Dialogue entre l'autrice Fabienne Swiatly et son éditeur Bruno Doucey, lors du festival Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée, autour du recueil "Elles sont au service".
Rencontre animéé par Sylvestre Clancier.
Réalisation : © Thibault Grasset.
pasticheur de Queneau
tu vas à Saint Lazare
ligne des banlieusards;
toi rêveur ordinaire
fais un pas de côté
dans forcer ton talent
dans l'ombre où se résout
le style à force d'exercices,
prend tes jambes à ton cou;
cours, prend ton élan
et traverse la gare
comme on traverse un square,
ton destin est dehors
tu dois rêver, marcher
et ne pas faire le mort;
Rendus à l’infini de ta langue
Rendus à l’infini de ta langue
Ces mots qui sont très proches
A l’oreille éblouie
Ils te mènent à l’ailleurs
Où sans voix
Tu les verras blottis
Attendant que tes pas
Aient retrouvé les leurs
Tu interroges le ciel
Où ils respirent la nuit
Un autre rêve a pris forme
semblable à cette écriture
qu'enfant tu apprenais
avec ses pleins et ses déliés
pour gagner le sourire
de te grand-mère confiante
en ton destin futur.
Reprends le livre
et fais silence.
Tes poèmes auront alors la force
et leur chant le pouvoir
de rappeler l'âme furtive
de tes chers disparus.
Me suis réveillée
extrait 1
Je me suis réveillée un matin
après un rêve d’une violence extrême.
J’ai écrit ceci,
n’ayant ni été violée ni violentée.
Me suis réveillée corps brûlé
Dévêtue de ma peau
Main carnassière
Gouttes de nuit acides
Les chattes ne sortent pas
Me suis réveillée bouche fracassée
Cœur détalant trop battu
Jambes désemparées
Boueuses boiteuses
Sottes ! Fuyez ! Fuyez !
Me suis réveillée à genoux dans mon lit
Il n’y avait personne
Tous étaient là
Par la fenêtre l’oubli riait
Tu ne vivras pas sans peur
…
// Ananda Devi (23/03/1957 -)
Poèmes d'Enfance
À Hélène Dorion.
Une étrangère poète s'est alors avancée
elle avait lu Ronsard, Verlaine et Mallarmé
et sous l'arche du temps elle avait voyagé
longtemps au cœur de l'être.
Elle revenait de loin
son visage appuyé contre le monde
de la vie elle avait éprouvé les fragiles passages
le vent le désordre et l'oubli.
Belle empreinte de bleu
elle saluait les pierres invisibles
sur les murs de la grotte.
Avec elle soudain tout devenait sans bord
sans bout du monde
tu pouvais ouvrir les fenêtres du temps
et tu l'accompagnais
ré enchanter les lieux.
Que l'instant de beauté, de bonheur et d'amour
ne se dissipe point :
Verweile Augenblick, du bist so schön !
p.122-123
Observation
Celle qui allaite
dans l'espoir d'attendrir
attire l’œil.
Pour qu'à son habitude
la fille du mas
attache son fils
elle fait bouger sa tête
sur le bol du sein
encore dilaté par l'envie.
Un cri dans son corsage éveil de l'enfant
bonheur secret
qui épouse le temps.
Me suis réveillée
extrait 3
Me suis réveillée lovée en transparence
Aucun tissu étoffe soie
Livre tout de toi
Pas le droit
Ultime secret de ton ventre
Me suis réveillée agonie
Vécue et crainte
Ca n’arrive
Pas qu’aux autres
Au détour d’une rue griffée de pluie
Un soir d’équinoxe
Me suis réveillée dans les essieux
Métro trop bondé
Facile, si facile
D’abolir la distance
Toucher ce qui n’est pas soi
Formes courbes dissimulées
Audace des possédants
Des conquérants
Des triomphants
…
// Ananda Devi (23/03/1957 -)
Le jour
apaise
l'oiseau
Sur la branche
l'esprit de
lumière
caresse les plumes
et ouvre
le chant
Et toi
comment uses-tu
de ton temps?
Qu'écris-tu
pour honorer
la vie?
Le monde est un Hopper qui aurait mal tourné
I
à quoi bon écrire si
écrire c’est proférer
de jolis mensonges
enrubannés d’un fil de soie dans
une chambre repeinte en blanc
à quoi bon vivre
tout à l’heure
dans les wagons du métro
un impalpable bruissement
d’oiseaux volait
vers leur mort
impression de fin du monde
les gens pressés
ce matin
leur inquiétude a
la nudité
de l’arbre
pleurant ses feuilles
les rires des enfants ont cessé
de les atteindre
ma ville
choisie autrefois
pour sa gaieté
ma ville
peu à peu désertée
me devient lentement étrangère
une décalcomanie
veule et triste
surgit au lieu
de son ancienne splendeur
p.212/213
// Brigitte Gyr France Suisse (1945 -)