Retour dans l'univers du roman noir, du policier sombre, avec ce premier roman de Simon Lelic, ex-journaliste Free-Lance. Un style journalistique qui ressort, qui surgit dans son style, épuré, neutre, sans concession aucune. Mais par la forme aussi, des fragments, parfois, des témoignages, des bouts de récits. Les chapitres sont décousus, la construction oscille entre intériorité, pensées, récits, ... C'est ça la force principale du roman - la forme et le style, une plume aiguisée mariée à la condensation. Toute l'histoire nous est transmise par divers personnages, comme dans un film à la Gus Van Sant, où les travellings interminables nous dépeignent le moindre détail, rien n'échappe, tout est vrai, sans artifice. Les mots, le langage de chacun transparait, et avec lui, les stigmates des personnages ressortent. Leurs manière de s'exprimer, leurs tics de langage, tout est un matériau brut, que le lecteur doit polir. Original, vraiment, comme mise en scène, et surtout pour un roman noir comme celui-là. Son thème s'y prête bien, se dirait-on. Pas de dénonciation, pas de parti pris, que de l'objectivité journalistique face à un meurtre sans nom. Mais pourtant, derrière ce style épuré, se cache une plume révoltée et révoltante, une plume dénonciatrice. Comme derrière le meurtre se cache autre chose, les mots masquent la colère. Plus on avance dans l'enquête, et plus tout se dévoile (logique, non) même si l'on connaît déjà le coupable. Ce qui se dévoile, c'est autre chose : la vraie horreur, les harcèlements, la face sombre de l'homme, qui pousse et détruit, à petit feu, l'autre, son semblable, à coups de mots bien choisis, bien pesés. Simon Lelic met à nu l'humanité sombre et ses affres destructeurs, capables de transformer un homme en déséquilibré. L'horreur pour l'horreur, le massacre pour le massacre. Un roman, un premier roman, qui a tout pour plaire, incisif, engagé, épuré mais subtil à la fois. Mais le roman noir ne m'a jamais touché, ne m'a jamais marqué. Un roman noir me déstabilise, face à des réalités malheureusement dépeintes avec un effroyable réalisme. Réaction de protection incontrôlable, je ne peux rentrer complètement dedans, et je le prends avec mépris. Néanmoins, ce premier roman mérite une attention particulière, de par son thème, de par le traitement de ce thème, de par son habileté et sa profondeur immergée. Un bon roman, somme toute, qui rompt avec l'homme, rompt avec l'empathie des personnages, mais va au profond de la fêlure, là où tout commence - Rupture.
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