[…] Ce n’était plus le hall du Centre du Sommeil d’Albiréo. Il s’agissait désormais d’un tas de gravats immense sous lequel gisaient des dizaines et des dizaines de corps. Malgré le panache de poussière qui obscurcissait les alentours, je vis des traces de sang, des plaies ouvertes et sanguinolentes, des membres couverts de tissu gris enfouis sous les décombres. [...]
[…] À mon insu, mes poumons s’emplirent de l’oxygène saturé de poussière et l’expirèrent dans un cri de gorge désespéré. Mes mains s’agitèrent et mes jambes s’activèrent malgré moi. Dans un élan de folie, je gravis le monticule de débris et hurlai.
Après de longues secondes, mes appels résonnèrent à mes oreilles. D’abord lointains, ils devinrent plus proches, plus tangibles, plus déchirants. Puis enfin, je perçus le reste, les complaintes se mêlant aux miennes, les gémissements des blessés, les ultimes soupirs des agonisants, mais aussi… des cris, des appels, des interpellations. Il y avait d’autres gens vivants. Je les entendais, juste là, tout contre les roches qui avaient enseveli hommes et femmes.
Tout mon être s’ébroua à cette constatation. Tel un voile opaque se dissipant, mes idées s’éclaircirent, les verrous qui entravaient les capacités de mon cerveau cédèrent enfin...
La mort. Elle rôdait en ces lieux et à cet instant, elle m’encerclait, me guettait et se riait de moi.
La mort murmurait à leurs oreilles et les dépossédait de leur combativité, de leur détermination.
Ces horreurs ne disparaîtraient pas avec la guerre, elles faisaient partie de moi désormais.
Les démons ne boitaient pas, ne chancelaient pas.
Je suis prêt à mourir pour ce en quoi je crois.