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3.96/5 (sur 25 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Paris , 1967
Biographie :

Richard Apté est né à Paris en 1967. Professeur des écoles et contrebassiste pendant plusieurs années, il se consacre aujourd’hui entièrement à la musique et à l’écriture. Ses textes sont notamment influencés par des auteurs comme Henry James, Julio Cortázar, F. Scott Fitzgerald ou encore Jorge Luis Borges. Mais une de ses lectures les plus marquantes demeure celle de Marcel Proust.
Le Temps arrêté est son premier roman.

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Citations et extraits (9) Ajouter une citation
Être l'ami de Miguel, c'était s'abreuver à une magie et à une légèreté hors de portée dont toutes ces paroles déposaient un peu de sable doré sur ses yeux.
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C'est comme ça, sans qu'on aille les chercher, que les êtres qui nous ont traversés continuent de vivre à travers nous, alors même que certains sont morts. Et les morts sont ceux qui luisent le plus, car ils n'ont plus d'autre vie que la nôtre pour exister, or les morts sont comme tout le monde, ils ne veulent pas mourir. Certains luisent tellement qu'ils nous empêchent de dormir, et le pire c'est qu'on se surprendrait presque à vouloir les éteindre pour retrouver le sommeil.
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La recherche du temps perdu est la perfusion qui maintient ma mère en vie, le fil qui la guide contre tout attente depuis des semaines à travers l'incompréhension et la souffrance, tandis que dans son bras s'enfonce l'autre tuyau qui maintient cette vie à une niveau de souffrance raisonnable. Ce fil, elle n'a aucune raison de le lâcher tant que le livre ne sera pas refermé.
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Elle commence par s’étonner de l’épaisseur du livre:
-C’est drôle… Je n’ai pas pensé à te demander, hier… Je voyais ça plus long, La Recherche du Temps Perdu…
-Ça, c’est seulement le premier tome. Il y en a neuf comme ça.
-Oh… Et tu n’as pris que le premier?… Tu as paré au plus urgent, en somme? Tu as raison, pourquoi se charger pour rien?…
-La Recherche du Temps Perdu, c’est pas que le choc des images, c’est aussi le poids des mots et je suis en métro. Je t’assure qu’on a largement de quoi faire avec celui-là pour aujourd’hui. Je pensais peut-être en acheter un autre que je laisserais ici, si tu veux lire quand je suis pas là, mais j’ai pas eu le temps.
-Ne prends que le premier, surtout… Tu me diras combien je te dois. À moins que tu l’empruntes à la bibliothèque… Deux semaines, le prêt?… Ça devrait être largement suffisant…
Je me retiens de lui répondre « C’est même deux fois plus qu’il n’en faut, d‘après les médecins ». A la place, j’essaye ma respiration, à voix basse, sur les premiers mots que je vais lui lire, que je viens encore de relire dans le métro, front posé contre la vitre pleine de pluie.
-Bon, je commence.
Elle soupire, visiblement déçue par mon manque de réactivité. Même en situation d‘extrême urgence, on ne se débarrasse pas des vieilles habitudes, on les adapte. Contrairement à ce que je pensais hier, je dois me plier pleinement à la situation, m’abandonner corps et âme au décor de cette chambre. Sans quoi je risque, sous l’effet des mêmes ressorts de toujours, de planter encore entre nous ceux de nos vieilles querelles, d’oublier comme la veille le seul décor qui compte vraiment, celui où nous sommes aujourd’hui et qui change toute la donne. Face tournée vers le plafond, elle semble avoir fait son deuil d’une répartie qui ne viendra pas et goûte, un mince sourire aux lèvres, au récit des démêlées de tante Léonie avec sa pepsine de trois heures. À mesure que les phrases fusionnent avec ma lecture, comme s’il y avait de moins en moins de jeu entre elles, je glisse un œil vers le lit par-dessus le texte qui défile. Au gré des paragraphes, ses postures, ses expressions me renvoient l'écho des remous que soulève un tel texte sur un organisme acculé par ce qui le dépasse. Les longues méditations du narrateur sur le temps, les souvenirs, la maladie, la mort, ses aspirations déçues devant des clochers ou des aubépines, elle les accueille yeux et poings serrés, avec de lents hochements de tête recueillis. Elle que toutes les photos de son enfance montrent en écolière coquette et studieuse, on la croirait assise en classe, au premier rang, en train d’accueillir quelque vérité essentielle tombant de la bouche du prof. Certains passages plus anecdotiques voient sa tension se relâcher, ses mains s’affaissent sur les draps, sa nuque retombe dans l‘oreiller. Rire lui fait mal, ses rares départs de rires dégénèrent en toux, tous ses gestes tremblent d’un halo qui les met en italiques: elle suit les épisodes les plus légers avec un sourire contenu et parfois tout juste intéressé. D‘autres, elle les esquive purement et simplement. Lors de la scène de Montjouvain, tout le temps que la fille de Vinteuil et son amie jouent des doigts et de la langue, je pèse encore plus chaque mot et je ne la quitte pas des yeux. Les siens restent fermés, moins par fatigue, je le sais, que pour y être un peu moins. Elle coupe parfois d’un « Pourvu qu‘elle… » ou d’un « Ah non, alors!… » les circonstances où s’enlise tel personnage. De la même façon qu’on se surprend à penser pendant un film: Ne lui dis pas! ou: Si seulement il…, La Recherche du Temps Perdu cesse alors d’être pour elle un tout clos sur lequel il n’y a pas à revenir, pour déployer un éventail de possibles à partir desquels, en y mettant un peu du sien, ça aurait pu mieux tourner. Ainsi, elle apprécie beaucoup Swann, qu'elle trouve (contrairement à Charlus, ce gros porc!) séduisant et raffiné. Comme la famille du narrateur, c’est de ses fréquentations qu’elle trouve à redire:
-Il a fallu qu’il s’entiche de cette Odette! Un tel être tel que lui, qui pouvait avoir celle qu‘il voulait… J‘espère qu‘il va se reprendre. Ce n’est pas si facile de trouver chaussure à son pied, c‘est vrai… …Je n’ai jamais compris pourquoi vous vous êtes séparés avec Sophie, vous étiez faits l’un pour l’autre…
Cette façon d’actionner le texte comme une pompe à regrets lui fournit de nombreuses occasions d’allers-retours entre celui-ci et le fils d’une trentaine d’années qui lui en fait la lecture, assis à côté d‘elle. Tous ses crochets par ce fils impassible et résigné pourraient être regroupés sous un seul titre : « Tout ce pour quoi j'étais fait. » Sophie, le mariage, des enfants, une carrière de pianiste, une toge d'avocat. Je l'écoute décliner l'une après l'autre ses espérances déçues, prenant sur moi pour ne pas relancer, comme on attend sans s'énerver que quelqu'un cesse de parler pendant un film. Parfois, oubliant toutes mes résolutions, je lui emboîte le pas pour ne pas être en reste. Éventuellement, j‘en rajoute.
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Blin prend toute la mesure de ce "quelque chose" dont il a eu l'intuition il y a quelques minutes : Miguel est devenu fou. Non seulement il n'a pas vieilli, mais son esprit a régressé jusqu'à l'époque de la maternelle, lorsqu'ils se faisaient un volant de voiture d'une assiette en plastique et buvaient un café dans le rond ouvert de leur main, ce temps de l'enfance où l'on se réinvente sans fin à coups de "On dirait qu'on serait", dans des histoires insensées plus réelles que le réel le plus dépeuplé. Miguel est devenu fou, et il est enfermé avec lui, seul avec un fou dans une maison assiégée par des fous qui profèrent des sons sans suite car ils ne savent pas ce qu'ils veulent.
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Être à l’hôpital, c’est être à l’étranger. Un étranger dont on ne veut goûter ni à l’eau ni au contact des matelas sous sa nuque, un étranger dont on ne parle pas la langue et qui, à travers le charabia arbitraire dont il vous matraque dès votre arrivée, commence par vous dépouiller de la votre. L’écriture de Proust nous a redonné une langue pour parler entre nous, une autre langue que celle qu’on parle ici et que celle qu‘on parlait jusque là, ma mère et moi. Elle fait infiniment plus que ça. 1200 pages et ma mère est toujours vivante, vivante contre tout pronostic. 1200 pages dont la moitié ne trouvent pas d’explication dans le temps de l’autre côté, n‘ont aucune raison d‘être en vertu des commandements de cet endroit. La Recherche du Temps Perdu est la perfusion qui maintient ma mère en vie, le fil qui la guide contre toute attente depuis des semaines à travers l'incompréhension et la souffrance, tandis que dans son bras s’enfonce l’autre tuyau qui maintient cette vie à un niveau de souffrance raisonnable. Ce fil, elle n’a aucune raison de le lâcher tant que le livre ne sera pas refermé. Alors, dans ces moments où elle sombre d’un coup dans le sommeil, comme un éboulement de terrain qui laisse soudain affleurer l’autre visage, je ralentis ma lecture. Pour économiser des pages et du temps, sans jamais rompre le fil dont tout dépend. De cette lenteur, les mots tirent une profondeur supplémentaire, comme s’ils s’ouvraient un peu plus à moi, et je ralentis encore. Parfois, un soupir m’informe que ma mère a rouvert les yeux et qu’elle commence à trouver le temps long:
-Pfff… Tu es en train de le lire ou de l’écrire, ce passage? C’est sans doute à ce rythme que Proust l’a rédigé, mais maintenant qu’il l’a fait une fois pour toutes, on pourrait peut-être passer à la vitesse supérieure. Je t’assure, on s’endort…
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Ça se passe comme ça avec les livres : on en lit un, qui vous parle d'un autre et on se retrouve avec une pleine bibliothèque à pas savoir où donner de la tête.
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L'écriture de Proust nous a redonné une langue pour parler entre nous, une autre langue que celle qu'on parle ici et que celle qu'on parlait jusque-là, ma mère et moi.
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Quel meilleur généraliste, pour un fils, que sa mère ?
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