Belle mort pour un marin!

MONSIEUR RIKIKI, à son fils. -Que cette triste fin te serve de leçon, Daniel. Il ne faut jamais boire à même le goulot d'une bouteille. On risque d'avaler des navires. Mais on sonne. (A la bonne.) Marie-bas-de-soie, allez ouvrir. C'est le notaire qui vient nous lire le testament du capitaine. (Marie-bas-de-soie introduit le notaire.)

LE NOTAIRE, solennel. - Je vais lire le testament. (Il lit.) "Je lègue toute ma fortune à mon neveu César Rikiki, à la condition formelle qu'il fera avec toute sa famille Rikiki le tour du monde sur mon cher navire, que je lui lègue également. Ce que je vais rire dans l'autre monde, en voyant cet empaillé de Rikiki, qui depuis trente ans n'a pas quitté son rond-de-cuir, lancé en pleine aventure, avec ses préjugés, sa routine et ses binocles!



A BORD DU "RIKIKI"

(La scène représente le pont du Rikiki)

MONSIEUR RIKIKI. - Pour exécuter les conditions testamentaires de mon oncle le capitaine, je me suis embarqué sur son navire le Rikiki, avec Mme Rikiki, mon épouse; Daniel Rikiki, mon fils; Virginie Rikiki, ma fille; Marie-bas-de-soie, notre bonne; Adolphe, notre chien; mon rond-de-cuir, le piano, la tête de loup et la lessiveuse. (Au capitaine.) le Rikiki avance bien lentement.

LE CAPITAINE. - Dame, il avançait plus rapidement autrefois, lorsque c'était un vapeur. Mais vous l'avez fait transformer en voilier, sous prétexte que sur un vapeur on risque de recevoir des escarbilles de charbon dans les yeux.

MONSIEUR RIKIKI. Oui. Les voiles, c'est plus propre.

LE CAPITAINE. - Peut-être, mais c'est moins pratique, surtout depuis que vous les faites laver et repasser tous les samedis par votre bonne, et que Mme Rikiki range les voiles soigneusement pliées dans son armoire comme des draps de lit.

UN MATELOT, à Mme Rikiki. - le second m'envoie chercher une voile. C'est pour hisser "le grand foc". MADAME RIKIKI. - Suivez-moi, mon garçon; je vais la chercher dans mon armoire.

MONSIEUR RIKIKI, apercevant sa fille. - Tiens, te voici, fillette , (Consultant sa montre.) C'est pourtant l'heure de tes gammes?

VIRGINIE RIKIKI. - Oui, papa, mais l'air salin a détraqué mon piano. Il est complètement faux.

MONSIEUR RIKIKI. - En ce cas, il faut faire venir un accordeur. Avec tous ces navires qui sillonnent l'Océan, il ne doit pas être impossible d'en trouver un. ( Il donne des instructions au capitaine et, un quart d'heure plus tard, les matelots hissent à l'extrémité du grand mât un énorme écriteau sur lequel on peut lire; ON DEMANDE UN ACCORDEUR DE PIANO

TRES URGENT

(Quelques instants plus tard, un transatlantique vient s'arrêter tout près du Rikiki et met un canot à la mer.)

LE CAPITAINE DU TRANSATLANTIQUE, penché sur la lisse et criant dans son porte-voix. - Je vous envoie l'accordeur. Ne le retenez pas trop longtemps, nous sommes pressés.



...

NB; le tour du monde se fera sans le bateau puisque Monsieur Rikiki fait embarquer sa famille et le piano et la lessiveuse sur un canot de sauvetage dès qu'il comprend que la mer est calme pour au moins une semaine: Mieux vaut profiter d'une mer calme et d'un temps splendide pour quitter le navire en détresse.

MONSIEUR RIKIKI. - Ne craignez rien! J'ai aperçu tout à l'heure une île déserte. (Consultant sa montre ) Voyons, il est 18 heures moins le quart, le temps d'arriver à l'île déserte, d'allumer le feu, de mettre le couvert, il sera l'heure du dîner. Ah! Marie! Vous n'avez pas oublié mon veston d'intérieur et mes pantoufles au moins?







Bon. Tout le bouquin est tout aussi loufoque, et le tour du monde dans les années 20 est totalement surprenant.

Etude passionnante sur le dessin de presse. Ce dessin qui nous fait rire, qui peut choquer et indigner, car le dessin de presse doit être aussi compris dans son contexte et dans son époque. Il n'est pas uniquement un dénonciateur des travers humains, des conflits et des scandales politiques, il peut être aussi un outil de propagande pour les plus noirs desseins.

Les dessinateurs, à cause des situations politiques, religieuses, du massacre de Charlie Hebdo, se retrouvent plus que jamais sous les feux des projecteurs et parfois considérés responsables de tous les maux/mots.

Dessinateur tout seul devant sa page blanche, souvent précaire, qui se voit confier beaucoup de responsabilités dans son crayon.

Un bon dessin vaut parfois mille mots, continuons à soutenir les dessinateurs pour que le dessin de presse existe encore demain.

c'est drôle............