Théo Lemattre

Notre relation n’est pas seulement sexuelle, même si c’est comme cela que nous l’avons plus ou moins définie. Exclusive, mais sexuelle. Rien de plus. C’est ambitieux de penser que cela ne mènera nulle part, mais lui et moi préférons ne pas y penser. Je ne dois pas m’attacher, lui non plus.

Nous avons pour règle de ne pas tomber amoureux l’un de l’autre et je comprends pourquoi. Il mène une vie dangereuse avec un enfant qui représente absolument tout pour lui. Il n’y a de place pour personne dans son existence à l’équilibre précaire. J’ai quand même envie de tenter le coup. Je ne suis pas ici pour rien. Je sais que je peux l’aider autant qu’il peut me porter secours aussi.

Je suis impuissant face à ses larmes. Complètement impuissant. Je n’ai pas envie de lui mentir davantage, mais je ne suis pas sûr qu’il pourrait encaisser la nouvelle. Ce qu’il a entendu, je pourrais facilement le contredire. Je pourrais tenter de lui retourner le cerveau en le lui bourrant de bêtises, mais je crois que ce n’est pas la bonne solution. Je dois me montrer honnête, avec lui.

Tout ce qu’il veut, c’est connaître sa mère. Je lui ai dit que tu travaillais. Que tu reviendrais un jour. Tu ne peux pas faire l’effort de venir au moins une fois ? Mange une glace avec lui, je ne sais pas… fais un tour. Vois quel garçon formidable il est devenu !

Le simple fait d’entendre sa voix me donne envie de donner des coups de poing dans les murs. Je la déteste autant que j’aime Tyler. J’aimerais qu’elle le prenne un peu en considération. Mais elle s’en fiche. Complètement.

Il est comme un animal blessé qu’on s’apprête à abattre. Il a la même rage dans les yeux. Il aimerait briser ces chaînes et m’étrangler avec les menottes. Je peux le voir dans son regard.

Je crois que nous faisons l’amour comme nous frappons à la boxe : avec brutalité et passion.
Nos bouches ne se lâchent pas une seconde et, dans un concert de râles crépitants, nous jouissons et restons là, un moment, dans les bras l’un de l’autre, contre ce ring de boxe, à évaluer la gravité de la connerie que nous venons de commettre.

J’ai l’impression que ses mains me brûlent la peau. Elles m’électrisent complètement. Je suis à sa merci, je me délecte de le sentir me déshabiller presque complètement et glisser sa main droite dans ma culotte. Je prends une grande inspiration et apprécie l’instant, tandis qu’au fond de mon ventre se forme une boule de chaleur, brûlante comme de la lave en fusion.

Je me languis de l’extase que me procurent ses mains. J’en veux plus. Je voudrais retirer son short et voir à quel point il est excité. Je peux sentir son érection contre ma cuisse tandis qu’il dévore chaque partie de mon corps avec une sensualité sans pareille. Il y a mille manières de dire les choses sans parler et Adrian est, pour cela, un virtuose. Il m’effeuille doucement, en prenant tout son temps pour faire les choses correctement.

Il voudrait pouvoir se reposer sur quelqu’un, tout comme moi. Nous pourrions devenir la béquille l’un de l’autre.

Je le porterai moi-même pour que toute sa vie soit une réussite. Je ne laisserai jamais rien lui arriver. Il est tout ce que j’aime, dans ce monde. Il est aussi bien mon passé que mon futur et, même si un jour tout le monde lui tourne le dos, il aura toujours un père qui veillera sur lui.

Il est trop grand pour continuer à gober ces mensonges que je lui raconte à longueur de journée à propos de mon « travail ».

Je n’ai pas eu le cœur à lui dire que sa mère ne voulait pas de lui et qu’elle aurait préféré qu’il n’existe pas. Alors, je lui ai dit qu’elle était partie en voyage. Un très long voyage. Je crois que l’avis de recherche qui a été déposé à mon sujet était davantage pour me mettre des bâtons dans les roues que pour réellement retrouver Tyler. Elle se fiche pas mal de lui. C’est ce qu’elle a toujours avancé. J’espère qu’elle est heureuse, maintenant, de pouvoir aller à la fac et vivre sa vie comme elle le voulait.

Quand on était petites, tu me disais de ne pas pleurer. Qu’on pouvait soigner les oiseaux blessés. Je crois que tu avais tort, finalement. Les animaux blessés sont les plus dangereux.

La justice ne fera jamais rien. Jamais. Ils ont trop peur de se mouiller en se compromettant avec un type aussi important que lui. En quelques années, c’est devenu le baron de l’armement et de la coke en France, tu imagines ? L’avoir à portée de canon, ce serait… putain, ce serait jouissif.

Adrian aime bien qu’on le défie. Surtout moi. Je crois qu’il m’apprécie. Il n’y a qu’à voir la demi-bosse qui orne son entrejambe. S’il croit que je ne vois pas…

Chaque fois que je croise son regard, je suis certaine de voir un homme blessé et, d’un autre côté, la force que cela lui donne est plus résistante qu’un diamant. Si son corps est taillé dans le marbre, son esprit est taillé dans la détermination. Il a l’air bien plus intransigeant avec lui-même qu’avec les autres.

Peu importe ce qu’on fait. Ce qui compte, c’est que ça va te sauver la peau. Quelle que soit la façon dont tu te bats, le principal, c’est que tu sois prête à utiliser chaque partie de ton corps pour gagner.

Pour elle, tout a changé. Je l’admire. Chaque fois qu’elle parle, j’ai les yeux qui brillent. Je la trouve merveilleuse. Vinciane est belle comme le jour et lorsqu’elle ouvre la bouche, elle a cette voix délicate et assurée à la fois. Je pourrais la suivre jusqu’au bout du monde. Elle est ma grande sœur, celle qui m’a toujours protégée de tous les dangers. Pour ainsi dire, même quand nos parents sont là, c’est elle qui s’occupe de moi, à la maison. Eux n’en ont rien à faire, de nous.

Les émotions qui s’affrontent en moi sont terriblement contradictoires. Elles sont comme l’eau et l’huile : elles ne se mélangent pas. Elles se repoussent les unes les autres. Tantôt, la culpabilité prend le dessus. Tantôt, c’est l’appât du gain et l’adrénaline.