Stéphane Bellat

L'amour, n'est-il pas le don de soi à quelqu'un ? L'émerveillement, je le trouve dans les livres qui sont tout autour de nous. Grâce à eux, j'ai toujours à l'esprit les images de la beauté, du rêve et de l'évasion. Un livre devient vivant si on accepte de lui donner un peu de temps, et surtout de confiance. Si j'avais vécu exclusivement pour moi, tout en perdant la capacité de m'émerveiller, alors oui, j'aurais été incapable d'accepter que la vie se poursuive.

Maintenant, tu peux aller de l'autre côté. Sois heureux au paradis des artistes. Prends soin de toi, mon ami, je ne t'oublierai jamais.

Le subjonctif est un art aussi subtil que l'entretien d'un bonzai. Au temps présent, il coule de source et se manie naturellement, un peu comme une canne à pêche, d'un geste ample et circulaire. A partir du passé et jusqu'à l'imparfait, il prend des allures de science obscure. "Que tu aimes" se transforme sans que l'on sache exactement pourquoi en "Que tu aimasses".

On est mort le jour où l'on cesse de croire en soi.

Et comme chaque année, le père Noël et Dieu allaient encore me rouler dans la farine. Jésus, c'était différent, je ne lui en voulais pas. D'ailleurs, je ne lui demandais jamais rien. C'était plutôt contre son père que j'avais une dent. Il lui aurait suffi d'un claquement de doigts pour tout changer. Le père Noël, n'en parlons pas. Ce n'était pas la peine de parader dans un traîneau tiré par six rennes de compétition pour un résultat aussi calamiteux.

Mais l'amitié s'affranchit des temps auxquels elle se conjugue. Souvent au présent, parfois au futur. Et puis, sans trop savoir quelle mouche la pique, il lui arrive aussi de jouer avec le passé.

Non, moi je la trouve pas horrible ton étoile. Lorsque avec mes grands-parents, on fait notre sapin, on met une étoile au dessus. C'est pour les anges. Ça veut dire qu'ils sont là, juste au-dessus de nous.

A 11 ans, on n'est pas encore adulte et plus tout à fait un enfant. La candeur disparaît pour faire place à des regards acides, des mots acérés. Sans aucune concession ni rémission. Tout ce qui était en dehors des normes était impitoyablement balayé, écrasé.

Le regard des autres est pire que la faim. Il déchire les entrailles, arrache des larmes de sang. Il vous pousse à maudire le destin d'être né différent.

La différence, c'est cette foule d'incompréhensions qui s'entrechoquent, ces mots qu'on n'ose pas dire. Tout cet ensemble de détails sans importance qui font qu'un beau matin, on ne sort plus de chez soi.

L'ignorance est le terreau de la haine, qui vient ensuite nourrir le racisme.

On n'aime pas les autres pur soi, Pierre. Si on les aime vraiment, alors on doit tout faire pour les rendre heureux.

Le regard des autres est pire que la faim. Il déchire les entrailles, arrache des larmes de sang.

Mes convictions ressemblaient à un papillon. Magnifiques de vie et de vivacité lorsqu'elles s'extirpaient de leur chrysalide, elles s'éteignaient aussi vite qu'elles étaient nées.

Avant de quitter la taverne de Maggie, tout le monde commandait un café, plus par habitude que par envie. Celui qu’on y proposait était un digne représentant de la tendance nord-américaine. Servi dans des tasses gigantesques, il aurait provoqué une crise d’hystérie chez n’importe quel Italien. Cette boisson n’était pas du café, sa couleur vaguement noirâtre se limitait juste à le suggérer. Histoire de ne pas tromper le client. En le voyant arriver tout fumant, on ne pouvait que se dire « Ah, voilà mon café » ! L’astuce, c’était de le contempler sans y tremper les lèvres. Le café de Maggie était viscéralement infect et malgré tout, on ne sortait jamais de table sans en commander. C’était un rituel, inutile sur le plan gustatif.

En guise de cerveau, elle avait hérité d’un kit comprenant une éphéméride, un press-book et un agenda. Elle connaissait par cœur toutes les dates imaginables, y compris celle de l’anniversaire du premier ministre du Swaziland, ainsi que le moindre article où l’on parlait de la société et les rendez-vous de Mitchell, qu’elle déclinait dans l’ordre chronologique avec la précision d’une montre suisse.

L'ignorance est le terreau de la haine, qui vient ensuite nourrir le racisme.

C'est toujours une rafale de points communs qui incite l'un à en savoir davantage sur l'autre. Ils sont le carrefour de toutes les histoires qui débutent. Ce n'est qu'ensuite que les divergences pointent le bout du nez.

Je n'ai jamais vu, chez nous, la moindre photo de mes grands-parents maternels. Pour témoigner de son passé, il ne restait que Magali. Les premières années de Nathalie Lejault demeuraient donc un mystère impénétrable.

Ce qui existait avant nous s'était comme évanoui en fumée, en même temps que ses parents avaient disparu.