Lecure ac Richard Rognet. Episode3.
Les chats aimés
ne vivent pas assez
longtemps-après
leur mort persiste
sur notre lit une
place douce comme
un silence de fleur,
une place où il fait bon
promener sa main,
avant de s'endormir ,
les chats aimés laissent
dans les maisons des
ombres proches de ces
caresses qu'on voudrait
tant retrouver, parmi
les gestes désordonnés
que la vie nous impose.
( " Un peu d'ombre sera la réponse")
Ô la pluie sur ma peau,
qui joue comme un premier regard !
la pluie aimable de juillet
qui, avant de toucher terre,
se gorge de parfums
que les vaillantes fleurs
chuchotent aux abeilles.(...)
(" Les frôlements infinis du monde")
Je suis passé chez
toi. Personne. J'ai
embrassé ton absence,
puis griffonné, sur
un papier froissé,
que j'avais cueilli
une primevère,dans
un de tes jardinets,
j'ai noté aussi
qu'un chat blanc
et noir était venu
se blottir contre
mes jambes. Ces
mots, je les ai glissés
sous ta porte- sans
ajouter que je t'aimais.
(" Un peu d'ombre sera la réponse")
Crépuscule au bord
des fenêtres , fleurs
fidèles , corolles
chaleureuses, puis la nuit
avec ses légendes, ses
miroirs sous l'obscurité ,
la nuit refermée sur
les gestes humains,
la nuit paisible-et
la gourmandise du silence
lorsqu'un chat avec
sa tiédeur, se glisse
contre toi, pour
réparer le monde.
(" Un peu d'ombre sera la réponse")
À peine le temps de voir
et tout s'éteint -
tout se retire, ciel,
murmures du ciel,
montagnes, étangs veilleurs.
On se retrouve en soi,
défait, tendresse à nu,
on se retourne - et rien,
rien que le jour
de sa naissance,
encoche qui saigne avec
lenteur, encoche
où s'engouffre l'aigreur
du monde.
Regarde où l'automne pose ses pas sur les
feuilles humides, et les oiseaux, regarde
où ils s'assemblent pour que le jour se
colore et reçoive du ciel une sincère
offrande. Tu es seul, chez toi, mais tu sens
que la vie a les accents de l'amour lorsque,
par la fenêtre de ta cuisine, tu aperçois,
dans son jardin, une femme courbée sur des
fleurs un peu lasses. Les brumes, au loin,
se défont. Un chien aboie. Le monde devient
lisible. N'oublie pas cette femme penchée
sur ses fleurs, et n'oublie pas non plus
cette mélancolie qui donne au temps qui
passe la douceur d'une étreinte imprévue.
S'éveiller dans les mots,
s'effacer devant eux
ils savent où cueillir
le reflet des fleurs, où
faire halte dans la neige.(...)
L'enfance avec
eux , revient à
la surface, elle
tremble dans nos mains
sous nos peurs, sur
nos pages, elle
invente le temps
de vivre, malgré
l'absence, sa noirceur.
(" Dérive du voyageur")
Non,
Ce n’est pas le vent qui frappe à tes volets,
C’est la nuit qui te confie ce qui la trouble,
Elle sait que tu sauras lui donner vie avec tes mots.
La nuit,
Celle qui naît des flots de la lumière,
Celle qui enchante le silence,
La nuit qui tourne dans les cœurs,
Comme une comptine fidèle,
Une ancienne chanson qu’on répète depuis toujours.
La nuit,
A qui tu demandes comment le jour prend racine dans les étoiles,
Quelle clarté elle est prête à tisser sur le monde,
Quand tu perçois très loin dans ton corps,
La place d’une flamme amoureuse du vent.
On sait qu’il fera beau.
Le soleil peu à peu, perce et chasse les brumes.
Certaines, avant de se dissoudre,
Ont la forme des visages où tu reconnais la plénitude,
Parfois la fatigue, de ceux qui rodent dans ta mémoire.
Enfin, quand la lumière adoucit ton domaine,
Il reste sous ton front
Des tourbillons de vie ancienne,
Des soupirs de lieux disparus à jamais,
Des mirages dont tu ne sais s’ils vont rallumer les feux
Eteints par les larmes trop longtemps versées.
Le soleil,
Tu voudrais tant qu’il s’attarde sur cette maison vide
Où la mort pèse si fort
Que même la glycine n’a plus envie de fleurir
Autour des volets clos.
Il reste toujours quelque chose des amours mortes ou perdues,
un regard sur les prés,
sur une fleur qui penche vers le soir,
sur les montagnes qui émergent après les brumes du matin,
il reste toujours sous nos paupières,
des rêves inachevés,
des souvenirs de neige ou d'étoiles filantes
comptées dans les nuits d'août,
il reste aussi quelques fenêtres entrouvertes sur les averses d'été qui sentent si bon
qu'on se sent proche d'un nouvel amour,
d'un amour tranquille et brûlant à la fois,
qui tremblerait à la lisière du temps
comme un dernier sourire,
avant de s'en aller.