Citations de Radu Bata (155)
l’esprit du prophète
hante l’univers
le cœur du poète
nourrit les vers
Radu Bata
aujourd’hui les métaphores font le trottoir
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les anges ont les cœurs bleus
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et la poésette couche avec tout le monde
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sans protection
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aujourd’hui
la poésie a une érection mondiale
même les personnes frigides
(qui légifèrent contre le soleil)
peuvent la sentir
si elles se penchent suffisamment
sur des vers consentants
aujourd’hui la poésie répare tout :
les malentendus
les éléments de chauffage
la prose des jours sans
l’horloge des crises de nerfs
et fait renaître un ciel neuf
sans l’ombre d’un mensonge
aujourd’hui on oublie les virus
qui gouvernent nos vies
(les malades abonnés au suffrage universel)
aujourd’hui on glisse sur la neige
des vieilles ritournelles
et nos regards sont éblouis
par les étoiles du jour
aujourd’hui on fait l’amour
à tout ce qui nous fait voler
vers des horizons sans pareil
aujourd’hui on cocufie la réalité
avec les métaphores
aujourd’hui on fabrique les bons souvenirs
du futur
aujourd’hui je fais le feu
avec ton silex
mon amour
qu’importe si demain
nous serons écrasés
par le rideau de fer
de l’hypocrisie
nous aurons aimé
et nos étincelles
auront fait des enfants
que dans une année
des rêveurs sans remède
prendront pour
les étoiles du jour
Pourquoi faut-il affronter toujours seul les grandes épreuves de la vie ? C'est comme ça et pas autrement, dirait ma tante. Pourquoi faut-il franchir, seuil après seuil, les portes des peines et de l'espoir ? Attention, Le Vieux a dit qu'il ne fallait pas mettre tous les espoirs sur les épaules du hasard.
(p. 43)
DONNEUR D’ORGANES
(altermondialisation)
ne pas s’apitoyer sur son sort
ne pas attendre d’être mort
pour donner ses rêves
et son corps
devenir fidèle
aux vies parallèles
passer les nuits
avec les hirondelles
je ramasse
des nuages paumés
sans domicile fixe
sortis du cadre
de vie
(p. 127)
Violeta Pintea
les dalles glaciales des institutions
qui délivrent des certificats d’amour
(et l’odeur des gonds
dans la porte de l’hôpital)
il a repris sa vie
dans ses mains
et il est parti
sans laisser d’empreinte.
sa vie était faite
de plumes d’oiseaux
et d’épices écrasées
en mortiers de fer.
le batteur a perdu l’équilibre
et le silence m’a frôle les tempes
comme un troupeau de bisons.
il fait froid.
froid comme dans la chambre matrimoniale
d’un pénitencier
où demain est une possibilité
perdue d’avance.
(p. 178)
mood & alternative facts
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comme un bourdon
qui s’est trompé de saison
et cherche pourtant
fébrilement
la floraison
art de vivre
tel un arbre aux abois
des orages se faire un toit
de l’espoir faire une croix
des regrets – un feu de joie
Cinéma
tout est mise en scène
le décor est en carton
les figurants sortent
d’une autre chanson
les bâtiments
d’une vieille photo
les opérateurs
font semblant d’opérer
et le réflecteur
de refléter
tout est mise en scène
le soleil est une monnaie
l’arbre est en papier
même les acteurs principaux
sont en pâte à modeler
il n’y a que le baiser
seulement le baiser
qui est
parfaitement vrai
"en terrain hostile,
le poète se fait dévorer par les vers"
mais il ne faut jamais
se moquer des nuages
des nuages
qui nous habitent.
l’oiseau phœnix
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préférerait être colibri
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fuis la vie comme la peste
car chaque fois qu’elle te donne une gifle
complètement injustifiée
tu te retires en toi
et tu attends
tu attends
que dans le lieu frappé
te pousse
une nouvelle
identité
parfois cette attente est sans fin
et tu restes pour toujours
avec la biographie chiffonnée
au point que même le diable
ne veut pas regarder ton CV
et toi
tu t'envoleras bientôt dans l’anonymat
avec toute une collection de blessures
bien plus vives
que la vie
de quel bois est fait le sexe
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c’était pire
que les Capulet
et les Montaigu
leurs familles
indo-européennes
s’opposaient
à leur amour
les méridiens
et les montagnes
ne pouvaient guère
admettre
leur liaison
les cartésiens
ont carrément déclaré
la chose impossible
dans leur connerie
les nationalistes
ont dénoncé
le mariage blanc
pourtant
défiant la logique
les vents et la géographie
la Seine et le Danube
ont fait l’amour
sur la table de Brâncusi
dans le lit de Cioran
sur les chaises de Ionesco
et la Seine
a accouché des meubles
pour décorer
le magasin
de l’au-delà
je suis un vieux mur
sensible aux nouvelles pierres
un rempart rhumatique
amoureux de lierre
pale mais imperméable
dans les affreux orages
je suis impondérable
parmi les jeunes nuages.
La beauté
extrait 4
traverser les nuits
avec les hirondelles
jouer à la marelle
dans un champ d’étincelles
la voie lactée est parsemée de fleurs
qui nous ressemblent
je prête du temps
contre de l’azur
le matin a commencé comme un hiver
dont on fait bouillir le lait
pour les blessures de dimanche
au bout de la rue
il y a une galaxie
avec des moutons habillés en toison d’argent
et un champ de pierre
bruits monotones détournent l’attention du drame
des heures qui voudraient ou pas
comprendre la logique
du dédoublement
j’ai quelques hectares de ciel
pas encore moissonnés
je suis la dernière paysanne
à avoir semé des étoiles
et j’attends qu’elles mûrissent
qu’elles poussent
comme des nébuleuses
prêtes à émettre
de l’amour
ce matin était un dimanche illégal
ce n’est pas toi qui me manques
c’est le sommeil
(Violeta Pintea, pp. 73-74)
L'incompatibilité grammaticale
Nuit gravement à la volupté.
ou bien
les produits
de Dieu
ont des défauts
de fabrication
ou bien
la machine humaine
se grippe
par manque de confiance
en son propre destin.
Voir les flocons de neige former des taches de sang sur le carrelage
Chaque nuit s'enfoncer un peu plus dans le mutisme définitif
Cette nuit je fête mes noces de ciment avec le silence.
La beauté
extrait 6
jubiler comme un ange
avant le purgatoire
croiser fort les phalanges
dans le noir