On était au printemps. Galbraith regardait par-dessus les têtes des gens de Buchanan Valley. Il engrangeait le paysage comme on apprend une leçon, mémorisant l'emplacement des maisons, la couleur des toits, situant les prés bien délimités, les pommiers en fleur, les haies d'aubépines, les bosquets de noisetiers, les potagers et leurs barrières de bois peint, les granges et leurs galeries que l'hiver avait vidées de leur fourrage. Tout cela vivait. Où qu'il posât les yeux, il ne trouvait pas un mètre carré qui eût l'air abandonné. Les habitants de Buchanan Valley étaient peut-être des ours mal léchés mais ils savaient entretenir leur paradis.
Bon sang,mais qu'est-ce qui arrive à cette putain de ville?
La meute était maintenant divisée en deux camps. Il y avait ceux qui travaillaient sur ordinateur et ceux qui continuaient à taper leur manuscrit sur des machines à écrire. Certains, comme le vieux Welch, s'accrochaient encore à leur stylo ou à leur pointe Bic, envoyant ainsi à leur éditeur des manuscrits illisibles bourrés de ratures qui faisaient tourner en bourriques les dactylos chargées de les transcrire. Mais tous ou presque étaient saisis par le doute : et si ce que racontait la blondasse était vrai ? Si l'assassin était l'un d'entre-eux ? Quelle histoire !
C 'est Foster qui résuma assez bien la situation en déclarant :
― Je sens que Missoula s'apprête à vivre de grands moments.
Il ne croyait pas si bien dire !