Ce livre académique se divise en deux sections qui ne se découvrent qu'à la lecture, faute de préface ou de mention à la quatrième de couverture. La première de 106 pages, modestement titrée " Introduction ", est une histoire du solidarisme et appelle ses références en bas de page (en moyenne 3 références par page, sans doute une centaine au total compte tenu des appels multiples). La seconde, de 220 pages environ, qui commence à la page 107, est une anthologie commentée, ce qui est mentionné dans une note en bas de la page 106 mais n'apparaît ni dans le titre du livre, ni dans le sommaire, ni dans les titres ou intertitres des chapitres. Cette deuxième section dispose d'une liste de 38 références non numérotées en fin de livre. Il est impossible de croiser les deux listes de références et donc malaisé de remonter de l'anthologie à la section historique, d'autant que l'ouvrage n'a pas d'index nominal ni thématique.
Il ne faut pas négliger la première partie qui est l'apport personnel de l'auteur. Elle pose les relations du solidarisme avec ses matrices philosophique (Auguste Comte), théologique (Charles Gide) et scientifique (Émile Durkheim), mais aussi avec les hygiénistes (Louis Pasteur), et les anthropologues (Mauss et la théorie du don). Elle replace le courant solidariste qui a marqué la Troisième République radical-socialiste dans l'histoire économique et sociale du XXème siècle, en opposition avec le courants socialistes et libéraux. L'anthologie rapporte 58 textes dont 14 - à tout seigneur tout honneur - sont de Léon Bourgeois, prix Nobel de la Paix 1920, Président de la Société des Nations.
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Livre hallucinant. L'auteur aime les études fleuves. Celui-ci est particulièrement gratiné. S'il avait analysé les siècles antérieurs à la révolution industrielle, il aurait trouvé autant de textes hallucinés sur la nature avec contradictions, utopie et excentricités. Il aurait trouvé des sorbonnards qui, comme lui, mettaient l'idée au centre de leurs préoccupations oiseuses. Sa recherche des "intuitions" écologiques et des "fulgurances" de Fourier et des autres est un must dans ce livre. A se tordre de rire. Manifestement M. Audier n'a pas bien lu Angenot qu'il cite. Il lui faudrait le contact avec la réalité pour le bon sens. Je me pose la question combien de lecteurs arriveront au terme des 750 pages d'âneries qu'il doit enseigner avec superbe.
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Justement couronné par le prix Paul Ricoeur, cet ouvrage monumental (820 pages plus 140 pages d'appareil critique) permet de comprendre les plis, pour ne pas dire les biais, de la pensée politique occidentale depuis deux siècles. Un industrialisme ou productivisme s'est installé comme allant de soi, tant à droite qu'à gauche de l'échiquier politique, et s'est imposé comme une nécessité absolue et sans alternative.
Par une analyse minutieuse des courants de pensée qui se sont succédés depuis le XIXè siècle (avec un accent particulier sur l'anarchisme dont les vertus sont généralement trop vite négligées), Serge Audier fait voir à quel point la pensée écologique a été une pensée à contre-courant systématiquement combattue et réduite au silence par pratiquement toutes les forces politiques en place au nom de la prospérité de l'humanité, prospérité conquise sur une nature qu'il fallait soumettre à cette recherche inextinguible, comme si la nature pouvait être soumise sans limite au pouvoir de l'homme.
Si l'ouvrage est, en ce sens, passionnant dans ses 400 premières pages, essentiellement historiques, il est plus laborieux dans les 420 suivantes, quand l'auteur aborde la période contemporaine caractérisée par l'hégémonie d'une pensée "néo-" ou "ultra-" libérale dont Friedrich Hayek est l'un des parangons (prémices dès les années 1930 et déploiements dès 1960).
L'auteur poursuit la noble quête de faire apparaître qu'il est possible de définir une ligne politique écologique de gauche qui devrait triompher démocratiquement et qui renverserait, le plus vite possible, la déferlante productiviste gouvernée par un hubris intenable et contraire aux intérêts de l'humanité. Il me semble qu'il est un fait qu'il n'y a pas de solution à la crise de la biosphère qui ne soit pas à la fois sociale et environnementale. Mais cela se discute évidemment.
Je termine cet ouvrage avec un sentiment mitigé. Il n'est pas certain que le combat pour les générations futures, qui doit se faire en bonne partie contre ce "productivisme" justement dénoncé par l'auteur, sera gagné. L'immense inertie que le productivisme/consumérisme a mis en oeuvre depuis presque deux siècles mettra longtemps à être corrigée. S'il se modifie à temps, je suis bien incapable de dire quelle société succèdera à cette époque. Cette époque, qui ne dure que depuis 200 ans, a provoqué des modifications de la biosphère plus importants que ce qui s'est déroulé depuis des dizaines, voire des centaines de milliers d'années.
Après tout, cette terre existe depuis plus de quatre milliards d'années, nous dit la science. Ces 200 ans ne sont qu'un instant fugace dans cette échelle. Nous sommes cependant incapables de concevoir cette longueur du temps et la fragilité de notre inscription dans ce temps.
Ce livre mérite d'être lu avec "Abondance et liberté", de Pierre Chabonnier, édité également à La Découverte (2020), qui axe son analyse sur une approche plus éthique et culturelle qu'écologique et politique.
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Voilà une somme qui devrait devenir incontournable pour qui s'intéresse à notre avenir sur cette planète et aux moyens de faire se rencontrer le projet republicain bimillénaire et les ambitions écologiques dans ce que l'auteur appelle une cité écologique.
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Voilà une étude extrêmement fouillée des premières traces de littérauture écologique dans les écrits des penseurs de la gauche (avec un très large spectre allant du républicanisme modéré, à l'anarchisme). Son but est de montrer que la sensibilité et la pensée écologiques aux XIX et XX siècles n'est pas l'apanage des réactionnaires romantiques mais a aussi trouvé sa place chez des penseurs progressistes, meme si elle y est restée très marginale, dominée par l'esprit "industrialliste et productiviste", plus largement étudié dans un autre ouvrage de Serge Audier "L'age productiviste".
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