Citations de Sarah Gysler (64)
Le voyage a rassuré mes peurs. Une à une.
Mon père dit que l'adolescence est un tunnel, j'imagine plutôt un gouffre, un vortex qui nous aspire et nous recrache tout cabossés cinq ans après.
Ouvrir les yeux à 20 ans a été mon grand avantage. Au fond, le monde appartient à ceux qui rêvent tôt.
En Algérie, c'est une plus-value d'avoir un passeport suisse, en Suisse c'est un malus d'être arabe.
Mes premiers souvenirs d'enfance sont liés à la séparation de mes géniteurs, j'avais 3 ans. Un histoire de fidélité approximative. En même temps, il fallait s'en attendre: mes parents étaient tous les deux facteurs.
Aujourd'hui, je sais que si la vérité blesse, ce sont les silences qui tuent les couples.
Je m'étais transformée en mutante acnéique, je ne faisais plus confiance à personne et ressentais une profonde colère. J'en voulais aux adultes d'être si lâches, aux adolescents d'être impitoyables, à l'enfance de ne pas avoir voulu me garder plus longtemps. Et bien sûr, je m'en voulais à moi d'être si bizarre, de ne pas savoir m'adapter. Est-ce cela l'adolescence ?
C'est dont vrai : "L'âme cesse d'être solitude quand elle devient sanctuaire."
Souvent, j'essaye de fermer les yeux, de me préserver. Mais, très vite, la réalité me rattrape. Elle est partout, la garce, et elle court vite.
Je me questionne quand j'entends ma mère râler sur son métier depuis plus de vingt ans. Est-ce vraiment ça, la vie, "faire aller"? Comment peut-on supporter ça? Réveil à 6 heures, embouteillages sous la pluie, petit chef véreux, pauses pipi chronométrées, déjeuner sur le pouce, gestes répétitifs, automatiques et abrutissants, la menace du burn-out, la peur du licenciement... Tout ça pour rentrer à la maison épuisé. Produire, toujours plus, toujours plus vite. Être finalement dépossédé de cette production. Et tout ça pour consommer les marchandises faites par d'autres.
J'ai grandi, et la télévision aussi. Le divertissement et l'information se sont transformés en propagande. Notre rapport a évolué, passant du plaisir à l'angoisse, quand tous les soirs, à 20 heures pile, mon beau-père ordonnait de zapper le journal télé. Je n'ai jamais compris pourquoi c'était lui, le "maître de la télécommande", ma mère non plus n'aimait pas le JT. Vivement le matriarcat! Le générique de TF1 - images anxiogènes mêlées au remix des Dents de la mer - me mettaient déjà dans un état second. Le repas du soir était le seul où nous étions tous réunis, mais personne ne parlait à table, nous étions trop occupés entre la salade et les petits pois, entre la nouvelle crise financière, l'éternelle misère, les catastrophes et les guerres. Le patenté disait que c'était important de regarder, de s'informer. Moi j'appelais ça masochisme de canapé, se soucier du malheur en se réservant une petite tasse de thé.
Je n'ai jamais aimé l'école, j'imagine que vous vous en doutiez. Je n'ai jamais aimé l'école, ce grand bâtiment gris semblable à une prison ou un asile, dans lequel on nous enferme à la période la plus cruciale de notre développement. Comment l'État trouve-t-il pertinent de confiner un enfant du matin à la nuit tombée dans une classe surchauffée et bondée? De surcroît avec l'ordre de rester plié sur une chaise en bois. Et en silence! Non mais! Ca, je ne l'ai jamais compris.
Pourtant, il y avait de l'idée au départ. C'est chouette de savoir lire, écrire, compter. Encore aujourd'hui, il m'arrive de le faire. C'est une grande chance que d'être instruit. Je me demande donc où ça a foiré. À quel moment ce lieu, supposé produire de la culture, s'est-il transformé en abattoir de l'âme, en faucheuse de spontanéité? Probablement depuis que l'on voit l'enfant en futur employé, au lieu de le considérer comme un être à guider.
L'avantage d'être seule, c'est qu'on ne craint pas d'être jugée. Et l'avantage de s'aventurer dans un pays de langue inconnue, c'est qu'on ne comprend pas les railleries.
Enfant, la télévision nous dictait quoi aimer. Adulte, elle nous montre qui détester.
Ce jour-là, j'ai compris que l'âge n'est pas garant d'intelligence, pas plus que d'audace ou de respect.
Obéir - produire - consommer. cette vie-là n'a de sens que parce que la foule hypnotique accepte de lui en accorder.
Enfant, la télévision nous dictait quoi aimer. Adulte, elle nous montre qui détester.
"Et puis au pire, on meurt." Jamais phrase ne m'a donné plus d'entrain.
"C'était chouette de savoir lire, écrire, compter. Encore aujourd'hui, il m'arrive de le faire. C'est une grande chance que d'être instruit. Je me demande donc où ça a foiré ? A quel moment ce lieu, supposé produire de la culture, s'est il transformé en abattoir de l'âme, en faucheuse de spontanéité ? Probablement depuis que l'on voit l'enfant en futur employé, au lieu de le considérer comme un être à guider."
Je ne sais pas qui nous a un jour mis dans la tête qu'il faut faire qu'une seule chose dans notre vie. La même activité chaque jour, le même toit chaque nuit, les mêmes vacances chaque année. Le spoiler qui donne envide de déprogrammer la série ... Dès l'adolescence, on nous pousse à choisir un métier, un seul domaine, comme si l'humain était monolithique. Achetez-vous un couteau suisse et n'utilisez que le petit ciseau. Quel gaspillage de talent !