Elle portait un fardeau dont elle ne pouvait pas se débarrasser. À l’époque où elle était jeune et naïve, elle avait tourné une sextape avec son copain. Lorsqu’elle lui avait annoncé qu’elle le quittait, il s’était vengé d’une manière dégueulasse en la diffusant.
De façon absurde, la vidéo en question avait cartonné. Elle circulait comme un best-seller. Chuyong était devenue une célébrité malgré elle et des vermines la reconnaissaient, en ligne comme hors ligne, et la harcelaient sans cesse. Elle m’avait raconté qu’elle avait suivi une thérapie pendant longtemps. Lorsque enfin elle était parvenue à sortir timidement de sa chambre, elle avait pris de l’âge.
Lorsque j’imagine l’intensité de son regard, ses yeux écarquillés de l’autre côté du masque… j’en frissonne. Quand je suis en proie à ces pensées, j’ai l’impression que des dizaines de cafards rampent sur mon corps.
Il ouvre la porte du sous-sol pour sortir. Peu après, des femmes vêtues de vert entrent. Elles portent, elles aussi, des masques blancs. Leurs cheveux raides semblent rigides. Personne ne dit mot mais une profonde aversion s’échappe de derrière leurs masques. Elles m’allongent. Elles semblent dégoûtées, comme si mon corps était fait d’excréments. Leurs gestes sont habiles, ce n’est sans doute pas la première fois qu’elles les exécutent. Un lit froid et humide. Le traitement commence. Elles donnent l’impression d’être plus expérimentées qu’un médecin dans un hôpital. Très peu de temps après, je vais déjà mieux. Alors la violence reprend.
Les souvenirs de torture se superposent à la réalité, comme s’ils revenaient à la vie. L’odeur d’anxiété particulière à ce sous-sol aussi, le haut plafond aussi, le froid… Tout est horrible. Dans cet endroit, la conscience du temps n’existe plus. Ne subsiste que le cycle de la violence. Dans ce lieu où la seule lumière provient d’une petite ampoule, je perds connaissance, assommé après avoir été cogné, battu. Je me réveille, sans le vouloir, à nouveau je reçois des gifles. Le sang et les blessures, la torture et les couteaux, les outils qui hérissent mes poils. Cela se répète sans cesse. Mais lorsque je me rapproche de la mort, je reçois une chose plus insoutenable que toute cette violence. Le traitement.
Je sors tout ce que j’ai sur le cœur. Que j’utilise ma position de supérieur hiérarchique au travail pour harceler des jeunes femmes fraîchement embauchées, que je les opprime à tout va, jusqu’à la limite, que je les appelle la nuit pour les emmener dans des boîtes privées, que je les réconforte en leur offrant de l’alcool cher et des cadeaux, que je les harcèle à nouveau le lendemain jusqu’à ce qu’elles n’en puissent plus, que je répète cela comme si c’était une drogue, que je les brise, que je les amène dans un motel, que je joue avec elles, que je leur dis que si elles commencent à parler, je les vire, j’ai fait ça environ quatre fois jusqu’à présent.
— Parle-moi de ton crime.
C’est la seule chose qu’il dit.
Je soupire. Je soupire puis je me mets à rire
J’en ai tellement commis que mes souvenirs sont désormais flous. Au tout début, je rétorquais. Quel crime j’ai commis ? Je rentrais tranquillement chez moi. Comment avez-vous pu m’amener ici ? T’es qui, d’ailleurs ? Le type m’observait calmement avant de m’écraser l’oreille.
C’est la méthode du chasseur.
Le type s’avance en portant un masque. Il a revêtu un masque d’une blancheur immaculée, sans rien dessus. Il cache parfaitement son visage, il est impossible de deviner son expression. Peu importe le temps qui passe, je ne m’y fais pas… Je ressens une peur atroce, qui m’afflige à chaque fois.
La chaise en bois n’était pas montée sur des roulettes, elle était grande et rigide. Le dossier était incliné, ce qui me faisait extrêmement mal aux fesses et aux hanches. Elle semblait avoir été fabriquée dans l’intention spécifique de faire souffrir. Vraiment, c’était un très grand succès, en matière d’inconfort.
Comme je l'ai toujours pensé, il n'y a pas de meilleur tueur qu'intéressant. Infliger des dommages efficaces et mortels sans culpabilité. Et ça se diffuse comme de la poussière. Avant de se regrouper pour former une montagne.
Porter plainte ne serait pas approprié. Cet homme est un être unique, qui pourrait revenir me chercher à tout moment. Il serait tout à fait capable de m’enfermer à nouveau dans le sous-sol.
J’ai entendu quelque chose de ce genre.
Tout le monde possède un talent.
Seulement, nous n’avons pas toujours l’occasion de nous en rendre compte.