Une longue discussion autour du roman "Babel", de R. F. Kuang, par la Garde de Nuit.
- Vous voyez ? reprit Anthony. Les langues ne sont pas seulement faites de mots. Ce sont des modes de vision du monde. Les clefs de la civilisation. Et c’est une connaissance qui mérite qu’on tue pour elle.
Leur expression était artificielle, un manque de vague inconfort. L’appareil avait distordu et aplati l’esprit de leurs rapports : la chaleur et la camaraderie invisibles qu’ils entretenaient donnaient sur l’image l’impression d’une proximité forcée, figée. La photographie, songeait-il, était aussi une forme de traduction et ils en sortaient tous un peu appauvris.
Schleiermacher pensait qu’une traduction devait être assez peu naturelle pour se présenter sans ambiguïté comme un texte étranger. Selon lui, il y a deux choix possibles : soit le traducteur laisse l’auteur en paix et en rapproche le lecteur, soit il laisse le lecteur en paix et en rapproche l’auteur.
Mais quel est le contraire de la fidélité ? demanda le professeur Playfair. Il approchait de la fin de son raisonnement, il ne lui restait plus qu'à conclure sur un coup d'éclat. La trahison. Traduire, c'est faire violence à l'original, c'est le déformer pour des yeux étrangers ignorants de sa forme première. Alors, où cela nous mène-t-il ? Comment conclure si ce n'est en reconnaissant qu'une traduction est toujours une trahison ?
Les voyages, ça a l’air amusant jusqu’à ce qu’on prenne conscience que ce qu’on veut vraiment, c’est rester chez soi avec une tasse de thé et une pile de livres près d’un bon feu.
Ensuite le jeune homme cligna des paupières, venant de comprendre ce que signifiait ce moment tout à fait banal et pourtant extraordinaire : en l’espace de quelques semaines, ils étaient devenus ce qu’il n’avait pas trouvé à Hampstead, ce qu’il avait cru ne jamais retrouver après Canton - un cercle de gens qu’il aimait avec une telle force que les évoquer faisait naître une douleur dans sa poitrine. Une famille.
Traduire signifie faire violence à l’original, le déformer et le distordre pour des yeux étrangers auxquels il n’était pas destiné.
On n'apprécie pas le paradis si on n'a pas connu l'enfer.
Le poète court sans entrave. Le traducteur danse avec des chaînes aux pieds.
Partout, la révolution industrielle de l'argent apportait pauvreté, inégalités et souffrances, alors que seuls en bénéficiaient les individus de pouvoir au coeur de l'empire.