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André Zavriew (Traducteur)
EAN : 9782020172783
840 pages
Seuil (26/03/2004)
4.33/5   3 notes
Résumé :

Trois siècles après sa mort, Rembrandt demeure le plus aimé et aussi le plus mystérieux des grands maîtres de la peinture, même si les nombreux autoportraits jalonnant son existence nous ont rendu son visage familier. En réalité nous possédons peu d'éléments biographiques : le fils du meunier de Leyde qui fut brièvement célèbre à Amsterdam et dont le génie fut appréci... >Voir plus
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Les années 1655 et 1656, au cours desquelles les créanciers frappaient à sa porte, et les commissaires des faillites relevaient sur leurs inventaires les innombrables objets accumulés dans cette demeure extravagante, ont été des années fécondes qui ont vu naître certaines des toiles les plus originales de Rembrandt, certaines de celles dont le souvenir nous poursuit avec le plus de force.
Voici peut-être la plus intense de ces peintures ; elle se situe dans la zone d'ombre qui existe entre notre optimisme et la mortalité de notre condition. C'est une carcasse de boeuf éventrée, suspendue, les pattes écartées, à une traverse de bois, tandis que du fond de la pièce une servante regarde. C'est un peu la juxtaposition de la mort et la vie, telle qu'elle a été traitée par Rembrandt dans La "Fillette avec deux paons morts", mais la qualité sacrificielle est autrement forte. Auparavant déjà, à la fin des années 1630, un membre du cercle de Rembrandt avait peint une "Carcasse de boeuf". Mais tandis que le tableau ancien décrivait les côtes, les viscères, la graisse, le muscle avec une précision médicale et que la carcasse tout entière brillait de reflets sinistres, Rembrandt s' attaque à son "Boeuf écorché" comme si son pinceau était un couteau de boucher. Ses touches brèves, denses, entaillent, découpent, cisaillent la chair ; elles la nettoient et la dégraissent. Le résultat étrange de cette activité frénétique, c'est à la fois de donner vie à la créature et de faire parader la mort : l'on croit voir un martyr écorché et mutilé dans les affres de l'agonie. (p. 677-679)

Chapitre 11 - Ce qu'il en coûte de peindre
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Que ressent-on à la mort de son meilleur ami ? Que ressent-on quand cet ami est aussi un frère, et que ce frère est tout ce qui reste, à part soi-même et sa toute petite fille, d'une famille qui comptait jusqu'à neuf membres ? Les historiens se plaisent à nous expliquer que nous ne pouvons pas nous en faire une idée ; que ce que l'on ressentait à la perte d'un être cher au XVIIe siècle a aussi peu de rapport avec notre sensibilité que les rites de deuil des Sumériens ; que l'omniprésence de la peste et des épidémies émoussait nécessairement les sensibilités. Ils nous mettent en garde : un trépas soudain qui nous plongerait dans le désespoir, nos ancêtres l'acceptaient sans murmurer ; c'était un décret du Tout-Puissant que l'on ne contestait pas. Sans doute ont-ils raison, dans une certaine mesure de nous recommander de ne pas interpréter selon notre sentimentalité d'aujourd'hui des cultures que n'avaient pas encore touchées les émois et les emportements de la fièvre romantique. Mais il leur arrive de protester avec trop de vigueur contre une soudaine impression de familiarité que nous enregistrons, comme si les siècles s'abolissaient. Les historiens, après tout, ont un intérêt indiscutable à affirmer que le passé est une terre étrangère, puisque la traduction de la langue inconnue qui s'y parle est un monopole qu'ils revendiquent. Mais parfois leur assistance n'est pas nécessaire. L'opacité des différences culturelles se dissipe et nous discernons une émotion que nous savons reconnaître immédiatement. (p. 169)
Chapitre 4 - L'Apelle d'Anvers.
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Ceux qui fréquentent les musées remarquent plus les différences que les ressemblances entre Rubens et Rembrandt. Dans les salles Rubens, si d'aventure ils y font une pause, les immenses et sombres symphonies accrochées aux murs leur inspirent de l'effroi alors qu'ils visitent l'oeuvre de Rembrandt comme on va saluer un parent. Et il est vrai que Rembrandt a fini par être le type de peintre que Rubens ne pouvait imaginer, et qu'en aucun cas il n'annonçait. Mais pendant la décennie cruciale de sa formation, pendant les années où, de bon peintre, il est devenu un grand peintre reconnu comme tel, Rembrandt a été totalement subjugué par Rubens. Il a médité sur les grandes reproductions des grandes peintures religieuses de Rubens et s'est donné beaucoup de peine pour en produire une version personnelle : la volonté d'émulation tout autant que les variations introduites sont manifestes.
Chapitre 1- la quiddité.
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Les portraits de patriciennes génoises sont d'une stupéfiante invention formelle : la couleur si riche y explose sans que jamais le peintre cesse de conduire le jeu. Mais Rubens réinvente le genre. Dans la longue histoire du portrait, le portrait en pied si majestueux, avait toujours été réservé aux souverains régnants, à la reine Elisabeth ou à Catherine de Médicis. Rubens traite les dames génoises de la plus royale façon, mais il fait circuler autour d'elles les souffles de la nature. Les draperies s'agitent, fût-ce de manière discrète, dans une brise légère. Le soleil d'un après-midi de juillet glisse sur des peaux d'ivoire et des soies sombres. Le pinceau de Rubens se promène sur la toile avec aisance ; il rend avec une précision confondante chaque surface, chaque texture, mais il sait aussi retrouver la chair vivante sous sa vêture de mannequin. Il réincarne ses modèles et crée à leur occasion un festival de sensualité. (p. 154)
Chapitre 3 - Pierre Paul
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Rembrandt fut hanté par le maître qui était son aîné. Il devint le "double" de Rubens. Il se mit à s'habiller comme les personnages de ses tableaux, il reprit à son compte la pose et le costume d'un personnage enturbanné de Rubens qui figure dans "L'Adoration des mages". Et quand, la première fois, il se représenta à mi-corps dans une estampe, enveloppé d'une cape majestueuse, ce fut comme s'il avait surimposé son visage sur le corps de son grand modèle et copié la pose choisie par celui-ci. Le visage proclamait que l'on avait affaire à Rembrandt. Mais tout le reste murmurait le nom de Rubens. (p. 42)
Chapitre 1 - La quiddité.
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