Ben avait dit un jour qu'il aimait les ouvrages de fantasy à cause des mondes grands ouverts dans lesquels on pouvait s'évader, où tout était neuf et où le voyage était long, où il vous menait loin. Lucy, pour sa part, voyait les choses différemment. Même à l'époque, quand ils étaient petits. Contrairement à lui, elle trouvait le monde réel parfois trop ouvert et trop effrayant, c'est pourquoi elle aimait se cacher dans un livre confortable et familier. Où elle savait où elle mettait les pieds.
Tu sais ce que je préfère chez toi ? Tu es unique. Tu es un individu complet et totalement inimitable, et c'est le plus grand compliment que je puisse faire, je crois. Je pourrais vivre encore cent ans sans rencontrer personne qui te ressemble. Et du coup, je me sens très privilégié de te connaître, tu vois ?
Lucy. Elle était magnifique. La bibliothèque disparut, le monde autour d'eux vira au noir et il ne vit plus qu'elle, immobile et sans émotion visible, tel un faon dans la neige. Le cœur d'Evan accéléra comme il l'avait fait quand le taxi avait failli l'écraser. Un large sourire involontaire s'épanouit sur son visage. Il faillit exploser sous la pression de tout ce qu'il avait à lui dire, et il se retint de bondir de sa chaise pour courir à elle. Il la regardait, le sourire aux lèvres, et les yeux de Lucy se plissèrent comme ils le faisaient quand elle souriait, quand elle souriait pour de vrai.
Les choses ont changé, à présent, songèrent-ils alors tous les deux.
-On aurait pu grandir ensemble. Je veux dire, c’est ce qu’on a fait. On a grandi ensemble.
Lucy regardait par terre, cachée derrière ses cheveux.
-Ce n’est pas la même chose. Toi, tu parles de « se compléter l’un l’autre », et je déteste ça. Ce sont des conneries pour comédie romantiques hollywoodienne. On ne se complète pas, les gens ne font pas ça. On en fait que souligner les manques. On est juste deux personnes incomplètes.
Pour elle, la meilleure musique était toujours celle à laquelle on pouvait s'identifier, qui vous parlait directement et se nouer si étroitement avec votre existence qu'on ne savait plus ou se terminait l'art et où commençait la réalité.
Ce n'est pas facile à entendre, mais parfois, les proches sont les personnes les plus mal placées pour agir dans notre intérêt.
Que l’histoire se poursuive au-delà ou se termine sur le champ, elle voulait la faire durer, sous une forme ou une autre. Et l’art était la meilleure forme possible. Faire vivre leur histoire dans leurs tatouages, dans leur BD, dans Aelysthia. Ces planches étaient leur œuvre commune ; c’étaient leurs idées et leurs personnalités exprimées en quelques grandes cases bouffonnes.
- C'est toi qui a le plus changé, dit Marshall à Tim. Tu n'étais même pas gay jusqu'à l'an dernier.
- Je sais, j'étais hyper hétéro, hein? Mais j'ai eu mon grand moment quand j'ai appelé tous les gens avec qui je n'avais pas parlé depuis une éternité pour leur apprendre la nouvelle. Quand je l'ai annoncé à mes parents et à mes amis, je croyais qu'ils allaient me détester mais tu parles! Tout le monde était déjà au courant sauf moi.
- Ils t'ont volé ton quart d'heure de gloire, le plaignit Lucy.
- Moi, je n'ai pas connu ce problème, déclara Marshall en croisant les jambes. Je suis né homo.
- Oooh, tu étais un tout mignon petit bébé gay ? S'attendrit Lucy.
- Grave. J'étais allergique au lait maternel.
-Je sais, j'étais hyper hétéro, hein? Mais j'ai eu mon grand moment, quand j'ai appelé tous les gens à qui je n'avais pas parlé depuis une éternité pour leur apprendre la nouvelle. Quand je l'ai annoncé à mes parents et à mes amis, je croyais qu'ils allaient me détester, mais tu parles! Tout le monde était déjà au courant, sauf moi.
-Ils t'ont volé ton quart d'heure de gloire! le plaignit Lucy.
- Moi, je n'ai pas connu ce problème, déclara Marshall en croisant les jambes. Je suis né homo.
- Oooh, tu étais un tout mignon petit bébé gay? s'attendrit Lucy.
- Grave. J'étais allergique au lait maternel.
Lucy et lui s'étaient toujours lancés ensemble dans des sagas fantasy. C'était comme partager une dizaine d'univers cachés, et il est impératif qu'ils parlent la même langue.