Stéphanie Buelens

Elle s’appelle Muriel et ce n’est pas vraiment le grand amour entre elles. Le problème ? La jalousie. Destiny est bien foutue, Muriel en surpoids. Destiny se rappelle parfaitement qui a commandé quoi. Muriel, elle, sert de la soupe à quelqu’un qui a demandé un burger ou vice versa. Destiny se fait régulièrement pincer les fesses alors que personne ne prête la moindre attention à Muriel.

Elle préfère se concentrer sur ce qu’elle appelle les « mots de l’amour ». Seule la phraséologie sentimentale lui plaît. Le français des amoureux.

La voix est pleine de sollicitude, aimable – à croire qu’il est mon ange gardien. Elle me rappelle celle de mon père. L’un comme l’autre, ils font semblant de me plaindre, d’être désolés que je sois victime de sinistres délires. Parce que je pourrais être heureuse, insistent-ils, si seulement je me tenais à bonne distance de ces visions maléfiques. Passe à autre chose, tel est le mantra qu’ils partagent. Oublie le passé. Surtout les instants que tu n’as fait qu’imaginer.

Bien qu’elle n’aime pas parler de son passé parce qu’il la « tire vers le fond », j’ai appris qu’elle a un frère aîné qui n’arrêtait pas de la brutaliser et une sœur cadette qui, elle, n’était qu’une « petite
salope ». Elle ne m’a jamais dit ni leurs noms ni où ils se trouvent et semble n’avoir aucune envie de les revoir.

Pour t’avoir et te garder.


Pour le meilleur et pour le pire.


Riche ou pauvre.


Malade ou en bonne santé.


Dès aujourd’hui et à jamais.


Jusqu’à ce que la mort nous sépare.

Je songe aussitôt à un que j’ai lu récemment. Le sujet ? Le fait d tomber amoureux. L’auteur essaie d’y découvrir l’élément essentiel de ce qui définit ce phénomène. Pour lui, il ne s’agit ni d’un désir à combler ni de la joie qu’on aurait de trouver son autre moitié. De fait, c’est tout le contraire. Le cœur même de l’affaire, dit-il, n’est autre que le péril. Quand on tombe amoureux, on met son cœur et son âme sur un numéro et on tourne la roue de la chance. À le lire, j’ai découvert à quel point j’avais perdu mon goût du jeu.
À contrecœur, je jette un coup d’œil au type en costume d’homme d’affaires. Il n’a pas ôté ses lunettes de soleil. Il étudie le menu. Ou alors,il fait au moins semblant. Je remarque qu’à certains moments, il semble regarder par-dessus.

Elle m’a dit et redit n’avoir jamais trouvé l’« homme de sa vie ».
Elle me soupçonne de l’avoir trouvé en la personne de Max, et a raison. Il était gentil, aimant, patient et compréhensif. Il avait toutes les vertus du jackpot.
Jamais autant que lors de sa longue agonie. Melody n’avait que cinq ans cette année-là, et chaque fois que je la lui amenais, ses douleurs et ses angoisses s’évanouissaient et malgré la peine qu’il avait de tout ce qu’il perdait, il était reconnaissant d’avoir ce qu’il avait.

Elle s’appelle Mia. Elle a trente et un ans. Petite, avec quelque chose de vaguement fragile alors qu’elle est avocate d’entreprise. Elle a récemment fait l’acquisition d’un petit ami français. Elle apprend sa langue en vue de rencontrer ses parents.

Ava adore piquer les hommes de cette façon. Elle me montre souvent les répliques hargneuses qu’ils trouvent aux rejets moqueurs qu’elle leur assène. Inévitablement, les tempéraments s’échauffent. Les textos filent dans le cyberespace telles des flèches enflammées.
Ava trouve ce petit jeu de montées dans l’insulte des plus amusants.Je n’y vois que la façon dont la blessure se change vite en colère chez les hommes qu’elle contrarie.

J’ai appris qu’une langue est la façon de confirmer ce que l’on est
et ressent vraiment. De temps en temps, je disais « Je
t’aime » à Max et bien qu’il ne parlât pas français, il savait ce que cela
voulait dire.

Élégante et raffinée, et d’une intelligence finement
réglée. Elle adorait sa langue maternelle et la parlait à ravir. Les mots
quittaient ses lèvres comme une musique, chacun d’eux telle une note riche et
subtile.

Dans les films noirs, les femmes sont courageuses et futées. Elles savent comment faire, parler et se sortir des situations difficiles. Elles ont toujours un temps d’avance sur ceux qui les poursuivent.

Mes chaussures sont à semelles plates. Mon corsage en soie, et d’un rose léger. Ma jupe est noire et me tombe juste au-dessus du genou. Je ne me maquille guère et use d’un rouge à lèvres pâle rehaussé d’un rien de gloss. Ni bretelle de soutien-gorge ni marque de culotte visible. Rien de provocant.

Certaines femmes suivent leur colère. Elles s’emparent d’un démonte-pneu, l’emportent jusqu’à la voiture de leur époux et y cassent le pare-brise, fracassent les phares et démolissent la carrosserie. Si la fureur des femmes pouvait être aussi facilement apaisée, il n’y aurait plus de voitures sur les routes.

Les vagues déferlèrent sur moi avec violence. Elles avaient quelque chose de malintentionné. De la haine pour ma peur. Je regardai derrière moi en espérant que peut-être, il soit en train de nager vers moi. Mais il resta au même endroit, de l’eau bouillonnante jusqu’à la poitrine.