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Critiques de Sue Rainsford (61)
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Jours de sang

Jours de sang est une expérience. Sue Rainsford y propose un texte déstabilisant, qui demande beaucoup au lecteur.



C’est une histoire de pandémie, en attendant la fin du monde. Enfin c’est ce qu’on peut imaginer. Je peux répondre à votre interrogation immédiate : elle n’a pas grand-chose à voir avec celles que vous avez déjà pu lire.



L’autrice utilise constamment l’ellipse narrative avec sa construction qui donne voix à plusieurs personnages, parlant par sous-entendus, comme si vous saviez. Ce qui n’est pas le cas.



Le récit demande donc à ce que le lecteur fasse marcher son imagination, trouve souvent les réponses lui-même (et même les questions, au passage).



Dans ce monde dystopique, post-apocalyptique, anticipatif (choisissez ce qui vous conviendra), cette pandémie rouge fait apparaître des éruptions cutanées et engendre des modifications physiques, dans un environnement où la planète se révolte.



Anna et Adam sont au centre, l’alternance des narrations leur laissant une place de choix (passages entrecoupés du journal de Koan, le « chef de clan », et d’autres protagonistes au fil des pages).



Le lien de gémellité entre Anna et Adam est fort, mais vicié, étrange. Ils se partagent le jour et la nuit, se croisent à peine. Deux caractères à l’opposé chez ces presque adultes, une fille forte et un garçon de nature introvertie.



Ils n’ont jamais rien connu d’autre que ce monde. Celui où ils se cachent pour se protéger, où il faut suivre des règles strictes, en fuyant tout ce qui est rouge. Ils sont presque seuls maintenant, abandonnés peu à peu par leur mère et le reste du groupe. Reste Koan…



Une ambiance sectaire, poussant au culte, ou se mêlent allègrement religion, croyance et science, des personnages perturbés. Des sujets forts autour de la manipulation et de la corruption de l’innocence.



On découvre à travers le journal de Koan, et les réactions des deux adolescents, combien son comportement pose question depuis longtemps ; autoritaire et au comportement envers les femmes qui interroge beaucoup.



On ne sait rien du monde autour, pas d’explications, à peine une phrase par ci par là à laquelle s’accrocher. Sue Rainsford parle en images, dans un style poétique et mystérieux au possible.



Un récit viscéral, charnel, ou le rouge est l’impur, à l’image du sang menstruel. Une tension palpable, une violence refoulée qui parfois explose, des corps confinés (le roman a été étonnamment écrit avant le COVID).



L’écrivaine, artiste, parle souvent par messages codés, au lecteur de déchiffrer les nombreuses symboliques. Souvent de manière métaphorique, jamais facilitante, le lecteur doit se laisser conduire un peu à l’aveugle.



C’est souvent déroutant. Rarement j’ai été à ce point perturbé, parfois perdu. Et pourtant, je continuais à me plonger dans ces pages, presque hypnotisé, malgré le manque de réponses. Au final, je reste tout de même frustré d’en avoir eu aussi peu.



Une lecture difficile aussi, douloureuse, par les sujets effleurés. Pas du genre à ménager le lecteur, mais plutôt à le bousculer. Oui, on peut aussi apprécier une lecture qui fait mal.



Jours de sang est comme ces œuvres d’art abstraites, présentées sans explication et que chacun ressentira à sa manière, selon sa sensibilité. Une expérience à tenter si vous acceptez de lire sans tout comprendre immédiatement, Sue Rainsford est clairement une voix à part dans le monde de la littérature.
Lien : https://gruznamur.com/2024/0..
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Jours de sang

Détournant les codes de la dystopie, l?Irlandaise signe un roman perturbant, montrant combien les phénomènes d?emprise et de manipulation font leur lit de nos peurs.


Lien : https://www.ouest-france.fr/..
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Jours de sang

Jours de sang : le titre du roman de l'Irlandaise Sue Rainsford fait penser aux menstruations et ce n'est pas un hasard car le rapport au corps est l'un des thèmes d'un livre qui évoque aussi les croyances, la manipulation, le pouvoir et bien d'autres choses encore. Sans beaucoup d'explications, l'autrice nous immerge dans le monde cruel de Anna et de son frère Adam, les deux seuls à ne pas avoir fui une petite communauté dont le "chef spirituel" a entamé un inexorable déclin. Les autres membres ont fui, dont la mère d'Anna et de d'Adam, dans un univers pré-apocalyptique où la planète semble vivre ses derniers instants. En attendant, beaucoup sont atteints d'une étrange maladie qui se manifeste par des rougeurs sur tout le corps. A l'énoncé de ces quelques éléments, l'on pourrait croire que Jours de sang ressemble à de nombreuses dystopies qui annoncent la fin des temps. Que nenni, voici un livre dont on essaie sans cesse de saisir les situations, sans réellement y parvenir, et qui peut aussi bien fasciner qu'irriter, non seulement par ses situations cryptées que par le ressassement jusqu'à plus soif des mêmes obsessions (l'alerte rouge est constante) ou encore son mélange de poésie et de morbidité, qui culmine dans des scènes de violence gore. Nul doute que le livre est fait pour certains lecteurs et pas pour d'autres car même si cela vaut pour n'importe quel ouvrage, celui-ci a particulièrement tendance à diviser entre des réactions diamétralement opposées : l'envoûtement ou le rejet.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
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Jours de sang

Deuxième roman de Sue Rainsford, découverte avec le tonitruant Jusque dans la terre, ce Jours de sang ne vous laissera que peu de repos !



Anna et Adam, jumeaux, vivent isolé·es dans ce qui fut une communauté formée pour tenter de survivre à une apocalypse mystico-organique. Seul reste Koan, ancien leader du groupe, gourou fatigué et sur le déclin.

Dans ce monde en perdition, où la Terre semble vouloir faire tabula rasa et où Tempête est attendue comme figure de salut, les enfants se soumettent à des rituels abrupts, pour repousser le rouge, cette infection-qui-n'en-est-pas-une, cette malédiction-instable-qui-n'émane-de-nulle-part-et-de-partout.



La narration est faite de courts chapitres, alternant les voix d'Adam, Anna et le journal de Koan. De nombreux allers-retours dans le passé ajoutent les témoignages de deux autres personnages, Tabatha et Matthew.



Pour parler du premier livre de Sue Rainsford, je citais Les Saisons de Maurice Pons et la plume de Claude Seignolle.

Ici, les personnages pourraient tout à fait provenir du village de Pons, mais dans une réécriture du Phénomènes de M. Night Shyamalan faite par Livia Llewellyn. Avec des tas de choses en plus. L'univers de Sue Rainsford est unique.

Glauque puis malaisant, porté par une poésie macabre, cette histoire de famille pour le moins brutale nous emporte dans les tréfonds de la manipulation.



La violence est omniprésente.

"Que se passe-t-il quand on enlève sa muselière ?"

Quand la fin du monde approche, toujours un peu plus, mais n'arrive jamais, comment organiser sa survie ? Comment savoir qui ou que croire ?

Quand le danger est partout, "comment dormir dans les ténèbres de ses propres paupières ?"



Des enfants qui sautillent dans la pataugeoire du chaos, manipulé·es à n'en plus savoir par qui ni pour quoi. Une balade dans la nature aux allures de cauchemar.

Un roman étouffant, charnel et organique.



Merci Aux forges de Vulcain pour le SP, et la traduction de cette autrice !
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Jusque dans la terre

Ada et Père vivent en bordure de forêt, suffisamment loin pour cultiver le mystère (et les ragots) mais suffisamment près pour accueillir nombre de “cures” : des gens à soigner. Ils sont guérisseurs et excellent dans leur art. Chants, ouverture “mystique” du corps, visions, enterrement des patients dans la Terre guérisseuse. Ils font peur comme ils fascinent et surtout Samson, attiré par Ada de qui elle tombe follement amoureuse.



Un ami m'a fait part de sa déception et limite de son dégoût pour ce roman qu'il n'a pu terminé et que j'ai tant aimé. de mon côté, ni malaise, ni horreur. J'ai plus ressenti le côté lugubre ou sinistre de la Nature, de la Terre comme tout naturel : la nature nous apporte la vie puis la mort, toute chose vivante meurt, c'est comme ça. Cette vision de la Terre qui absorbe tout, la maladie, la pourriture, qui transforme, rend la vie, mais qui reste dangereuse, m'a parue si juste et si en adéquation avec la réalité. Pas vraiment d'horreur car il n'y a pour moi aucune violence gratuite et pas de sang ni de massacre ou de créatures à mille dents tapies dans l'ombre. Certes, l'ambiance est lourde mais ça ne m'a pas déplu du tout, bien au contraire. J'ai même trouvé une forme de pureté mélangée à de la tristesse : ces créatures issues de la nature, qui imitent l'humain et qui les soignent de façon extraordinaire et qui voudraient, tout du moins pour Ada, ressembler, ressentir comme ces humains qu'ils soignent. Les pires des êtres ne sont pas ceux auxquels on pense, comme souvent! Alors c'est peut être ce caractère étrange, cette différence qui rend mal à l'aise et qui fascine tout en dégoutant les cures qui fait que ce roman peut déplaire mais tout cela a résonné à l'unisson avec mon être. Oui, je peux avoir un côté mystique aussi.



En plus de l'histoire et des personnages qui m'ont touchée, j'ai beaucoup apprécié la façon de conter de Sue Rainford. Il y a zéro contexte à part la forêt et la Terre. On ne sait pas où ni vraiment quand. Mais peu d'importance. Les non dit nous laissent aussi combler ce qu'on s'imagine être. L'histoire, du point de vue d'Ada, est entrecoupée de témoignages de cures ou d'habitants sur Ada et son Père, ce qui donne des éclairages parfois intéressants. Et l'histoire ne se limite pas à la trame principale mais va aussi explorer le rapport de la Femme à l'autre, à la société : comment est traité le corps de la femme enceinte, de la femme ménopausée, la solitude, la femme-objet, la mère qui passe avant la femme…



Un coup de coeur, un coup de foudre pour cette histoire fantastique, mystique, magique…cela faisait longtemps que je n'avais pas lu si vite un roman si prenant.

Prix : Imaginales - Roman étranger 2023. Je ne suis pas forcément attirée par les prix mais là, je suis conquise.

Je suis toute chamboulée par ce voyage étrange et je ne manquerai pas de me pencher sur la production littéraire de Sue Rainsford s'il y a.

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Jusque dans la terre

Je découvre avec plaisir ce titre des éditions auxforgesdevulcain. Ce roman m’a tout de suite attiré d’une part car sa couverture est magnifique et d’autre part car il relate l’histoire d’un ours-garou et de sa fille s’improvisant « médecins » de village. J’en ressors à la fois captivé mais également un peu frustré par une fin de roman ouverte.



Il comporte cependant énormément de bons points:



- J’ai trouvé l’histoire en elle-même très originale. Elle expose le quotidien d’Ada et de son père soignant de manière plutôt spéciale les gens du village (qui acceptent sans hésiter cela). Mais c’est aussi l’occasion de mettre en avant la découverte de l’amour, de ses plaisirs du point de vue féminin d’Ada. Tout est amené en finesse petit à petit par l’autrice qui évoquera les relations complexes qu’Ada aura avec son père et la sœur de Samson (son amour). Comme je l’ai mentionné, la fin (plutôt ouverte) ravira certains lecteurs et pourra poser quelques problèmes à d’autres. J’avoue, j’aurais aimé avoir plus de précisions sur la suite des événements et j’en ressors avec un peu de frustration.



- J’ai énormément apprécié la plume de l’autrice et la structure du texte. J’ai littéralement dévoré les 200 pages du livre en une journée. L’univers est fantastique et très sombre et entraîne en permanence un certain malaise de la part du lecteur (sans qu’il sache vraiment d’où il peut provenir exactement). L’alternance des chapitres où l’histoire avance et de courts passages, dans lesquels des patients relatent certains événements, permet de garde cette ambiance gênante et de dynamiser la lecture (vite, vite je veux savoir la suite).



- Les personnages sont très bien décrits et contribuent à cette ambiance particulière. On retiendra bien entendu Ada qui est au centre de l’histoire. J’ai adoré ce personnage car on n’arrive pas particulièrement à le situer du bon ou du mauvais côté. Le lecteur aura envie de la plaindre de ne pouvoir vivre son amour librement en début de roman mais changera probablement d’avis en cours de route. Son père (l’ours-garou médecin tirant ses pouvoirs de la Terre), son bien-aimé Samson et sa sœur ne déméritent pas non plus et restent finalement assez complexes et difficiles à cerner.



Je repars ainsi avec une très belle lecture portée par une autrice talentueuse. Sue Rainsford réussit à immerger son lecteur dans une histoire fantastique et originale enveloppée dans un sentiment de malaise permanent. Je vous la recommande vivement.
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Jusque dans la terre

Vous connaissez mon attachement à la maison d’édition Aux forges de Vulcain. J’aime profondément ce catalogue fait de réalisme et de magie où viennent se confronter des imaginaires multiples. Ce premier roman de l’autrice irlandaise Sur Rainford – traduit par Francis Guévremont – m’a complètement envoûté. Au milieu des senteurs d’humus et de bois moisie, né un amour destructeur prêt à défier un héritage puissant.



Ada vit avec son père dans une maison en lisière de forêt. Éloignés du village, ils reçoivent néanmoins régulièrement les habitants chez eux pour les soigner. Tous deux sont dotés de pouvoirs puissants pouvant soigner bien des maux. Ils effraient autant qu’ils fascinent. Ada tombe amoureuse de Samson, un amour désapprouvé par les deux familles et qui va se révéler fatal.



Ada et son père viennent de la terre, ils en tirent leur pouvoir et leur substance. Êtres fantastiques, figures défiant les âges humains, ils possèdent des connaissances qui effraient mais fascinent. Ada vit dans l’ombre de son père, elle suit ses conseils et ses apprentissages. Le feu de l’amour, la soif du corps de l’autre, lui font détourner la tête de ses enseignements. Son désir devient plus impérieux que le cycle qu’elle doit perpétuer. Elle grandit, prend pleinement possession de ses pouvoirs et bientôt de son destin. Aveugle aux avertissements, aux sous-entendus ou aux signaux qui se dressent sur son chemin, elle se livre complètement à cet amour destructeur. Régulièrement, comme des respirations, les témoignages des riverains viennent livrer leurs visions de ce duo si étrange. Ils racontent leur rencontre avec le père et sa fille, leurs inquiétudes et les rumeurs qui circulent sur eux.



Dans des odeurs de terre fraîchement retournée et de feuilles humides, se déploie un univers fantastique saisissant. La magie s’immisce dans le corps des villageois qui s’y abandonne entre fascination et effroi. Ada terrorise par sa monstruosité mais émeut par son profond sentiment de solitude. Elle se noie dans des sentiments humains alors qu’elle n’en connaît pas les subtilités, elle s’éveille aux sens alors que son corps n’est pas destiné à cela.



Dans cette fable inquiétante, l’autrice parle du corps des femmes, de la manière dont les hommes cherchent à les posséder. Elle tisse des liens entre les corps et la terre, fait du désir une maladie pernicieuse. Avec une écriture sensuelle et envoûtante, elle brouille les pistes entre maladie et guérison, entre monstruosité et humanité. La terre soigne autant qu’elle envenime et les vrais menaces portent souvent les plus beaux apparats.



Un premier roman saisissant
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Jusque dans la terre

Voici un texte atypique qui possède plusieurs degrés de lecture et dont on ne prend toute l'ampleur, je pense, qu'en le lisant plusieurs fois. J'écris ceci après ma toute première lecture et c'est un avis à chaud.



Il y a bien entendu l'histoire première, principale, celle d'Ada qui vit avec son père à l'écart d'un village dont ils soignent les maux ensemble. C'est d'ailleurs Ada qui raconte la majorité des évènements à l'exception de quelques témoignages des habitants, qui parlent de ce qu'ils savent à son sujet. Et que savent-ils, d'ailleurs ? Pas grand chose, si ce n'est qu'Ada et son père ne sont pas tout à fait humains, parce que le temps n'a pas de prise sur eux... On n'imagine pas encore à quel point.

La narration, de par sa narratrice, est un peu brouillonne, saute parfois d'un temps à l'autre, d'un évènement à l'autre. Elle est crue, pas toujours claire, mais c'est ce qui fait aussi l'intérêt du texte ; ce mystère dont on veut percer le secret.

Puis il y a les thématiques, cette passion qu'Ada voue à Samson et les extrémités auxquelles cela la pousse, le combat contre la solitude, l'éloignement du giron parental qui, à un moment, ne suffit plus et la façon dont les maladies sont mises en scène, sont traitées, passent encore d'autres messages subtils que je n'ai fait qu'effleurer. D'ailleurs, la relation entre Ada et Samson noue les tripes, elle dérange, il y a de quoi... Qui ment, qui se voile la face ? Qui est le véritable monstre ? Même les dernières pages laissent encore planer le doute. C'est une belle leçon de narration donnée ici par Sue Rainsford.

Jusque dans la terre est un texte qu'on lit d'une traite, qui nous happe et ne nous recrache qu'une fois la dernière page tournée. On se sent alors un peu vaseux, on se demande ce qu'on vient de lire et si on n'a pas, nous aussi, été engloutis par la Terre...
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Jusque dans la terre

Il y a certaines histoires difficiles à décrire. Celle ci en fait partie.

Ada vit avec son père dans une petite maison. Ils soignent les gens du village depuis toujours, qu'ils appellent les cures. Ils ne sont pas comme eux. Ils ne vieillissent pas. Ils restent à part. Mais Ada voit Samson. Lui n'a pas peur d'elle. Il lui fait ressentir des choses. Mais son père n'est pas d'accord. La soeur de Samson n'est pas d'accord. Mais Ada fera tout pour ne pas le perdre.

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"Inclassable'' est bien le mot pour définir ce roman. Quoique, même le mot "définir" ne sied pas à cette histoire qui trempe dans tant de genres différents, à la fois conte, roman initiatique, récit fantastique...on ne sait plus et on s'en fiche pas mal. C'est surtout un texte qui gratte, qui remue, qui nous ouvre et s'installe là, sans nous demander notre avis.

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La nature a une place toute particulière dans cette histoire. Ada est née de la Terre, comme son père. La Terre les aide à soigner les cures. Mais la Terre est aussi parfois dangereuse. 🍁

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Cette histoire, elle s'incruste sous nos ongles, comme si l'on avait trop creusé la terre. Elle se pose sur notre langue et si l'on se lèche les lèvres, on peut goûter son arôme doux-amer, qui ressemble parfois à un conte.

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D'une certaine manière, nous sommes nous aussi des cures. Ada nous ouvre avec ses doigts agiles, mais elle n'enlève rien. Elle dépose son histoire, juste là, dans nos entrailles, dans nos poumons, et à chaque inspiration, elle ressort un peu, sans jamais partir. Mais elle ne laisse aucune cicatrice.

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Je n'ai pas d'autres mots pour décrire ce roman atypique, dérangeant, et pourtant beau, à sa manière. ❤ Sombre, magnétique, poétique, féministe, envoûtant. Voilà d'autres mots, maintenant c'est à vous de le découvrir par vous même.
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Jusque dans la terre

La formidable poésie tellurique d’une sorcellerie du soin, résolument autre – et de la perturbation radicale qu’y introduit le désir. Un grand roman surprenant.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/12/17/note-de-lecture-jusque-dans-la-terre-sue-rainsford/



Elle vit avec son père dans une maisonnette un peu à l’écart du village, à la lisière de la forêt. Tranquillement, tout en conduisant ses expériences très personnelles d’adolescente et de jeune femme, elle apprend ce qui leur tient lieu de métier semi-officiel, ici : soulager les maux des villageois, simples humains que son père comme elle appellent, dans ce contexte, des « cures ». Ni lui ni elle ne sont humains. Créatures fantastiques vivant presque benoîtement à la frontière d’une nature tellurique et secrète qu’ils savent maîtriser occasionnellement, ils vivent plutôt bien leur puissance potentiellement si dangereuse, puissance tolérée par les villageois pour ses bienfaits, d’autant plus qu’elle demeure largement dissimulée. Jusqu’à ce que la découverte de l’amour – ou de quelque chose qui s’en approche discrètement – vienne chahuter cette organisation rationnelle d’un travail ô combien irrationnel…



Publié en 2019, traduit en français en 2022 par Francis Guévremont chez Aux Forges de Vulcain, le premier roman de l’Irlandaise Sue Rainsford s’inscrit d’emblée parmi ces relativement rares coups de tonnerre dont on se demande soudainement comment la littérature avait pu patienter sans eux jusqu’ici. Superbe « collision d’horreur, de féminisme et de folklore » pour Justine Jordan dans The Guardian (à lire ici), incroyable transformation « d’une amourette adolescente en tout autre chose » pour Molly Dektar dans The New York Times (à lire ici), distillant une « poésie de l’horreur sachant éviter le gore qui lui confère déjà une voix bien particulière » pour René-Marc Dolhen dans Noosfère (à lire ici), déployant « une prose tellurique et hypnotique » pour Ann Dunne dans The Independent Dublin (à lire ici), une plongée « dans une forme de roman initiatique empruntant autant à la mystique et la philosophie qu’à la body horror ou aux quêtes d’identité de genre et d’émancipation » pour Teddy Lonjean dans Un dernier livre avant la fin du monde (à lire ici) : « Jusque dans la terre » est tout cela, et pas mal d’autres choses encore, et ce n’est pas le moindre de ses mérites que d’offrir ainsi une étrangeté radicale et pourtant dégustable et interprétable.



Il faut peut-être que je remonte aux chamanes clochards à faces multiples, créés par Scott Baker dans sa fabuleuse nouvelle « Variqueux sont les ténias » de 1989 (reprise en recueil dans « Nouvelle recette pour canard au sang », dont on espère toujours autant une réédition française, un jour), pour me souvenir d’avoir éprouvé un tel frisson à la fois physique et intellectuel, lorsqu’il se passe quelque chose de radicalement différent au niveau de la perception du corps, de son rapport à la nature et à l’environnement apparent, et de ce que cela signifie potentiellement en termes de vivre-ensemble et de politique. Bien sûr, le travail indiciel d’un Carlo Ginzburg autour des pratiques de sorcellerie, de mise à l’écart, de ritualisation et de retournement punitif au Moyen-Âge et à la Renaissance (telles qu’il les analyse notamment dans son « Sabbat des sorcières » de 1989) ne sont pas si loin d’ici, mais Sue Rainsford les propulse au cœur d’un fort impressionnant concassage charnel, osseux et lymphatique, dans la boue et dans l’humus, et dans une fabuleuse confusion des sentiments et du désir. Un grand roman, monstrueusement surprenant, indéniablement.


Lien : https://charybde2.wordpress...
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Jusque dans la terre

J'aime ces ambiances lourdes et poisseuse où le sang se mêle à la terre !



Jusque dans la terre est un roman étrange et touchant qui nous entraîne au cœur des émotions de êtres humains et qui nous bouscule.

C'est avant tout le récit d'une femme qui veut s'émanciper de son père mais aussi de ce que la société attend d'elle.

On finit par ce demander qui sont les monstres dans cette histoire. Ada et son père, ces être non-humains, ou les gens du villages, qui sont peut être trop humain ?



La plume de Sue Rainsford nous laisse avec un tas de questions qui pourraient nous ronger le cœur si on ne faisait pas attention !
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Jusque dans la terre

Premier roman de Sue Rainsford aussi bizarre qu’étrange, ce qui n’est pas pour me déplaire.

À mi-chemin entre le réalisme magique, le merveilleux et le folk & body horror, ce roman ne peut laisser indifférent. Il faut accepter de se laisser embarquer dans ce conte monstrueux d’un nouveau genre pour complètement apprécier le récit.



Ici, on suit Ada et son père, des marginaux car considérés comme sorciers. Dans le village à la chaleur étouffante et à l’ambiance moite dans lequel ils vivent, Ada et son père soignent les habitants - les « cures » comme ils les appellent - avec des méthodes bien à eux : en ouvrant les corps des souffrants pour ôter leurs maux avec leurs mains et en les enterrant parfois dans leur jardin, une petite parcelle de terrain dont la terre peut « réparer ». Après tout, ce duo original vient de la terre (littéralement !)…



Roman envoûtant et fascinant, conte horrifique et poétique, « Jusque dans la terre » raconte la passion amoureuse et le désir d’émancipation sur fond de brutalité animale et de métaphores organiques et végétales.

Déroutant, ensorcelant, mais carton plein pour moi !

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Jusque dans la terre

Dans un monde étrange et menaçant, Ada et son père dispensent des soins par le chant. Ils ouvrent les corps des « cures », les personnes qui viennent les consulter, pour soigner les organes touchés. Ils les enterrent pour les guérir, dans une approche intuitive et viscérale. Les deux personnages vivent repliés sur eux-mêmes, la fille totalement inféodée au père et le mystère est entretenu sur leurs origines et leurs motivations. Leur équilibre bascule le jour où Ada rencontre l'énigmatique Samson dont elle tombe amoureuse. Des tensions naissent alors entre le père, la fille et la sœur du jeune homme… L'adolescente a du mal à gérer le conflit de loyauté entre son héritage vénéneux et l'élan destructeur de sa relation qui l'éloigne de tout ce qu'elle a connu.

L'ambiance du roman est âpre et les décors marqués par les marécages, la terre, l'air pesant, sans parler des non-dits et des mystères qui règnent partout. La thématique centrale du roman est sans doute le corps : celui des personnages qui se métamorphosent à l'occasion, celui vicié « des cures » mais aussi le corps qui change, grandit, vieillit, se modelant et s'usant. L'autrice parle également du passage à l'âge adulte, de la difficulté à devenir femme et mais aussi de subir sa condition dans son rapport aux autres, aux hommes, au patriarcat.

Sue RAINSFORD livre ici un texte puissant dont l'atmosphère magique transporte le lecteur dans un ailleurs imaginaire et inquiétant. La forme du texte permet de recueillir le récit d'Ada et le témoignage de différents patients traités. La tension est distillée tout au long et annonce l'issue, forcément dramatique.

Découvert dans le cadre du Lilojury 2022, ce récit étonnant sur fond de chamanisme ne m'a guère emballé. La terre menaçante, la sorcellerie, les monstres et l'émancipation forcée de l'héroïne m'ont vraiment dérouté.
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Jusque dans la terre

Meh.



J'attendais du bizarre, voire de l'horrifique. J'ai lu du plat.



Il ne se passe pas grand-chose. Le surnaturel est à peine effleuré avec un focus sur la seule partie du récit qui m'a mise mal à l'aise et qui est tristement réaliste.



Et la façon dont l'horreur réaliste est contée m'a semblé minimiser les actions, qui ne sont jamais nommées clairement.



Et le livre est si court ! Pourquoi passer tant de mots à ne rien dire ?



Bref. On a une protagoniste/narratrice qui se fait chier dans sa vie de créature surnaturelle, je crois, c'est pas clair. Et elle ne s'attarde que sur son ennui, du coup je me suis ennuyée aussi et un peu énervée à voir du coin de l’œil quelque chose d’intéressant dans lequel on ne se plonge jamais.



L'écriture est bonne, en revanche. Je tenterais peut-être autre chose de cette autrice.
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Jusque dans la terre

Pour poursuivre ma plongée en sorcellerie, j'ai choisi d'orienter ma chronique de ce roman en adoptant ce point de vue, alors même qu'il ne s'agit pas d'un livre de sorcière.

Dans un contexte de littérature fantastique, il s'agit davantage de suivre l’évolution d’une créature féminine aux prises avec son entourage et sa nature même. Ada est une creature composée de terre, de graines et de branchages , créée par son père qui avait besoin d'aide pour ses tâches de guérisseur.

Sue Rainsford a déclaré avoir beaucoup lu Simone de Beauvoir. On peut imaginer qu'elle a souhaiter créer une une femme qui n'est pas née femme mais a choisi de le devenir. En effet, si son père lui a assigné un genre en lui donnant un prénom féminin, elle n'est pas censée éprouver des sentiments ou des désirs humains. Et un obstacle, physiologique celui-là, l'empêche d'expérimenter sa féminité dans son corps.

" La première fois que j’ai voulu coucher avec un garçon, je ne savais pas du tout ce que je faisais. J’étais par terre, il s’est allongé sur moi et je l’ai serré très fort dans mes bras. Il a voulu la mettre en moi, mais il n’y avait nulle part où aller, il a eu peur et il m’a mordue. (...). Mais je ressentais une sorte de manque languissant – ce que les cures appellent, je le sais maintenant, le désir, ou la lubricité.

Enfin, je me suis créé une ouverture, à laquelle j’ai ensuite donné une bonne douzaine de noms différents, et j’ai pu accueillir Samson en moi. Il fallait pour cela que le désir soit assez fort, et quand ç’a été le cas, il est apparu ".



Ada crée elle-même son corps de femme, non seulement en ouvrant une fente dans sa chair mais en la nommant de différentes manières pour l'ancrer dans une réalité concrète. C'est par son désir et par sa détermination qu'elle valide une identité qui n'était que surface.

Cette opération de magie, conforme à la réputation de magicienne - guérisseuse - sorcière d'Ada, augmentée par une sensualité affirmée et par une sexualité toute neuve, a pour conséquence de la faire basculer dans la catégorie sorcière.

" Personne n’était au courant, pour Samson et moi. Nous avions tous les deux été très prudents, parce que nous savions que notre relation pourrait fâcher certaines cures.

Il y en avait qui voudraient me faire monter sur un bûcher, si elles venaient à l’apprendre. Il y en avait qui seraient jalouses, qui affirmeraient que je lui avais forcément donné un philtre pour l’obliger à coucher avec moi – ou que je lui offrais une forme de guérison plus puissante, plus efficace."



Sue Rainsford habille ses femmes de métaphores. Elle parle de la construction d'une identité de femme, du corps, de la chair, du désir et du sexe. Mais aussi, lorsqu'elle ouvre les corps des femmes-cures, de subir le fait d’être une femme dans la grossesse ou dans la ménopause. Le corps des femmes suit un cycle de vie naturel, avec des fluides, des sécrétions et une maturation qui ne devraient pas être connotés négativement.

En toute connaissance de cause, Ada choisit d'être une sorcière, de vivre son désir sans complexes, même si elle doit pour cela commettre l'irréparable.





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Jusque dans la terre

Peut-être que de loin, cela fait un peu penser au film Les Crimes du futur de Cronenberg, parce que dans ce roman aussi, on ouvre les corps pour retirer leur souffrance et leur maladie… Mais tandis que Cronenberg fait du Body Art extrême en retirant des tumeurs pour épater les riches blasés lors de séance de Performance artistique, Ada et son père soignent toute sorte de maladies par simple philanthropie, et pour cela ils ont également besoin d'une Terre bien spéciale, qui se trouve dans leur jardin. Car pour soigner les malades (ils les appellent les cures), pour soigner les cures, il faut les enterrer dans cette Terre et chanter des chansons… Si père est un être altruiste, nous ne sommes pas certains des motivations de Ada, parfois sous l'emprise de ses passions de jeune fille…



***



Mon avis sur cette lecture est plutôt mitigé.

Le personnage d'Ada, si différent dans sa conception, ressemble en fait, à beaucoup de jeunes filles passionnées du commun des mortels. Enfin, ce n'est que mon opinion. Oui elle n'a pas choisi d'être façonnée, oui elle n'a pas choisi cette enveloppe corporelle si étrange, oui elle n'a pas choisi ce travail, oui elle n'a pas choisi sa vie où on doit ouvrir des corps avant de les enterrer dans le jardin et son « don » qui doit servir la cause de l'humanité, est un obstacle pour joindre le beau ténébreux du coin…



Néanmoins, l'idée et l'originalité du roman, la belle écriture, lui octroient le droit de figurer dans les romans à découvrir.

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Jusque dans la terre

Un roman terreux, EXTRÊMEMENT étrange et original. Je suis sorti de là déboussolé, pas sûr d'avoir tout compris (ou bien interprété), mais au moins surpris. Peut-être un peu trop barré pour moi au moment où je l'ai lu, c'est néanmoins un livre à découvrir pour ne serait-ce que s'en faire une interprétation personnelle.
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Jusque dans la terre

Dans ce récit, Sue Rainsford a su dès les premières pages attirer mon attention jusqu'à sa dernière page. Ce court roman dérange avec ces guérissons si particulières, questionne sur le rapport aux autres et sur l'amour. Une très belle découverte littéraire.
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Jusque dans la terre

Comment se construire et s’affirmer quand l’on vit dans l’ombre de son père ? Et plus largement dans l’ombre des hommes ? Cela pourrait résumer le roman de Sue Rainsford. Et cela serait en soit déjà la promesse d’un bon roman. Mais si je vous disais que cela se déroule vraisemblablement dans une zone marécageuse en Irlande, ou dans n’importe quel autre pays anglo-saxon possédant des zones marécageuses, et que l’époque est contemporaine mais incertaine ? Et si en plus de cela, je vous disais que le père et sa fille soigne les gens d’une manière plutôt singulière ?



Tout de suite, nous brisons un certain nombre de frontières, et le roman devient intrigant à plus d’un titre ? Et vous auriez raison !



Les éditions Aux Forges De Vulcain nous font découvrir l’autrice irlandaise, Sue Rainsford, avec son roman « Jusque dans la terre ». Pour nous l’occasion de plonger dans une forme de roman initiatique empruntant autant à la mystique, la philosophie, qu’au “Body Horror” ou encore aux quêtes d’identité de genre et d’émancipation.



Nous découvrons et suivons Ada, dans son quotidien, soigneuse, vivant quasiment recluse avec son père, lui aussi soigneur. Leurs journées sont rythmées par la visite des « Cures », comprendre ici les personnes atteintes d’affliction ou de maladie. Cette routine est également ponctuée par le fait qu’Ada puisse voler le chant des oiseaux, quant à son père, certaines nuits, puisse se changer en ours et parte chasser. Tout se déroulait ainsi depuis un certain temps, jusqu’à ce que la jeune Ada fasse la rencontre de Samson, un jeune homme intrigant, assez énigmatique et séduisant. Ce qui mènera à des tensions entre le père et sa fille, mais aussi avec la sœur de Samson, et un changement de vie pour Ada, que les témoignages des différentes « Cures » nous laisse entendre.



« Les étés, par ici, sont faits de longues herbes négligées, d’une uniforme lumière citron, de chaleur qui cuit la terre et qui fait vibrer l’air. Les ombres sont si noires, si profondes qu’elles semblent aussi solides, aussi vivantes que les corps qui les projettent.

Par ici, l’été, même les matins, quand je me lève, je laisse la chaude confusion de mes draps pour aller dehors, sur les pavés de la cour, et j’examine la grille de la bouche d’évacuation.

Entaille, petit trou, petit ravin.

Même par ce temps, une moiteur secrète y scintille.

Moi, elle me fait peur.

Cette canalisation. »



L’incipit de « Jusque dans la Terre » donne le ton, celui de l’ambiguïté, celui du rapport au corps, à la terre, à la physicalité des choses. Dans sa construction, nous ressentons les tensions, sentons l’air pesant, l’odeur de la terre humide, celle de la chair usée et du cuir tanné. Avec cette constante réflexion en point d’orgue : et moi, que suis-je dans ce vaste monde ?



Car Ada symbolise à elle seule bien des mondes : le regard du lecteur qui parcourt son histoire, le regard de l’humain fasse au fait de devoir déterminer son genre, le fait de devoir chercher sa place dans ce monde, le poids de l’héritage, l’abandon des espoirs ou encore le déterminisme social comme potentiel couperet à nos espoirs. Et le roman s’accroche fidèlement au corps d’Ada, comme une seconde peau du personnage. Car ici, il est question du corps, du corps changeant, grandissant, se modelant et s’usant. Ici, l’autrice parle du passage à l’âge adulte, de devenir femme et mais aussi de subir le fait d’être femme dans son rapport aux autres, aux hommes, au patriarcat.



Mais au-delà, et surtout dans sa forme, l’autrice nous plonge dans une forme de réalisme magique. Un monde rempli d’ambiguïté dans son rapport à lui-même. Ici, la frontière est ténue entre la réalité que nous connaissons et ce que nous pourrions appeler une symbolique chamanique. Comme dit plus haut, Ada et son père sont soigneurs, mais pas comme vous l’entendez. Ils soignent par le chant, ouvrent les corps pour soigner les organes touchés, enterrent les corps pour les guérir, le tout dans une approche très intuitive et viscérale. Ce tout donnant une ambiance, une couleur et un univers dense et d’une incroyable cohérence. Ce réalisme magique entre en écho avec le parcours d’Ada, les deux parts se répondant dans une transe souvent poétique et épurée, en recentrant la narration sur un immédiat à vif et brillant par son questionnement et sa pudeur.



« Les semaines qui ont suivi, un animal me suivait partout.

Toujours tout près de moi, à quelques pas, à ma gauche ou à ma droite.

Un animal avec quatre pattes, une courte queue et une bouche comme une plaie ouverte. Je me disais que ce n’était qu’une chimère produite par un cœur brisé, mais quand je le regardais, je le voyais, gros, clair, vivant.

Mourant d’envie de plonger son museau dans mes entrailles ouvertes.

Il voulait me manger le cœur, et parfois, j’aurais voulu le laisser faire. »



Ce livre est une claque comme trop rarement nous en lisons. Un texte offrant toute sa tension aux mots, au sens de la phrase, se construisant comme une spirale dansante, gagnant en vitesse, s’aiguisant, puis devenant tranchante. C’est viscéral, profondément tellurique, rêveur, insouciant et grave à la fois. Une folie que l’on pourrait classer quelque part entre les nouvelles d’Ariadna Castellarnau et « Les sœurs Blackwater » d’Alyson Hagy. Mais ce serait trop facile, il faudrait y ajouter la magie d’un Neil Gaiman (pensez aux femmes Hempstock dans l’Océan au bout du chemin.) et ajoutez-y un, je ne sais quoi qui relève du grandiose de l’intime. Bref, un texte puissant écrit par Sue Rainsford magnifiquement traduit par Francis Guévremont et publié par les talentueuses Forges de Vulcain.
Lien : https://www.undernierlivre.n..
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Jusque dans la terre

📖 RENTRÉE LITTÉRAIRE 📖

JUSQUE DANS LA TERRE de SUE RAINSFORD publié aux éditions @auxforgesdevulcain

est un chef d'œuvre merveilleux et horrifique de cette rentrée littéraire. C'est mon coup de cœur

Dès les premières scènes du récit de Ada, la jeune héroïne, nous pénétrons dans une fresque, à renfort de plans cinématographiques d'une esthétique sombre et terreuse.

Jusque dans la Terre est l'histoire de Ada et son père, guérisseurs de leurs cures, à la fois craints et réputés dans la région. Mais Ada tombe amoureuse de Samson, contre l'avis de son père et du village.

Le récit, dans la plus grande veine des auteurs irlandais, est une histoire de sorcières, de pouvoirs merveilleux et de sombres créatures qui vous entraîne haletant à la suite de Ada dans un récit tourbeux, fait de cette terre si chère aux Irlandais, vallonnée de lacs et gorgée de mystères.

Avec JUSQUE DANS LA TERRE Sue m'a émerveillée, emportée, conquise littéralement grâce à la magnifique traduction de Francis Guévremont.

Un roman monumental aux allures de Frankenstein
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