Citations de Tamsyn Muir (51)
— Viens ici que je te repeigne les yeux en noir, viens ici que
je te réduise en poussière, croassa une nouvelle fois le vieillard en s’avançant vers elle. De plus, notre lady veut te voir.
À ces mots, Gideon sentit une soudaine démangeaison dans
ses paumes. Elle leva les yeux vers l’épouvantail dressé devant
elle, et il lui rendit son regard, un regard hideux de cyclope
maléfique. Son armure ancestrale lui pourrissait dessus, la
peau tirée et livide de son crâne menaçait de craquer à tout
moment, mais on aurait dit que ça lui était complètement
égal. Alors même qu’il n’y avait pas une once de nécromancie en lui, Gideon soupçonnait qu’une fois mort, il continuerait à exister, par pure méchanceté.
— Vous pouvez me repeindre les yeux en noir et me réduire
en poussière, dit-elle lentement, mais que votre lady aille rôtir
en enfer
— Tout doux, maréchal, lui intima Gideon, aux prises avec
la poussière. Si vous continuez comme ça, vous risquez d’y
prendre du plaisir.
— Tu es bien insolente, pour un objet, rétorqua le maréchal.
Tu es bien bavarde pour une dette. Je te hais, mais tu fais partie de mon inventaire. Tes poumons sont inscrits au registre
de la Neuvième Maison. La bile que tu produis appartient à
la Neuvième. La vieille éponge ratatinée qui te tient lieu de
cerveau aussi. Viens ici que je te repeigne les yeux en noir,
viens ici que je te réduise en poussière.
Gideon, préférant garder ses distances, recula encore un peu.
— Crux, quand on profère une menace, on dit : Viens ici,
ou…
— Viens ici que je te repeigne les yeux en noir, viens ici que
je te réduise en poussière, croassa une nouvelle fois le vieillard en s’avançant vers elle. De plus, notre lady veut te voir.
« Regain d’activité aux niveaux inférieurs. La lumière donnait à présent une certaine visibilité. Les Neuvièmes allaient sortir de leurs cellules après leur recueillement matinal et rejoindre les autres pour l’oraison commune, tandis que les serviteurs du château de Drearburh se lanceraient dans les préparatifs de cette nouvelle journée. Un certain nombre de rites aussi solennels qu’ineptes allaient s’accomplir jusque dans les moindres recoins de la Maison. Gideon jeta son sachet de porridge vide par-dessus la rambarde et s’assit, son épée sur les genoux, qu’elle se mit à astiquer avec un bout de chiffon : plus que quarante minutes avant le départ. Soudain, l’immuable monotonie d’une matinée typique de la Neuvième fut rompue. La Première Cloche se remit à sonner : BLA-BLANG… BLA-BLANG… BLA-BLANG… Gideon tendit l’oreille, constatant que ses mains s’étaient figées sur son épée. La cloche sonna vingt fois, puis se tut. Tiens, tiens. Rassemblement. Un instant après, nouveau clappement des squelettes ayant docilement lâché pioches et binettes pour répondre à l’appel. »
« Le terrain offrait une vue dégagée sur un fragment du ciel de la Neuvième Maison, qui était blanc et épais comme une soupe aux endroits où on avait injecté le plus d’atmosphère, léger et bleu marine ailleurs. Dominicus clignait de son éclat bienveillant au-dessus du profond tunnel vertical. Dans l’obscurité, Gideon parcourut lentement le périmètre du champ, pressant ses mains contre la roche froide et glissante des parois. Une fois ce premier tour accompli, elle passa un long moment à aplatir le moindre monticule de terre et shooter dans le moindre caillou jonchant le sol abîmé de la piste. Elle enfonça à plusieurs reprises la pointe d’acier usée de sa botte dans la terre tassée, ne s’arrêtant qu’une fois convaincue de l’improbabilité qu’on ait pu y creuser. Pas un centimètre carré du vaste espace n’échappa à son examen, et lorsque les projecteurs reliés au groupe électrogène s’allumèrent dans un grésillement excédé, elle s’assura de visu qu’elle n’avait rien oublié. Puis elle escalada l’armature grillagée des projecteurs, qu’elle examina à leur tour, aveuglée par la luminosité, vérifiant à tâtons l’arrière de leur cadre de métal, sombrement satisfaite de ne rien y trouver »
Tout le monde peut apprendre à se battre. Mais personne ou presque n'apprend à penser.
- Gardien a fait une simulation. Lui et moi… nous aurions pu accomplir l’épreuve, mais… non sans risques.
- Quel genre de risques ?
- Pour moi, des lésions cérébrales irréversibles, s’il n’y arrivait pas du premier coup.
- Mais je vais bien.
- Je n’ai jamais dit que ton cerveau était intact, répliqua Camilla.
- On va dire que je trouve la blague très spirituelle et je souhaite indiquer que j’ai ri, dit Gideon.
Deux pour la Discipline, malgré les coups du sort,
Trois pour l’Éclat de l’or, ou celui d’un sourire,
Quatre pour la Loyauté, tournée vers l’avenir,
Cinq pour la Tradition, les dettes envers les morts,
Six pour la Vérité, sans mots consolateurs,
Sept est pour la Beauté qui éclot et qui meurt,
Huit est pour le Salut, et quel qu’en soit le prix,
Neuf est pour le Tombeau, et ce qui fut détruit.
En l’an Myriade de notre Seigneur, la dix millième année du Roi Immortelle, le bienveillant Prince de la Mort, Gideon Nav prit son épée, ses bottes et ses magazines pornos et s’évada de la Neuvième Maison.
– Afin que personne ne se rende compte qu’on est complètement fauchées, au bord de l’extinction et que tes parents se sont foutus en l’air.
– Afin que personne ne profite du fait que nous ne disposons pas de ressources conventionnelles, corrigea Harrow, dont le regard la foudroya sans sommation. Afin que personne ne se rende compte que la Maison est menacée. Afin que personne ne se rende compte que… mes parents ne sont plus en mesure de défendre ses intérêts.
Gideon avait laissé une note sur l’oreiller quasiment inutilisé d’Harrowhark :
C’est quoi cette fête des squelettes ?
et avait obtenu une réponse laconique :
Ambiance.
Et bien l’ambiance faisait que même Magnus le Cinquième hésitait désormais à dire son bonjour, alors l’ambiance pouvait aller se faire foutre.
EN L’AN MYRIADE DE NOTRE SEIGNEUR, la dix millième année du Roi Immortel, le bienveillant Prince de la Mort, Gideon Nav prit son épée, ses bottes et ses magazines pornos et s’évada de la Neuvième Maison.