L'auteure américaine Gayle Forman est passé nous parler de l'écriture de son dernier roman, "Ce que nous avons perdu". Nous en avons profité pour la questionner sur le processus créatif dans son ensemble et sa manière de débuter une histoire en particulier.
Vidéo cadrée et réalisée par Yves Czerczuk.
Découvrir "Ce que nous avons perdu" :
https://www.hachette.fr/livre/ce-que-nous-avons-perdu-9782016270059
Voir la vidéo sur Hachette.fr :
https://www.hachette.fr/videos/gayle-forman-ecriture-ce-que-nous-avons-perdu
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Je me rends compte maintenant que c'est facile de mourir. C'est vivre qui est difficile.
Celle que tu es cette nuit est la même dont j'étais amoureux hier et la même dont je serai amoureux demain. Je t'aime fragile et dure, cool et casse-pieds.
Si tu restes, je ferai ce que tu voudras. Je quitterai le groupe pour t'accompagner à New York. Mais si tu préfères que je m'en aille, je le ferai aussi. Peut-être que ce serai trop douloureux pour toi de retrouver ta vie d'avant, qu'il vaudrait mieux que tu nous rayes de ton existence. Ce serai dur, mais je le ferais. Je peux accepter de te perdre de cette façon si je ne te perds pas aujourd'hui. Je te laisserai t'en aller. Si tu restes.
Je le revois avec ses boucles blondes. J'ai toujours aimé enfouir mon visage dans ses cheveux. J'attendais le jour où il m'enverrait balader avec un " tu m'embêtes ! ", la formule qu'il utilisait quand papa réagissait trop bruyamment devant un match de base-ball à la télé. Mais il ne l'a encore jamais fait.
Et maintenant il ne le fera jamais.

J'ouvre les yeux. Je me redresse autant que je peux. Et j'écoute.
« Reste », dit-il.
Sa voix se brise déjà, mais il ravale son émotion et poursuit :
«Il n'y a pas de mots pour décrire ce qui t'est arrivé. Il n'y a rien de positif là-dedans. Mais il existe une raison de vivre. Et je ne parle pas de moi. C'est seulement que... Je ne sais pas. Je dis peut-être des bêtises. Je suis en état de choc. Ce qui s'est passé pour tes parents, pour Teddy... »
Quand il prononce le prénom de mon petit frère, sa voix se brise de nouveau et les larmes inondent son visage. Et moi, je pense : Je t'aime.
Il se reprend et poursuit :
«Je suis sûr d'une chose, c'est que ce serait un gâchis si ta vie s'arrêtait là. Évidemment, ta vie est gâchée désormais, quoi qu'il arrive, et je ne suis pas assez fou pour penser que moi ou qui que ce soit pourrait changer ça. Mais je n'arrive pas à me faire à l'idée que tu ne puisses pas vieillir, avoir des enfants, suivre les cours de la Juilliard School, jouer du violoncelle devant un public nombreux qui éprouverait le même frisson que moi lorsque je te vois prendre ton archet, lorsque je te vois me sourire.
« Si tu restes, je ferai ce que tu voudras. Je quitte- rai le groupe pour t'accompagner à New York. Mais, si tu préfères que je m'en aille, je le ferai aussi. J'ai parlé avec Liz et elle m'a dit que ce serait peut-être trop douloureux pour toi de retrouver ta vie d'avant, qu'il vaudrait peut-être mieux que tu nous rayes de ton existence. Ce serait dur, mais je le ferais. Je peux accepter de te perdre de cette façon si je ne te perds pas aujourd'hui. Je te laisserai t'en aller. Si tu restes. »
Joue de moi, a-t-il dit.
- Pardon?
- Joue de moi comme si j'étais un violoncelle.
Et je continuerai. J'en suis sûr désormais.
Quitte à la reperdre mille fois, je referais mille fois cette promesse pour l'entendre jouer comme hier soir ou pour l'avoir en face de moi dans le soleil du matin. Ou même simplement pour savoir qu'elle existe quelque part. Vivante.
" Je commence à comprendre ce que signifie mettre un point final à une histoire. Rien avoir avec un spectaculaire "avant-après". Non, cela s'apparente plutôt à la mélancolie qu'on éprouve à la fin des vacances. Quelque chose de particulier se termine et l'on se sent triste, mais cette tristesse ne peut être que légère parce que ce quelque chose a été une période de bonheur "
" N'ayez aucun doute, elle vous entend, dit-elle. Elle se rend compte de tout ce qui se passe." ..... " Vous croyez que tout dépend des médecins, ou de infirmières, ou de cet équipement? poursuit-elle en tendant la main vers le mur d'appareils médicaux. Eh bien, non. C'est elle qui mène le jeu. Alors, parlez-lui. Dites-lui qu'elle peut prendre tout le temps qu'elle veut, mais qu'elle revienne. Vous l'attendrez."
"Que veux-tu que je te dise, l'amour est un voyou."