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Citations de Simon Schama (15)


Les années 1655 et 1656, au cours desquelles les créanciers frappaient à sa porte, et les commissaires des faillites relevaient sur leurs inventaires les innombrables objets accumulés dans cette demeure extravagante, ont été des années fécondes qui ont vu naître certaines des toiles les plus originales de Rembrandt, certaines de celles dont le souvenir nous poursuit avec le plus de force.
Voici peut-être la plus intense de ces peintures ; elle se situe dans la zone d'ombre qui existe entre notre optimisme et la mortalité de notre condition. C'est une carcasse de boeuf éventrée, suspendue, les pattes écartées, à une traverse de bois, tandis que du fond de la pièce une servante regarde. C'est un peu la juxtaposition de la mort et la vie, telle qu'elle a été traitée par Rembrandt dans La "Fillette avec deux paons morts", mais la qualité sacrificielle est autrement forte. Auparavant déjà, à la fin des années 1630, un membre du cercle de Rembrandt avait peint une "Carcasse de boeuf". Mais tandis que le tableau ancien décrivait les côtes, les viscères, la graisse, le muscle avec une précision médicale et que la carcasse tout entière brillait de reflets sinistres, Rembrandt s' attaque à son "Boeuf écorché" comme si son pinceau était un couteau de boucher. Ses touches brèves, denses, entaillent, découpent, cisaillent la chair ; elles la nettoient et la dégraissent. Le résultat étrange de cette activité frénétique, c'est à la fois de donner vie à la créature et de faire parader la mort : l'on croit voir un martyr écorché et mutilé dans les affres de l'agonie. (p. 677-679)

Chapitre 11 - Ce qu'il en coûte de peindre
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Que ressent-on à la mort de son meilleur ami ? Que ressent-on quand cet ami est aussi un frère, et que ce frère est tout ce qui reste, à part soi-même et sa toute petite fille, d'une famille qui comptait jusqu'à neuf membres ? Les historiens se plaisent à nous expliquer que nous ne pouvons pas nous en faire une idée ; que ce que l'on ressentait à la perte d'un être cher au XVIIe siècle a aussi peu de rapport avec notre sensibilité que les rites de deuil des Sumériens ; que l'omniprésence de la peste et des épidémies émoussait nécessairement les sensibilités. Ils nous mettent en garde : un trépas soudain qui nous plongerait dans le désespoir, nos ancêtres l'acceptaient sans murmurer ; c'était un décret du Tout-Puissant que l'on ne contestait pas. Sans doute ont-ils raison, dans une certaine mesure de nous recommander de ne pas interpréter selon notre sentimentalité d'aujourd'hui des cultures que n'avaient pas encore touchées les émois et les emportements de la fièvre romantique. Mais il leur arrive de protester avec trop de vigueur contre une soudaine impression de familiarité que nous enregistrons, comme si les siècles s'abolissaient. Les historiens, après tout, ont un intérêt indiscutable à affirmer que le passé est une terre étrangère, puisque la traduction de la langue inconnue qui s'y parle est un monopole qu'ils revendiquent. Mais parfois leur assistance n'est pas nécessaire. L'opacité des différences culturelles se dissipe et nous discernons une émotion que nous savons reconnaître immédiatement. (p. 169)
Chapitre 4 - L'Apelle d'Anvers.
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Ceux qui fréquentent les musées remarquent plus les différences que les ressemblances entre Rubens et Rembrandt. Dans les salles Rubens, si d'aventure ils y font une pause, les immenses et sombres symphonies accrochées aux murs leur inspirent de l'effroi alors qu'ils visitent l'oeuvre de Rembrandt comme on va saluer un parent. Et il est vrai que Rembrandt a fini par être le type de peintre que Rubens ne pouvait imaginer, et qu'en aucun cas il n'annonçait. Mais pendant la décennie cruciale de sa formation, pendant les années où, de bon peintre, il est devenu un grand peintre reconnu comme tel, Rembrandt a été totalement subjugué par Rubens. Il a médité sur les grandes reproductions des grandes peintures religieuses de Rubens et s'est donné beaucoup de peine pour en produire une version personnelle : la volonté d'émulation tout autant que les variations introduites sont manifestes.
Chapitre 1- la quiddité.
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Les Lumières juives, p. 313.
"Nous n'avons rêvé à rien d'autre qu'à l'Aufklärung et nous avons cru avoir, par la lumière de la raison, éclairé la région de telle manière que le fanatisme ne s'y montre plus. Mais, comme nous le voyons, monte déjà, de l'autre côté de l'horizon, la nuit avec tous ses fantômes. Le plus terrible à cet endroit est que le mal soit si actif, si efficace. Le fanatisme agit et la raison se borne à parler."
Moses Mendelsohn, 1780.
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Les portraits de patriciennes génoises sont d'une stupéfiante invention formelle : la couleur si riche y explose sans que jamais le peintre cesse de conduire le jeu. Mais Rubens réinvente le genre. Dans la longue histoire du portrait, le portrait en pied si majestueux, avait toujours été réservé aux souverains régnants, à la reine Elisabeth ou à Catherine de Médicis. Rubens traite les dames génoises de la plus royale façon, mais il fait circuler autour d'elles les souffles de la nature. Les draperies s'agitent, fût-ce de manière discrète, dans une brise légère. Le soleil d'un après-midi de juillet glisse sur des peaux d'ivoire et des soies sombres. Le pinceau de Rubens se promène sur la toile avec aisance ; il rend avec une précision confondante chaque surface, chaque texture, mais il sait aussi retrouver la chair vivante sous sa vêture de mannequin. Il réincarne ses modèles et crée à leur occasion un festival de sensualité. (p. 154)
Chapitre 3 - Pierre Paul
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Rembrandt fut hanté par le maître qui était son aîné. Il devint le "double" de Rubens. Il se mit à s'habiller comme les personnages de ses tableaux, il reprit à son compte la pose et le costume d'un personnage enturbanné de Rubens qui figure dans "L'Adoration des mages". Et quand, la première fois, il se représenta à mi-corps dans une estampe, enveloppé d'une cape majestueuse, ce fut comme s'il avait surimposé son visage sur le corps de son grand modèle et copié la pose choisie par celui-ci. Le visage proclamait que l'on avait affaire à Rembrandt. Mais tout le reste murmurait le nom de Rubens. (p. 42)
Chapitre 1 - La quiddité.
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Des millénaires durant, la judéité s'était résumée à cela [l'appartenance religieuse] : son abandon supposait de se convertir à l'un des autres systèmes de croyance monothéiste. Jusqu'à Spinoza, un Juif pensant désireux de se dissocier des prescriptions littérales de la littérature religieuse ou d'une lecture littérale de la Bible [sic] n'avait nulle part ailleurs où aller. (...) Spinoza ne devait cependant trouver de disciples que des générations, voire des siècles plus tard. Il faudrait attendre en fait des hommes de science comme Albert EInstein, qui se voulait sans équivoque juif et ne devait jamais se dissocier de l'histoire juive. Il s'apitoyait aussi sur l'aridité de l'athéisme sourd, devait-il dire avec mépris, à la "musique des sphères". En 1929, toutefois, pressé de s'expliquer sur sa croyance en Dieu, Einstein confia : " Je crois au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l'ordre harmonieux de ce qui existe, et non en un Dieu qui se préoccupe du sort et des actions des êtres humains."

p. 212
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incipit :
Le génie singulier des Hollandais est de paraître, tout à la fois, familier et incompréhensible. C'est une réflexion de ce genre qui traversa l'esprit énergique de Henry James en 1874 tandis qu'il observait une bonne hollandaise qui lavait le porche. Ce qui n'aurait dû être qu'une banale corvée se révéla, au terme d'un examen plus attentif, un tantinet bizarre, et même un peu obsédant. La scène était d'autant plus étrange que pour un oeil distrait il n'y avait vraiment pas grand-chose à faire disparaître. Les promenades longeant le canal étaient "périodiquement ratissées au balai et à la brosse en chiendent puis religieusement engraissées d'eau de savon". Mais plus une surface paraissait propre, plus on s'acharnait à la récurer.
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C'est peut-être l'admiration outrancière de Huygens pour Rubens, ses contacts personnels avec le maître flamand, son désir passionné, quand les circonstances de la guerre le permettaient, de le faire travailler pour la cour de Frédéric-Henri, qui excitèrent en Rembrandt un ardent esprit d'émulation non dénué d'envie. Mais, de toute manière, éviter le grand modèle anversois était impossible. Comme la quiddité, le mot de modèle peut être entendu en deux sens différents : il désigne à la fois le point suprême de perfection et ce avec quoi on rivalise. L'histoire de l'art s'était d'ailleurs souvent écrite selon cette catégorie, en accouplant des artistes rivaux en excellence : Apelle et Protogène, Zeuxis et Parrhasios, Michel-Ange et Raphaël - bientôt ce serait Bernin et Borromini... (p. 41)
Chapitre 1 - La quiddité.
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Imaginez un parangon de vertu érasmienne : un garçon hollandais de douze ans, intelligent, convenablement chrétien et curieux d'apprendre la place qui est la sienne dans l'ordre des choses qui prévaut au XVIIe siècle. Les vieux volumes lui eussent appris qu'il était un nouveau Batave, un rejeton d'une vieille souche. Les histoires contemporaines lui eussent rappelé qu'il était d'une génération de martyrs et que le manteau de sa liberté était tout imbibé de sang. Mais le texte imprimé ou l'image n'étaient point seuls à former sa sensibilité. Tous les dimanches (au moins) se déversait du haut de la chaire une cascade rhétorique, invoquant la destinée des Hébreux comme si l'assemblée des fidèles était elle-même une tribu d'Israël. Les lignes de démarcation entre l'histoire et l'Écriture s'estompaient cependant dès lors que l'on attribuait le sens de l'indépendance et de la puissance hollandaise à la Providence qui avait élu un nouveau peuple pour éclairer les nations. Dans cette addition néerlandaise à l'Ancien Testament, les Provinces-Unies apparaissaient telle la nouvelle Sion, Philippe II en roi d'Assyrie et Guillaume le Taciturne comme le pieux capitaine de Juda. Notre garçon, que nous pourrions prénommer Jacob Isaakszoon, Jacob fils d'Isaac, devait comprendre qu'il était Fils d'Israël, l'un des nederkinderen, et qu'il vivrait sous la protection du Tout-Puissant aussi longtemps qu'il observerait ses commandements. C'est par la vertu de l'alliance conclue avec le Seigneur que la nation à laquelle il appartenait avait été délivrée de ses chaînes pour connaître la prospérité et la puissance. Qu'elle s'éloignât des sentiers de la droiture, et elle pouvait compter que Dieu l'abaisserait comme il avait abaissé Israël et Juda avant elle. Le garçon approchant de l'âge d'homme, sa conduite devait illustrer l'acceptation de cette alliance, en conséquence de quoi les bienfaits pleuvraient sur lui.

Dans une large mesure, cette exhortation biblique était l'idiome commun de toutes les cultures calvinistes et puritaines du début du XVIIe siècle. Des Abraham, des Isaac et des Jacob, on en retrouverait à Rouen, Dundee, Norwich et Bâle aussi bien qu'à Leyde et à Zierikzee. Le rejet de l'hagiographie postbiblique autant que de l'autorité légale que revendiquaient les successeurs de saint Pierre à Rome étaient une caractéristique centrale de la Réforme, en sorte que l'Écriture s'en trouvait investie d'une valeur proportionnellement plus grande. Chez les calvinistes et autres dévots de la "Réforme radicale", l'abolition du rite traditionnel et de l'intercession du clergé mais aussi la préférence pour des formes directes de communion donnaient davantage d'importance encore à l'écriture dans le culte. Le train incessant des lectures, chants et exégèses qui se déroulaient dans les églises, écoles et foyers calvinistes familiarisaient les fidèles aux faits et gestes les plus insignifiants des patriarches, juges, rois et prophètes, quand jadis ils s'attardaient à la couleur de la chevelure d'un saint ou au rayonnement de son auréole. De surcroît, liée à l'obsession calviniste de la bonne conduite, la distinction entre la nature entièrement sacrée du Nouveau Testament et le caractère "mondain" de l'Ancien Testament faisait de ce dernier un fond de sagesse exemplaire et de vérité historique sans le moindre soupçon de blasphème. Tout cela avait pour résultat d'arracher l'Ancien Testament à la position qui était la sienne dans la théologie catholique – celle de préface nécessaire, de "deuxième étape" dans la téléologie du péché originel et de l'ultime rédemption – pour rendre au lien entre les deux livres une espèce de symétrie complémentaire. Dans la vision catholique du monde, l'incontournable distinction entre les chrétiens et les juifs, pour ainsi dire, déicides dès le commencement, reléguait dans l'ombre la nature exemplaire des histoires de l'Ancien Testament. Dans la mentalité calviniste, en revanche, l'ultime chronique messianique ne se laissait comprendre qu'à travers l'histoire des juifs, par qui le Tout-Puissant avait manifesté sa volonté.
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Le Bernin trouvait que le courant des fleuves roulait un drame puissant et bien à lui.Canaliser ce drame , le faire passer dans une fontaine qui symboliserait et matérialiserait à la fois les mythes sacrés des fleuves , représentait pour lui un défi irrésitible.
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Reconstruire Jérusalem en imagination et dans la mémoire : telle était la tâche. Pouvait-on le faire avec des mots, des mots et encore des mots ? Autrefois, cela aurait paru la réponse authentiquement juive. Aujourd'hui, grâce à la révélation de Doura, nous savons que la densité des textes pouvait être égalée, et augmentée, par une densité complémentaire d'images. Non seulement ces deux façons de perpétuer la mémoire de la Torah n'entraient pas en contradiction, mais elles se nourrissaient mutuellement.

p. 207, sur les fresques de la synagogue de Doura-Europos en Syrie.
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Au sein de ce long essai (sic), on trouve une enquête poignante mais énergique sur le caractère pérenne de la judéophobie (sic), enracinée, pensait Maïmonide, dans l'insécurité des autres religions face à la majesté simple et irréfutable de la foi judaïque et de la Loi mosaïque. C'était le remède du médecin à la misère : pour une fois, une explication de la souffrance était fondée non pas seulement sur le châtiment de ses propres péchés, mais sur la stupidité des nouveaux monothéismes, avec leurs bizarres exigences quasi païennes d'adorer une autre entité que Dieu Lui-même ou de prêter attention à une prophétie spécieuse. Le moment venu, le chéri de l'élite ayyoubide (à laquelle, en 1172, il donnait des leçons de science et de philosophie dans son arabe parfait), célèbre pour sa courtoisie réfléchie et sa bienséance appliquée, oublie son conseil de modération en toutes choses pour s'emporter avec véhémence et lancer un cri de douleur et de rage contre la culture majoritaire.

p. 352 sur l'épître de Maïmonide aux Juifs yéménites persécutés
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Cats était-il un "bourgeois" ? Qui ne l'était pas ? Les mendiants, les prostituées et les courtisans de Hionselaarsdijk, mais cela laisse une foule de gens entre les deux extrêmes. Ailleurs en Europe, le terme désigne un si petit nombre de types sociaux qu'il peut en garder une grande force descriptive. Aux Pays-Bas, son champ d'application est si vaste qu'il en devient parfaitement inutile. Ce terme, après tout, appartient au vocabulaire classificatoire de la science sociale matérialiste des XIXe et XXe siècles – laquelle posa en postulat que les systèmes de croyance étaient des appendices du pouvoir social. Il est bien connu que ces cadres d'analyse culturelle insistent de manière réductrice sur un continuum social qui va de la division du travail à la destination de l'âme. Et cette tautologie, qui n'est qu'une invite à la paresse, s'est donc fixée, telle un vert-de-gris intellectuel, sur des descriptions culturelles qui commencent (et ne finissent que trop souvent aussi) en invoquant l'éthos "bourgeois". Même un historien aussi profond que Huizinga accouplait "bourgeois" et "absence d'héroïsme" (pusillanimité), comme si pareille association allait de soi, quand par ce dernier terme il voulait dire, semble-t-il, "non féodal". Après tout, qu'est-ce qui pouvait être plus évidemment héroïque qu'une culture diluvienne (flood culture) ? Que pouvait-il y avoir de plus épique que la vantardise universelle incrustée dans le sol de la Burgerzaal de l'hôtel de ville d'Amsterdam, où, à l'instar de la Jérusalem médiévale, la ville est située au centre géographique, aussi bien que métaphorique, de l'univers ? Que pouvait-il y avoir de plus fantastique que la manie des tulipes, que les banquets des schutters, de plus flamboyant que les pignons sur la Huis Bartolotti, de plus orgiaque que la cuisine d'une kermis de Steen ? Et si je cite ces entorses évidentes aux lieux communs de la tempérance, de l'ascétisme et de la rationalité capitalistes censés caractériser la culture "bourgeoise", ce n'est point malice de ma part afin de suggérer le contraire. Mon souhait serait plutôt de libérer la description d'une culture moderne à ses débuts de son emprisonnement dans la terminologie du XIXe siècle, en particulier de celle qui arase les paradoxes sociaux et autres contradictions ou asymétries, afin d'arriver à la surface lisse d'un modèle économique. La Hollande de Rembrandt était plus riche en mystères de la chair et de l'esprit que ne le permet le cliché sociologique.
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En plein été, Amsterdam sent la friture, le tabac fort et les verres à bière non lavés. Dans les rues étroites, où la cohue des passants ajoute son odeur à elle, ces vapeurs restent suspendues dans l'air tel un brouillard de chaleur aromatique. Et dans la Kalverstraat, l'ancienne et tumultueuse ruelle qui serpente au sud du Dam, la nuée des touristes se coagulent à quatre heures de l'après-midi en une masse visqueuse. Mais à Amsterdam, les ruelles attirent, les avenues repoussent. Le tapage et la vulgarité riante de la Kalverstraat sont l'authentique réponse des Hollandais à la largeur aliénante du boulevard – élément de boursouflure urbaine qui n'a jamais eu grand succès dans les villes. Les mêmes touristes qui se pressent aux Champs-Élysées ou à Picadilly fuient d'instinct, à Amsterdam, le pompeux espace du Rokin pour la bousculade et le coudoiement moites de la Kalverstraat.

À certains endroits, cette implacable procession de fourmis vers la Rembrandtsplein (jadis le Botermarkt) est coupée par des voies de traverse – dont une qui porte encore son nom médiéval, le Heiligeweg (la Voie sacrée). C'est à cet endroit désormais bien profane qu'à la fin juillet, tandis que les vacances scolaires touchent à leur fin, de petites bandes d'enfants jouent des coudes pour se frayer un chemin à travers la foule jusqu'à une porte ombragée donnant sur le Heiligeweg. Avant la Réforme, la rue tenait son nom de diverses fondations religieuses qui se partageaient le quartier avec les échoppes des marchands et les boutiques des artisans. Sur le site de l'édifice dans lequel disparaissent les enfants, des palmes et des serviettes de bain aux couleurs criardes à la main, s'élevait jadis un couvent de clarisses, le Klarissenklooster. Les grands cris qui se perdent dans l'espace et les relents de chlore qui nous parviennent depuis l'entrée confirment qu'il s'agit bien de l'une des piscines publiques d'Amsterdam. Et c'est ainsi qu'en attestèrent des voyageurs au XVIIe siècle, que les hommes étaient confrontés à un choix impératif : périr noyé ou être Hollandais.
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