Et une autre journée semblable aux précédentes commence, triste, interminable, sans espoir, dans la crasse et la promiscuité.
Plusieurs d'entre nous ne peuvent supporter ces humiliations, cette vie et se jettent sur le fil de fer barbelé électrifié qui entoure le camp. C'est l'unique moyen pour se suicider.
Des cris, des pleurs, des lamentations, des prières … Chacun manifeste sa douleur à sa façon. (…) Elles savent que leur tour viendra aussi et bientôt probablement, mais aujourd'hui elles ont tiré le "gros lot", encore quelques jours, quelques semaines ou peut-être même quelques mois de torture, de misère, de vie de martyres ! N'est-ce pas une chance ?
Le monde des vivants - car nous, nous sommes des mortes, car nous sommes certaines de ne jamais sortir - saura-t-il un jour ce qui s'est passé dans ce petit bois (…) et saura-t-il en tirer la conclusion ?
Auschwitz, pays de mort… Le "gros lot" est tiré, il faut se soumettre et tenir, tenir à tout prix.
Certains témoignages émanant de fortes personnalités auront toujours plus de puissance pour exprimer l'authenticité de l'homme plongé dans l'univers concentrationnaire que l'œuvre d'un historien, fût-il le plus compétent et le mieux documenté.
[ incipit de la préface de Serge Klarsfeld ]
[...] les malades, des êtres squelettiques, couverts presque tous de gale, de furoncles, dévorés par des poux, tous complètement nus, grelottant de froid sous leurs dégoûtantes couvertures ; les têtes rasées se ressemblent étrangement. Ces figures de souffrance, sans âge, sont toutes les mêmes.
Jamais, aucun écrivain, aucun poète ne saurait décrire cette vie. Est-ce cela l'enfer ?