Citations de Sandra Boehringer (17)
Elle savait trouver les mots, les accents, les harmonies pour transmettre les émotions ; elle parlait de sentiments doux et violents, qui déchirent ou transportent. Elle rompait avec le rythme grave et régulier des vers épiques qui racontaient l’Histoire et les héros ; elle parlait d’elle et des autres, d’ici et de maintenant… et cela plaisait.
Éros le doux-amer, celui qui déchire les chairs, arrache le cœur, détruit tout sur son passage, tels l’ouragan furieux et les tempêtes en pleine mer. Il est la vague qui emporte et transporte, qui soulève et enivre, qui noie et engloutit.
À Lesbos, cette déesse toujours vierge jouait un rôle important dans les rites de l’adolescence. Elle était pour les Grecs la souveraine de la nature et des animaux, la déesse chasseresse qui parcourt inlassablement les bois et les montagnes.
Ces douleurs, elle les avait chantées avant de les vivre. Car, pour elle, la poésie était un chant du présent, qui parle des hommes tels qu’ils sont, de leurs souffrances, de leurs amours. Sa voix prit l’intonation d’une plainte douloureuse.
Elle qui chantait Aphrodite et ses charmes, la douceur des tendres échanges, des caresses enfiévrées et des baisers parfumés, elle, Sappho, la poétesse de l’amour, aurait voulu ce soir-là ne jamais avoir ressenti la piqûre des flèches d’Éros
Pour certains, ce qui est le plus beau sur la terre sombre,
est une troupe de soldats à cheval ou à pied.
Pour d’autres, ce sont des navires de guerre.
Pour moi, c’est la personne aimée.
L’appartenance à une grande lignée n’était plus le critère déterminant pour siéger à l’Assemblée ; l’argent, désormais, pesait de plus en plus.
Dans le parler d’Athènes, d’ailleurs, depuis les récents conflits, « vivre à la façon des gens de Lesbos » signifiait mener une existence scandaleusement voluptueuse. En tout cas, les habitants de l’île étaient fiers que la beauté de leurs femmes ait été chantée par celui qu’ils tenaient pour le plus grand des poètes.
C’est par les femmes que les maux des hommes se sont répandus sur la terre. Souviens-toi de la jarre de la première femme.
De toute manière, l’homme avait toute opportunité de vivre les amours de son choix après avoir fondé un foyer. Mais la femme…
À Lesbos, ne pas aimer la musique, c’était désespérer de la vie…
Moi, je suis une femme : tu sais bien que ma voix, que l’on admire lorsque je chante, a moins de valeur lorsque je parle…
Pour Sappho, l’important était ailleurs : dans la poésie et la musique, dans la transmission aux jeunes générations d’une culture et de valeurs auxquelles elle était attachée.
Le corps apprend vite, lorsque l’esprit est formé petit à petit à la maîtrise de soi, à la raison et à l’ouverture au monde.
Cette terre est la terre de la poésie lyrique, la terre de la poésie et de la musique…
Dika frissonnait encore à l’évocation du grondement sauvage de cette meute furieuse, incapable de comprendre que des femmes puissent se rendre coupables d’actes aussi barbares. C’était d’ailleurs bien le mot, des barbares, des sauvages incapables d’articuler la langue grecque.
La mer était l’ouverture vers le monde et non une barrière.