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Critiques de Soma Morgenstern (8)
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Fuite et fin de Joseph Roth

Un livre ecrit pour les inconditionnels de Joseph Roth comme moi. Pour les passionnes comme moi par l'embrasement intellectuel de la fin de l'empire austro-hongrois, embrasement devenu du jour au lendemain pur brasier, bucher, cendres.



Morgenstern raconte dans ce livre "son" Roth, a travers leurs rencontres episodiques et les periodes qu'ils ont passe cote a cote, pousses, traines, par un meme destin. Mais il raconte aussi Vienne, sa Vienne, et le Paris des exiles. Il brosse donc, comme nombreux d’autres, le portrait collectif d’une generation d’intellectuels dans l’Europe Centrale de l’entre deux guerres mondiales.



Morgenstern etait un juif galicien, comme Roth, mais qui avait recu une education juive yiddishisante plus poussee. Comme Roth, il a poursuivi des etudes universitaires a Vienne, qu'il est arrive a mener jusqu'a un doctorat en droit, contrairement a Roth pour qui l'universite ne servait que de pose existencielle. Comme Roth il a ete journaliste, des fois pour les memes feuilles, et comme Roth il s'est voulu surtout ecrivain. Il a frequente, souvent intimement, toute la scene artistico-intellectuelle se Vienne. Comme Roth il a ete force de s'exiler et a vecu une assez longue periode a Paris, a ses cotes. Apres la Mort de Roth, et la guerre survenue, il est passe par un camp de concentration francais, avant de reussir a fuir vers l'Amerique.



Le livre n’est pas une biographie de Roth. Ni une autobiographie de Morgenstern. On a dit avec justesse que c’est plutot la biographie d’une amitie, tourmentee, anfractueuse, mais jamais hypocrite. Un dialogue avec un ami mort depuis de longues annees. Morgenstern et Roth se sont rencontres tres jeunes a Vienne. L'un n'avait pas vingt ans et l'autre beaucoup moins. Depuis ils se quitteront et se retrouveront, au gre de leurs deplacements, de leurs deambulations, respectives.



Le Roth que Morgenstern decrit est un petit homme insupportable d’un cote et charmant d’un l’autre. Debordant d’humour, qui devient souvent derision, sarcasme, blessant donc. Plein d’assurance, presomptueux, conscient de sa valeur jusqu’a etre imbu de soi-meme, medisant, malpoli, insolent, et en meme temps le coeur sur la main, genereux. Courant toute sa vie apres l’argent et travaillant comme un forcene pour cela, et depensant cet argent immediatement avec largesse, pour lui et pour beaucoup d’autres de son entourage. L’argent n’etait pour lui qu’un moyen, pas un but, et il devait servir sans delai. Cela fait qu’il a eu besoin pratiquement toute sa vie d’aides financieres, qu’il acceptait comme un du. Morgenstern rapporte une discussion qu’ils ont eu sur Arnold Zweig:

“ – Quoi qu’il en soit, tu n’as aucun motif de t’exciter contre lui. Devant toi il est en admiration. Et c’est authentique.

--Moi, je n’ai pas d’admiration pour lui. Et cela aussi, c’est authentique. Moi, je suis incorruptible.

--Mais tu ne craches pas sur l’argent qu’il te donne!

--Oui que je le prends! (Il etait en colere) Je le prends, parce qu’il l’a. [...] On peut me graisser la patte mais je ne la donne pas.”



Le titre du livre paraphrase une oeuvre de Roth (La fuite sans fin). Mais c’est surtout un constat de Morgenstern: La fuite a marque la vie de Roth, jusqu’a sa mort. Face aux montees des nationalismes et aux changements politiques, il fuit vers le passe, vers la quete nostalgique d’un empire idealise, il devient monarchique. Frequentant, surtout quand il est a Paris, les cercles monarchiques, il fuit sa judeite pour se rapprocher de la religion imperiale, le catholicisme (Morgenstern refute l’idee qu’il se soit reellement converti, d’apres lui un cure de son entourage, ancient juif converti, aurait tout simplement kidnappe sa depouille pour l’enterrer en chretien, et il a tenu, lui, a reciter un kaddish devant sa tombe. Ultime hommage...). Son alcoolisme, qui a provoque sa mort, peut etre aussi considere comme une fuite. Et de toutes facons il est l’eternel fuyant, l’eternel errant, l’eternel exile.



Morgenstern n’est pas toujours tendre avec Roth, c’est le moins qu’on puisse dire, mais il a ete un ami fidele, essayant de l’assister durant sa derniere periode parisienne, la periode de sa decheance physique (les jambes enflees, c’est a peine s’il pouvait marcher) et morale, de son alcoolisme exacerbe, de son desespoir noye dans l’alcool. Et comme jusqu’a ses derniers jours il a continue d’ecrire sur des tables de cafes, Morgenstern se demande si en fait l’alcool ne l’y a pas aide. “Sans l’alcool, aurait-t-il ete ce qu’il a ete?”



Le livre est truffe de repetitions et le style n’en est pas toujours fluide. Interessant quand meme. Tres interessant pour les fans de Roth, comme moi. Quant a la description de l’epoque, Zweig a fait mieux. J’essaierai plus tard sa trilogie sur le fils prodigue. Il parait que c’est bon. Les auteurs de la Mitteleuropa mythique m’interpellent... surtout quand leurs oeuvres attendent leur mort pour etre “redecouvertes”...



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Errance en France

Il arrive souvent que l'on soit quelque peu déçu par ces romans-récits exposant les circonstances d'une époque particulière. Il est toujours difficile pour un auteur, à l'intérieur de cette forme d'écriture, d'aller au delà de ses ressentis particuliers et d'atteindre une vision élargie où beaucoup pourront reconnaitre la substance même de cette époque. Mais c'est précisément en cette capacité que l'on reconnait le grand écrivain; il ne parle pas seulement en son nom mais rejoint le champ commun où le sens s'éveille. Il ne s'agit pourtant nullement d'un procédé qui n'a pour effet que de tuer l'authenticité d'un récit; c'est toujours l’honnêteté qui donne matière au savoir-faire. Soma Morgenstern, malgré son peu de notoriété en France, démontre ici qu'il est de ces grands auteurs qu'il faudrait redécouvrir. Rarement auparavant m'aura été aussi visible un moment pourtant si lourd de sens et de force symbolique que la débâcle de 1940. Mais il est vrai aussi que personne n'a, peut-être, autant de recul et de lucidité qu'un réfugié.
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Idylle en exil

L'intérêt de cette trilogie (titre général : Étincelles dans l'abîme) est d'ordre quasiment anthropologique par sa description du mode de vie des Juifs ashkénazes et des populations paysannes en Galicie il y a un siècle. Ce n'est évidement pas un hasard si ces 3 romans furent rédigés entre la prise de pouvoir des nazis en Allemagne et achevés en exil à New York où Soma Morgenstern avait trouvé refuge. Dans cet intervalle, tout un monde avait définitivement disparu et l'on comprend mieux alors la douloureuse signification de ce titre. En 1941, les SS procéderont en effet à une extermination systématique de la population ashkénaze de Galicie.

Et la Galicie elle-même est devenue un lointain souvenir, au point que certains croient pouvoir la situer en Espagne (Galice).

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Idylle en exil

Idylle en exil est le deuxième tome de la trilogie Étincelles dans l'abîme, qui fait suite au premier tome, Le Fils du fils prodigue. A la fin de ce premier tome, nous avions laissé le jeune citadin viennois Alfred rejoindre la terre de ses ancêtres, en compagnie de son oncle Welwel et du fidèle régisseur du domaine Jankel. Revenir sur les traces de son père sera l’occasion de renouer avec la spiritualité et l’apprentissage du judaïsme avec son oncle, de faire l’apprentissage de la vie rurale en compagnie du régisseur Jankel, de découvrir les joies de l’amour avec la belle villageoise Donia, et enfin de faire la connaissance avec le petit Lipouch.



Mais cet exil campagnard demeurera-t-il jusqu’au bout idyllique ?



Pour rappel, nous sommes en Galicie Orientale, une région de l’Europe de l’Est ayant appartenu à l’empire austro-hongrois, avant de devenir polonaise après la première mondiale. Une région dans laquelle se côtoient tant bien que mal de multiples ethnies (les Polonais, les Juifs et les Ruthènes), le plurilinguisme (le yiddish, le polonais, l’allemand et l’ukrainien) et les religions (chrétienne et judaïque). Un multiculturalisme qui, loin d’engendrer une ouverture à l’autre donnant lieu à des concessions mutuelles, attise au contraire les suspicions, défiances et mises à distance. Alfred tentera bien de relier les deux communautés par des pratiques culturelles partagées mais la propension de l’être humain à la violence, l’intolérance et au sectarisme auront vite raison de ses efforts. Car l’art d’attiser les haines et les différences prédominera toujours sur celui d’apaiser les conflits et d’accorder les extrêmes…



L’auteur Soma Morgenstern (Galicie orientale, 1890 - New York, 1976), peut-être le dernier écrivain juif de langue allemande de l'Europe centrale, évoque la montée du fanatisme et de l’antisémitisme en prenant tout le temps qu’il faut pour nous familiariser à notre tour à la vie rurale et au judaïsme, nous faisant partager la vie spirituelle des juifs mais aussi leurs coutumes et autres rituels. Mais ce ne sera que pour mieux nous faire ressentir la tragédie qui se prépare, terminant ce deuxième tome dans l’atrocité d’un crime qui vous marquera assurément encore longtemps. Nous retrouverons sans nul doute, dans le troisième tome qui clôturera la trilogie, le jeune Alfred transfiguré par cette expérience douloureuse, qui signe tout simplement la fin de l’innocence et des illusions.



J’ai beaucoup aimé ce roman, pour les personnages que nous y rencontrons et la façon de nous les présenter, pour l’humour disséminé jusqu’au moment tragique, pour la beauté et la simplicité de l’écriture. Enfin pour l’humanité qui s’en dégage, dans tout ce qu’elle a de meilleur et de plus abject. Un roman finalement très contemporain dans notre difficulté du vivre ensemble.
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Le fils du fils prodigue

Quelques mots d’abord sur l’auteur : Soma Morgenstern (Galicie orientale, 1890 - New York, 1976) était un écrivain juif de langue allemande. Cet ami de Joseph Roth, Robert Musil et Stefan Zweig fut un des témoins des grands soubresauts de son siècle, dont la fin de l'empire austro-hongrois, la première guerre mondiale, la montée de l'antisémitisme et du nazisme.



Le Fils du fils prodigue de Soma Morgenstern fait évidemment référence à la parabole du fils prodigue de Jésus de Nazareth, qui mettait en scène un fils lassé des commandements de son père et parti à la découverte du monde, avant de retourner chez les siens. C’est l’histoire du retour de la brebis égarée sauf qu’il ne s’agit pas ici du fils mais bien du Fils du fils prodigue !



Nous sommes en 1928, en Galicie Orientale, une région de l’Europe de l’Est qui avait appartenu à l’empire austro-hongrois avant de devenir polonaise de 1918 à 1939.



Le grand propriétaire terrien et très pieux Welwel Mohylewski doit se rendre à Vienne afin de participer au deuxième congrès mondial des « juifs fidèles à la Loi ». Il s’y rend accompagné de son fidèle régisseur Jankel, vieil homme toujours doté d’un sacré tempérament.



Vienne est une ville que Welwel n’aime pas, et ce pour plusieurs raisons : il y avait passé quatre années de sa vie comme réfugié de guerre et il y avait vécu la désagrégation de son foyer, tous décédés par maladie. Mais Vienne est aussi la ville de la veuve de son unique frère, le renégat Joseph, mort également à la guerre avant d’avoir pu se réconcilier avec sa famille, laissant derrière lui un fils aujourd’hui âgé d’une vingtaine d’années.



Veuf, sans héritier mais riche, Welwel se met à rêver : et s’il pouvait ramener son neveu, étranger à son peuple, baptisé par sa mère, élevé loin de sa communauté, vers ses origines et la terre de ses ancêtres ? Mais un juif religieux peut-il se permettre de se soucier du fils d’un renégat ?



Welwel se met à douter de son projet. Mais c’était sans compter son impétueux régisseur Jankel, qui compte bien mettre la main sur ce seul héritier pour en faire un bon agriculteur et le meilleur exploitant du domaine qui soit lorsque l’heure de prendre la relève de Welwel viendra…



Comme tous les auteurs de la Mitteleuropa, Soma Morgenstern comprend que le monde est en pleine mutation et que la société dans laquelle il vit n'est plus qu'en sursis. Il met en scène ce choc culturel entre la bourgeoise viennoise juive, qui s’intègre parfaitement dans la société de l’époque, et le monde traditionnel juif, qui craint que ce processus d’assimilation en cours finisse par déforcer le judaïsme et ses traditions culturelles. Plongeant dans ce maelstrom, Soma Morgenstern met en scène des personnages aussi truculents qu’attachants, tout en maniant avec finesse l’humour et l’ironie.
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Le Testament du fils prodigue

fabuleuse trilogie sur le monde d'hier d'avant le chaos. C'est touchant mystique et enchanteur. Très beau très bien écrit.
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Fuite et fin de Joseph Roth

C'est par ce livre que je découvre Joseph Roth décrit par son ami Morgenstern. Son talent d'écrivain et de romancier y est bien décrit. Son humour, sa clairvoyance et son cynisme transparaissent. Depuis, j'ai tout lu de Roth. Ses articles de presse sont passionnants. Ses livres sont plein d'humour et très bien écrit. Roth est le spectateur éclairé de l'éclatement de l'empire austro hongrois. Il voit bien la perte de valeur qui s'ensuit et prévoit parfaitement la montée du nazisme dès 1924.
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Le fils du fils prodigue

Le premier tome (Le Fils du fils prodigue) peut être considéré comme le choc d'une nouvelle génération confrontée aux traditions d'un monde ancien (un oncle de Galicie) qui débarque brusquement à Vienne.
Lien : http://www.lepoint.fr/livres..
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