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3.47/5 (sur 29 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Paris , le 28/04/1963
Biographie :

Romancier, essayiste, Stéphane Zagdanski est né à Paris en 1963. "Noir est la beauté" est son dixième livre.

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Explication philosophique, herméneutique et théologique de l'antisémitisme chrétien et musulman, par Stéphane Zagdanski, auteur de "De l'antisémitisme" (Rivages/Flammarion 2006)

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Soleil sombre.

J’écris ceci un mois d’octobre, sous un soleil radieux.
De mémoire de parisien on n’avait connu automne aussi tiède. Il faut dire que, de mémoire d’homme, on n’avait jamais senti si concrètement sombrer le monde.
Le méphitisme règne, la planète mijote, la banquise s’abrase, les fleuves
impassibles s’exorbitent en mascarets mortifères, les rivières acidifiées s’asphyxient, la famine dévore des peuplades apeurées, des espèces animales s’amenuisent à jamais, les pandémies prolifèrent, les paradis les plus sereins se désagrègent dans l’écrabouillant brasier de guerres locales...
Entretemps, Méphisto assure la prospérité de Dr Pharmacie et M. Armement.

L’homme est pour l’homme un clown sordide, sanguinaire et stupide, et personne ne possède la clé de cette putréfaction mal apprivoisée..

Qui s’en soucie ?
Tout le monde, personne.
Le souci en soi est une idée vieille ensevelie sous des monceaux de fausses nouveautés.

« Plus jamais ça ! » ressassent les hébétés, sans saisir que « ça » ne cesse de se perpétrer chaque jour devant leurs oreilles closes et leurs yeux béats.
Et ça n’est qu’un début. Rien n’arrêtera l’atroce fracas.

Ici, à Paris, tout va pour le mieux dans le pire des mondes. Les terrasses regorgent d’humains frelatés accroupis au creux de leur existence de spectres. N’importe quelle bribe de conversation captée au vol donne la nausée à l’idée d’être le contemporain de tels ilotes. La scène de couples d’amants fixant chacun son portable sans s’adresser un mot est devenue d’une abominable banalité.

Pendant que le globe s’abîme, les imposteurs pérorent leurs analyses de caniveau, profitant de ce que personne ne sait davantage qu’eux lire, écrire, ni penser.

Journaux, magazines, revues, cinéma, radio, télévision, amphithéâtres, fictions, essais... tout est léthargique, galvaudé, fangeux, nécrosé et minablement malfaisant. La pensée s’affaisse, l’imposture prolifère. Mille outres à bobards gigotent en boucle, jamais repues de leur veule vacuité.

Le délire croît. Les couloirs et les rames de métro drainent chaque jour davantage de schizophrènes clochardisés, et ça ne va guère mieux à la surface.

Et pendant que des experts en tartufferie flicardière vous parlent chaque soir à la télé, les squales de la haute-fonction fourbissent en coulisses leurs tactiques électorales...
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Stéphane Zagdanski
La première référence est théologique: «L’enfer, saisi, est une porte vers le
paradis.» écrit Sollers dans Studio. Dans Paradis, une série de séquences
nettement incestueuses entre un fils et sa mère s’insère à l’intérieur d’un «film»
reprenant, non chronologiquement – l’inceste fait sortir le temps de ses gonds –
diverses scènes de la vie du narrateur: «il a dix ans on le voit arriver sur sa mère
allongée l’embrasser dans le cou puis chercher sa bouche tenir longuement sa
bouche sur sa bouche» Suit une séquence sur le cercueil du père, puis sur le rire
de la mère, puis: «même salle de bains garçon nu même bidet mère éponge
inondée tête aux pieds transition baptême du christ filius meus nevrosus».
p 47
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Stéphane Zagdanski
C’est ainsi que le «lys d’or», rescapé d’une Annonciation disparue, passe
tel un flambeau entre Reine et Simon. Simon remarque l’objet en vitrine «entre un buste grec et une tête de Bouddha» (soit entre Grèce et Chine), mais c’est
Reine qui l’acquiert. Le choix du y («i grec») est dès lors décisif: l’injonction
lisse d’un lis (Lis!) n’est pas la double branche fière et fluide d’un lys. Et
lorsque le narrateur imagine Reine en religieuse, elle se dédouble aussitôt telle
une figure «cubiste», à savoir en l’occurrence taoïste
47. Le lys d’or accomplit
une scission, une amputation du christianisme par l’instrument du taoïsme afin
d’isoler le catholicisme de la religiosité qui l’encombre : Delgrave, le patron du
Centre d’études religieuses, «spécialiste du Testamentaire», «ne peut pas
supporter la Chine, son vide rempli, son bleu et blanc, ses flottements, ses
raffinements...». Projet conforme à cette maxime de Lie-tseu: «Par le silence et
le vide on atteint ses demeures.» Le roman est ainsi amputé de sa dernière partie
réduite à une note explicative: «Au manuscrit était jointe une note: “Préciser que
le lys d’or a été donné au narrateur.” Ainsi que deux formules du Livre de la
Voie et de la Vertu. La première: “Quand il réussit, il s’identifie au succès;
quand il échoue, il s’identifie à l’échec.” L’autre: “Retirer son corps quand
l’œuvre est accomplie, telle est la Voie du Ciel.” C’est tout.»
Et c’est bien assez clair.
P 49
47 «Je n’avais parlé que de vous en commentant des poèmes Tang.»
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Stéphane Zagdanski
Temps long et temps court. Économie et dépense.»
Et il est vrai qu’on ne peut imaginer d’inceste plus allégé («troué») que
celui de la Vierge avec son Fils-Père. Les Folies Françaises est de la sorte un
traité théologique sur l’inceste vécu comme trouée de la loi lourde de la
reproduction : on remarquera que le même mot désigne une image et une
parturition. Le Christ, étant père et fils de sa mère en est aussi son troueur, celui
qui la traverse. C’est la clé des annonciations par le vide lorsque le Christ troue
sa propre mère en la rejetant : «Qui est ma mère?» «Femme, voici ton fils»,
«Femme, qu’y a-t-il entre moi et toi?»... L’inceste consiste ici à stratifier et
diffracter le temps que l’on transperce: Ma mère devient ma fille à l’instant
exact de l’inceste. Ma fille est ma maîtresse puis redevient ma fille, c’est-à-dire
ma mère sur un autre plan temporel.
Strictement parlant, l’Annonciation est un phénomène très proche de
l’expérience taoïste de la sainteté. Concernant la Vierge Marie, Sollers parle,
commentant le Paradis du Tintoret, d’«effet indispensable de
Trou»
«En effet, si vous n’avez pas ce quatrième terme en écho, en
doublure, comme médiatrice, pour parler comme les théologiens,
comme corédemptrice, si vous n’avez pas cet effet de
réverbération, votre Trinité ne tiendra pas le coup. Sans le trou,
vous n’aurez pas les Trois qui ne sont pas de ce monde.»
P 50
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Stéphane Zagdanski
Adolescent, Sollers a fait une autre essentielle expérience des limites, celle
de l’asthme, du souffle dérobé, à injecter par conséquent de gré ou de force dans
la langue. Cet axiome rimbaldien («Un souffle ouvre des brèches opéradiques
dans les cloisons») débouche à terme sur l’écriture d’un seul souffle (plus
banalement dite sans ponctuation) des trois Paradis.
Une seule langue, largement méditée depuis Drame, pouvait nourrir ce pari
radieux qu’est Paradis, une seule langue associe à l’exégèse le souffle du phrasé
(kiu), «l’art de ponctuer oralement les textes, comme on phrase une partition
musicale» (Demiéville, Anthologie de la poésie chinoise).
Les derniers mots parus de Paradis, en 1991, sous le titre Paradis III (les
trois versions ont suivi en dix ans la même courbe raréfiée que les épîtres de
saint Jean), sont précisément dédiés à la Chine, «plateau jaune pomme jaune
voisine coton blanc sur jaune regard d’encre glissé sur l’écrit»
P 52
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Stéphane Zagdanski
Granet: «Le chinois, il est vrai, possède une force admirable pour
communiquer un choc sentimental, pour inviter à prendre parti. Langage rude et
fin à la fois, tout concret et puissant d’action, on sent qu’il s’est formé dans des
palabres où s’affrontaient des volontés rusées. Peu importait d’exprimer
clairement ses idées. On désirait, avant tout, arriver (discrètement tout ensemble
et impérativement) à faire entendre son vouloir.»
Célérité et concentration, deux points communs de la langue et de la
stratégie chinoises, se retrouvent éminemment chez Sollers.
Dans Carnet de nuit Sollers donne le la de son écriture: la note
«comprimé», «cellule vibrante», «capsule», plongée dans l’eau de la «nappe
continue du récit». «Jonction des deux: effervescence.»
P 53
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Stéphane Zagdanski
Puisque l’inceste heureux permet de briser le cercle des générations, il est
logique que le récit déponctué de l’inceste se déploie sur lui-même et se
ressaisisse dans son propre reflet infini. C’est ainsi que «paradis 2» surgit dans
ParadisII:
«laurie va acheter les journaux au village et les journaux
vont finir dans le sable comme s’ils n’avaient jamais existé et
l’un d’eux raconte peut-être en dix lignes la parution de paradis 2
vous savez ce truc sans ponctuation milliers de grains noirs serrés
illisible absolument illisible»
Le sable et les milliers de grains noirs font penser à Pindare, que Sollers
cite juste avant que n’apparaisse nommément Laurie: «la muse assemble l’or
avec l’ivoire blanc et la fleur de lys».
Ce qui nous amène au Lys d’or.
P 48
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Stéphane Zagdanski
La langue et la pensée chinoises correspondent particulièrement bien au
projet sollersien d’adhésion de l’écriture à l’immédiateté de son propre geste.
«Les Chinois», explique Marcel Granet dans La pensée chinoise, «veulent
qu’écrite ou parlée l’expression figure la pensée et que cette figuration concrète
impose le sentiment qu’exprimer ou plutôt figurer ce n’est point simplement
évoquer, mais susciter, mais réaliser.» On a un peu l’impression de lire les lignes
que Hegel consacre au sens pratique des Français, lorsqu’il compare leur
«bonnet» au «bonnet» théorique des Allemands: «Les Français disent: «il a la
tête près du bonnet»; ils ont le sens de l’actuel, de l’action, de
l’accomplissement, – l’idée passe immédiatement en action.»
P 52
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Stéphane Zagdanski
Dans Le lys d’or, le narrateur est «professeur de Chinois au Centre d’études
religieuses», amoureux d’une jeune femme aristocrate, «Reine de Laume»
(Orianne de Guermantes est «princesse des Laumes» dans la Recherche), avec
laquelle il entretient une étrange liaison, mi-confession, mi-analyse inversée
(elle le paie pour l’écouter et le lire).
Il s’agit en quelque sorte de faire se rejoindre les temps chinois et français,
à travers le catholicisme mais à son insu, masqué et marqué par la Grèce.
L’exergue sur les «fleurs d’or» est tiré de la deuxième Olympique de Pindare,
d’un passage plus précisément consacré au «château de Kronos» (Kronou tursîn:
«la tour fortifiée du Dieu-Temps»).
P 48
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Stéphane Zagdanski
Dans ce dialogue, Sollers associe spontanément Chine et littérature («c’està-dire mon expérience personnelle»), pensée et corps («Il s’agit d’abord d’une
expérience érotique.»).
On se souvient peut-être en effet que dans Femmes, Ysia, une amie
chinoise du narrateur, est un des personnages les plus positivement érotiques du
roman.
«Elle sent bon... Tout son corps sent bon... Tout son mince
corps préparé, chaud, délié, privé trop souvent d’amour, sent
bon... Une fois de plus, je suis épaté par son savoir-faire
spontané... Presque mieux que Cyd... Comme si elle portait en
elle, vivantes, les racines écrites du Tong-hsuan-tse...»
P 51
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"Une randonnée à pied doit se faire seul, car la liberté est essentielle; parce que vous devez être libre de vous arrêter et de continuer, et de suivre ce chemin-ci ou cet autre, au gré de votre fantaisie; parce que vous devez marcher à votre allure." Pourtant R-L. Stevenson (oui l'auteur de l'Ile au trésor) n'était pas si seul quand il a traversé nos Cévennes. Il était accompagné de :

son Chien
un Ane
son Perroquet
un Alligator (pour ceux qui confondent avec Capitaine Crochet)

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