Rebecca Promitzer

"Un jour, m'a-t-il dit, tu comprendras que la réalité peut parfois être pire que le pire des cauchemars."

p.101

A Elbow, la ville où j'habite, il pleut tout l'été [...] Certains habitants deviennent fous et s'élancent dans les rues en pyjama en hurlant : "Stop ! Stop ! Je n'en peux plus !"

Elbow est une très vieille ville, pleine de vieilles histoires; pour comprendre, il faut remonter aux sources, là où tout a commencé.

J'ai ouvert les yeux sous l'oreiller et , d'abord, je n'ai vu que du noir. Peu à peu des images se sont mises à défiler dans ma tête. Il y avait le corps d'Herman dans l'eau glauque avec sa bouche grande ouverte, son œil blanchatre et son trou de l'autre côté. Puis j'ai vu la bague, les brûlures de Tom et de Grace et les longues cicatrices sur leur corps ; ensuite les gros yeux noirs des rats affamés ; Léo lisant son livre ; Jack qui me serrait dans ses bras. J'ai revécu le baiser de Sam et cette sensation bizarre au creux du ventre. Et je me suis vu m'enfonçant lentement dans l'eau vaseuse, partant à la dérive avec mes vêtements qui flottaient comme des algues au gré du courant. Ma peau était livide, presque transparente ; j'avais les yeux fermés, la bouche ouverte comme celle d'Herman, les bras levés au-dessus de ma tête, et l'eau filait entre mes doigts blancs... Un vrai cauchemar.