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Critiques de Timothy Egan (9)
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L'attrapeur d'ombres : La vie épique d'Edward..

"La terre est vivante.

Les montagnes parlent.

Les arbres chantent.

Les lacs peuvent penser.

Les cailloux possédent une âme.

Les pierres ont du pouvoir."

(Lance Deer, homme-médecine Lakota)



Il y a une très belle photo.

Elle est prise en 1904 dans le Montana, au territoire des Navajo. Toute dans des tonalités sépia, on y voit une montagne ressemblante à une termitière, qui monte vertigineusement vers le ciel; et au premier plan, sept minuscules silhouettes à cheval qui ne font que parfaire cette illusion de l'irréel.

Cela s'appelle "Canyon de Chelly", et l'auteur de cette merveille est Edward Sheriff Curtis.



J'ai découvert les photos de Curtis par hasard, en cherchant, il y a déjà quelques années, des idées pour des portraits sur Internet. On les remarque tout de suite parmi les centaines d'autres, non seulement pour leur facture ancienne, mais surtout parce que chaque portrait, chaque prise de vue, raconte une histoire...

Et cette "biographie pleine de grâce qui se lit comme un roman d'aventure" (c'est "Publishers Weekly", mais je ne saurais pas mieux dire) raconte la vie d' E. S. Curtis.



le sous-titre "La vie épique" ne pourrait pas être mieux choisi. Un self-made-man qui a commencé de rien pour établir un atelier photo très prospère à Seattle, Curtis aurait pu devenir riche... Mais le destin en voulait autrement.

C'est peut-être sa rencontre avec la "princesse Angelina", la dernière descendente de la tribu des Duwamish; peut-être sa participation en tant que photographe à l'expédition Harriman dans les territoires indiens...

Peut-être son âme d'artiste ou peut-être le fait de se rendre compte qu'il y a quelque chose partout dans ce immense pays qui est en train de disparaître à tout jamais à une vitesse vertigineuse - qui a donné un tout autre tournant à la vie de Curtis.

Une oeuvre monumentale commence à prendre forme dans sa tête - vingt volumes de "L'Indien d'Amérique de Nord", avec des photos, des textes décrivant le mode de vie, coutumes et cérémonies de chaque tribu; la retranscription du vocabulaire compris.

Ridicule !

Personne ne veut financer un tel projet. Curtis est un amateur en la matière, pas un ethnologue !

Mais Curtis sait que le travail doit être fait - les tribus commencent à être englouties par la "civilisation", leurs territoires se réduisent, et leurs coutumes sont interdites par les missionnaires chrétiens, et disparaissent.

C'est une véritable course contre la montre, qui dure trente ans. Curtis laisse son studio à sa famille pour commencer presque seul son entreprise folle.

Partir à la recherche des tribus (ou de ce qu'il en reste), gagner leur confiance, photographier, écrire, enregistrer, filmer - depuis la frontière du Mexique jusqu'à l'Alaska.

Son travail est salué à l'unanimité, mais il n'a presque aucun appui, car personne ne croit que son projet puisse aboutir un jour. Malgré le soutien du président Roosewelt et du milliardaire Morgan, il est bientôt fauché et faché avec ses proches.

Mais il continue. Comment fait-il ?



Le livre vous raconte tout ça et bien plus - les détails sur les tribus indiennes et leurs coutumes, les technologies extrêmement couteuses de la photogravure, les premières expériences avec la caméra... les moments exaltants et les moments d'abattement.

L'engagement pour une cause, d'abord latent, mais de plus en plus explicite et militant au fil des pages de ses écrits.



Curtis est un homme qui a beaucoup vu et beaucoup vécu; un incroyable artiste-aventurier. Pourquoi les hommes comme lui meurent toujours sans un sou et dans l'oubli, pour n'être appréciés que des années plus tard ?



Il ne reste plus qu'à saluer le travail de T. Egan, qui s'est lancé sur les traces de "L'Attrapeur d'Ombres" afin d'assembler cette belle biographie, agrémentée des photos les plus emblématiques. Une belle lecture !
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L'attrapeur d'ombres : La vie épique d'Edward..

J’ai eu la chance et le plaisir, adolescente, de pouvoir profiter le mardi soir des films que proposait Eddy Mitchell lors de sa « Dernière Séance » et je suppose qu'il en va de même pour nombre de membres de cette communauté.



J’aimais énormément les westerns bien que la façon de présenter les Indiens me mettait toujours mal à l’aise.



Bien plus tard, j’ai découvert les photographies d’Edward S. Curtis et je suis tombée quasiment amoureuse de certains clichés. Désormais les photos m'apparaissent sous un jour plus humain qu'artistique. J'imagine que c'est ce que souhaitait Edward S. Curtis.



Voici quelques semaines, grâce à Bobby the Rasta Lama, que je remercie vivement, j’ai eu connaissance du livre de Timothy Egan qui relate la vie de cet immense photographe et j’ai ressorti les différents livres que j’ai de lui.



Au-delà de la biographie, certes intéressante d’un homme qui a traversé la fin du 19ème siècle et la moitié du 20ème siècle et qui a vu son pays changer à la vitesse d’un cheval au galop, il y a également dans ce livre le parcours d’un homme jeune qui a inventé des techniques de photographies totalement inédites.



Il y a également la quête initiatique d’un jeune homme, puis d’un homme qui avance dans l’âge et qui s’est engagé dans un projet grandiose à la limite du raisonnable mais soutenu par des amis fidèles et sa famille.



Si au départ, son projet était plus motivé par l’argent, il a évolué vers des intentions plus ethnologiques, spirituelles et un réel désir de conserver « une trace d’avant l’arrivée des Blancs » empli d’un respect sincère et amical vis-à-vis des légitimes habitants du Continent Américain.



J’ai beaucoup apprécié le passage dans lequel Edward S. Curtis revient sur la bataille de Little Big Horn avec Custer pour en faire une relecture. Cela montre combien il était courageux et combien il se sentait impliqué par la cause des Indiens et voulait que justice soit rendue.



Edward S. Curtis évolue au fur et à mesure de ses rencontres, navigue entre des mondes différents, entre l’ hier et l’ aujourd’hui voire le demain.

Mais toujours il doit composer avec l’argent que lui rappelle ses contemporains et qui n’est pas le plus important dans la manière qu’il a choisi de vivre et dans la tâche qu’il s’est fixé d’accomplir.



C’est assurément une vie difficile qu’a connu cet homme mais riche de rencontres et de voyages.



Une vie hors du commun, des rencontres incroyables, des paysages magnifiques, un projet grandiose, des techniques photographiques innovantes, tout ceci porté par le style fluide et très vivant de Timothy Egan, la lecture de ce livre est un vrai régal.



Pour les lecteurs et lectrices qui souhaiteraient accéder aux photos libres de droit, j’ai trouvé un lien sur la bibliothèque du congrès américain. Plus de 1500 clichés sont disponibles.

Je vous souhaite de « marcher dans la beauté » comme le diraient les Navajos….



http://www.loc.gov/pictures/collection/ecur/

http://www.loc.gov/pictures/search/?st=grid&co=ecur



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L'attrapeur d'ombres : La vie épique d'Edward..

Peu de livres dans ma longue vie de lectrice assidue, m'ont laissé une impression aussi forte. Babelio trouve tout son sens pour moi lorsque cela arrive.

Comment ne pas partager l'émotion que m'a donné la lecture de la vie de cet homme hors normes ?

Thimothy Egan s'est lancé dans une croisade pour faire (re)découvrir la vie d'Edward S. Curtis.

Ce photographe américain du début du 20ème siècle s'est donné la tâche oh combien immense, à l'échelle d'un presque continent, de photographier, enregistrer, filmer (au fur et à mesure des évolutions technologiques) les derniers indiens d'Amérique.

Certaines tribus en 1905 ont pratiquement disparues, la situation d'autres, confinées sur des territoires qui n'étaient pas les leurs, sont au bord de la famine, leurs enfants leurs sont arrachés, leurs cultes (comme la danse du soleil ou celle des serpents) interdits alors que la liberté de culte est suivie partout et pour tous aux USA, leurs cheveux longs doivent être coupés, certains vêtements aussi sont interdits.

La politique d'éradication de "l'indien d'Amérique" bat son plein au début de ce siècle à l'évolution industrielle fulgurante.

Le temps est compté pour le photographe.

Il va sillonné l’Amérique des plaines, des lacs, des déserts et des montagnes du Nouveau-Mexique jusqu'à l'Alaska pour retrouver les quelques 80 tribus encore là, vivantes sur le sol Américain, sinon préservées.

Les Sioux, les Crows, les Cheyennes, les Hopis, les Yumas, les Papagos, les Kwakiutls, les pimas, les mojaves, les zunis, les acomas, lesShalishans sont quelques unes des tribus visitées par Curtis, il y fera de longs séjours, il y sera accepté quelques fois, ou simplement toléré, mais toujours il arrivera à photographier ces visages, ces rites, ces modes de vie, ces croyances qui disparaissent si vite.

Thimothy Egan nous retrace avec beaucoup d'humanité la vie, puis le combat d'un des rares sinon le seul homme de cette époque qui comprend que si ce travail n'est pas fait, l'humanité perdra une part importante d'elle-même.

L'ouvrage est parsemé de descriptions de quelques -unes des plus belles photos de Curtis.

Voici pour vous un lien qui vous permettra d'en voir quelques-unes

http://blog.grainedephotographe.com/the-north-american-indian-photographe-edward-curtis/

Les contemporains de Curtis ont été frappés par la beauté du travail et la profonde humanité rendu par les visages de ces hommes, femmes et enfants, dont on sent même près d'un siècle plus tard, la douleur d'un monde perdu à jamais, sourdre de leurs regards.

Il me semble important de finir, en vous précisant qu'en 1990, les Hopis ayant pu acheter le volume original qui leur était entièrement consacré (à plusieurs milliers de dollars) ont pu ainsi commencer à retrouver leurs racines perdues depuis plusieurs générations,(costumes, rites religieux, méthodes de chasse, art) au point même de retrouver leur langue,Curtis ayant glissé un glossaire complet en hopi/américain......
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L'attrapeur d'ombres : La vie épique d'Edward..

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Ma découverte du portfolio « Les Indiens d'Amérique du Nord » de Edward S. Curtis aux éditions Taschen m’a donné envie d’en apprendre plus sur ce photographe qui a consacré 30 ans de sa vie, parcouru l’équivalent de 125 fois les Etats-Unis pour rencontrer et photographier 80 tribus amérindiennes.



Avec ma critique du portfolio je publie donc celle de la biographie « L'attrapeur d'ombres : La vie épique d'Edward S. Curtis » de Timothy Egan.

A noter le roman « Au loin, quelques chevaux, deux plumes... » de Jean-Louis Milesi met en scène un Edward S. Curtis avant qu’il ne se lance dans son travail sur les tribus amérindiennes.

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Avec la biographie « L’attrapeur d’ombres », Timothy Egan nous éclaire sur la vie et le travail d'Edward S. Curtis, auteur de l’encyclopédie « Les Indiens d'Amérique du Nord ».



« La Grande Idée » de Curtis et qui l’aura obsédé durant trente années est de « photographier toutes les communautés indiennes intactes d’Amérique du Nord, saisir l’essence de leur vie avant qu’elle ne disparaisse ». Chaque chapitre du livre se concentre sur les étapes importantes de la genèse de l’encyclopédie. On y apprend de nombreuses choses sans que cela ne soit trop didactique, j’ai même trouvé le récit plutôt vivant et passionnant.



Il faut dire que la vie d'Edward S. Curtis est assez romanesque et faite de rencontres qui sortent de l’ordinaire : Princesse Angeline la fille du chef Sealth qui a donné son nom à la ville de Seattle, Geronimo, chef Joseph, le président Theodore Roosevelt, le banquier John Pierpont Morgan ou encore le cinéaste Cecil B. DeMille et le naturaliste John Muir.

Mais Timothy Egan met l’accent aussi sur des rencontres certes moins « prestigieuses » mais tout aussi déterminantes pour Curtis, celles de ses amis qui l’auront soutenu, épaulé et accompagné tout au long de son travail.



Il est tout aussi intéressant de voir l’évolution des sentiments de Curtis sur son projet. Si au départ, on sent que c’est le défi et le côté aventureux qui sont ses principaux moteurs, on le voit progressivement s’attacher de plus en plus à défendre la cause des amérindiens et à critiquer ouvertement l’assimilation forcée qui leur a été imposée.



C’est une véritable course contre la montre à laquelle est confrontée Edward S. Curtis. En ce début de XXème siècle, la population amérindienne a fortement chutée, victime des maladies, des guerres et des famines. La plupart des tribus ont dû quitter leurs terres ancestrales et s’installer dans des réserves. Elles sont en outre soumises à des lois qui leur interdit de pratiquer leurs cultes, de parler leur langue. Les jeunes sont envoyés dans des pensionnats dans lesquels l’objectif était de « Tuer l’indien pour sauver l’homme ».

Le chapitre consacré à Alexander Upshaw, un ancien élève de pensionnats et qui deviendra par la suite l’ami intime de Curtis est touchant. Il dresse le portrait d’un homme perdu entre deux cultures, « parfaitement éduqué et résolument non civilisé » comme le dira Curtis.



Ce projet d’encyclopédie est aussi une épreuve longue et difficile pour Curtis. Toujours à la recherche de financements pour avancer dans ses travaux, il a multiplié les projets annexes pour trouver les fonds nécessaires et a souvent frôlé la faillite. Chaque volume nécessitait en outre de longs mois loin de chez lui et de sa famille. Le récit met bien en avant sa volonté, sa détermination à toute épreuve, mais aussi les sacrifices personnels qu’il a faits pour finaliser au bout de 30 ans son œuvre.



Une biographie intéressante et très complète d’Edward S. Curtis. J’ai beaucoup apprécié de pouvoir feuilleter en parallèle de ma lecture le portfolio des éditions Taschen dans lequel on retrouve l’ensemble des photos de l’encyclopédie.
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L'attrapeur d'ombres : La vie épique d'Edward..

La biographie de Timothy Egan, journaliste au New York Times, consacrée à Edward Sheriff Curtis (1868-1952), célèbre photographe des Amérindiens, a le mérite d’amener à la lumière d’aujourd’hui une œuvre exceptionnelle consacrée aux multiples ethnies aborigènes de l’Amérique du Nord dont l’Alaska (40 000 clichés pris, 10 000 chants enregistrés, 20 volumes rédigés après avoir traversé le continent au moins 125 fois en 30 ans, visité 80 tribus, etc.). Titrée, chapitrée, illustrée, la biographie suit la chronologie de Curtis à partir de 1896, date de la photographie du dernier enfant du chef Seattle, Princesse Angeline, clocharde édentée et presque aveugle survivant dans un bidonville où les habitants du quartier déversent leurs ordures. Autrefois terre paradisiaque, l’endroit est devenu un cloaque. Angeline va bientôt mourir et toute une civilisation s’éteindre avec elle. Curtis le sent et le sait. Il lui donne un dollar et la fait poser dans son studio. « Curtis éclaire suffisamment les pommettes et le nez pour faire ressortir les yeux tristes et sombres, comme tournés vers une autre époque ». L’aïeule a conservé un port altier, une noblesse native sous la lippe et les nippes. Edward Curtis va tenter l’impossible, saisir le monde amérindien pendant qu’il survit encore, juste avant son anéantissement programmé. L’opération est titanesque et financièrement ruineuse. Curtis a beau compter dans ses relations le président Franklin Roosevelt, les fonds viennent à manquer. Il devra démarcher le richissime mécène Pierpont Morgan afin de débloquer l’argent nécessaire à l’entreprise mais la contrepartie exigée va s’avérer épuisante, travailler gratuitement, sans relâche, dans des conditions parfois limites, au plus près des autochtones, de plus en plus loin de sa femme et de ses enfants. Au-delà des modes et des récupérations avant-gardistes, Curtis garde le cap de son grand œuvre : « […] que les gens voient l’humanité dans le visage des Indiens et que ces visages vivent à jamais ». Le photographe piège les ombres et restitue des êtres de lumière dans l’éclat d’un noir & blanc somptueux. Aujourd’hui, sans rien connaître de l’histoire indienne, le lecteur ne peut qu’être saisi à la vue des portraits, des paysages et des hommes en mouvement reproduits en fin de chapitre. Pourtant, de prime abord, rien n’est donné au photographe. Les Indiens se méfient des Anglos et gardent leurs rites et leurs coutumes secrets. Les Blancs n’admettent pas d’être remis en cause à l’instar de la veuve du général, Libbie Custer, alors même que Curtis arpente les lieux de la bataille de Little Bighorn (1876), interroge les éclaireurs Crows survivants et déduit logiquement que Custer a assisté durant une demi-heure au massacre des hommes du commandant Reno sans rien tenter. Obligé d’occulter sa découverte, Curtis ne verra jamais à quel point sa méthode d’historien de terrain sera récupérée et appréciée des décennies après sa mort. Puis l’argent vient à manquer et Morgan meurt. A peine la moitié du travail projeté est accomplie (huit volumes sur les vingt prévus) et les dettes accablent Curtis. Ses fidèles coéquipiers, Alexander Upshaw, Crow acculturé et interprète précieux, George Hunt, métis tout aussi indispensable à l’entreprise monumentale de Curtis, l’infatigable universitaire Meany, W. E. Myers, ethnologue attitré dès le début travaillent sans relâche et ne sont payés qu’avec des retards considérables. Le cycle de conférences avec projection d’images où tout le gratin américain s’engouffre et s’extasie épuise Curtis et ne lui rapporte rien financièrement. La réalisation d’un film tourné en décors naturels chez les Indiens du Pacifique, premier long-métrage documentaire avant le Nanouk de Flaherty ne peut être distribué et projeté à cause de bisbilles juridiques. Sa femme Clara, délaissée depuis des années, le traîne en justice afin de réclamer le divorce et une pension alimentaire que Curtis sera bien en peine d’honorer. La santé du photographe se détériore. Il va devoir abandonner son grand œuvre et travailler pour Hollywood, l’usine à rêve naissante. Heureusement, dans les années 1920, un second souffle va le porter, notamment avec ses filles, Beth d’abord et Florence ensuite, à reprendre l’exploration sur le terrain, la photographie puis la rédaction des volumes manquants. « L’Indien d’Amérique du Nord » en vingt volumes est un chef-d’œuvre absolu mais il ne rencontre aucun écho quand il paraît dans la période troublée de la Grande Dépression. Le biographe Timothy Egan est plein de délicatesse envers son sujet et la fin du photographe ethnologue est évoquée avec finesse et compassion. L’épilogue donne la mesure de l’écho répercuté aujourd’hui alors que les ethnies indiennes cherchent et retrouvent dans les photographies, le film, les glossaires, les chants enregistrés par l’Attrapeur d’ombres les fragments d’une culture jadis bafouée et anéantie. Sachant que les hommes premiers étaient en sursis, Curtis s’est jeté à corps perdu et âme conquise dans une course effrénée contre la montre, lui aussi cherchant l’or du temps dans la splendeur crépusculaire de mondes révolus.
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L'attrapeur d'ombres : La vie épique d'Edward..

Edward S. Curtis est l'Attrapeur d'Ombres, comme le surnommaient les Amérindiens. L'homme qui par son objectif photographique peut figer ce qui est vivant et le garder en images.

L'attrapeur d'ombre, c'est aussi celui qui est allé dans les zones d'ombre, qu'est le passé, là où se trouvent les cadavres cachés sous le tapis de la bannière étoilée américaine.



C'est une noble quête que de vouloir exprimer la vérité : la conséquence d'une colonisation, d'une privation, de trahison par les non-respects des traités, du spoil total de la culture de plusieurs micros nations qu'a subis tout un continent, par son peuple. Mais pour le montrer à qui ? Puisque les gagnants sont les assassins. Oui il veut leur montrer à l'Amérique dans tout son être : l'État, les militaires, les civils, qu'ils reconnaissent leurs mensonges sur lesquels ils sont assis : celui du génocide Amérindien et pour les survivants d'une assimilation imposée pour rentrer dans un moule. Mais un jour cela servira aussi aux Indiens, pour les aider à réapprendre leurs cultures : leurs langues, leurs chants, leurs rites, leurs danses, leurs arts...



Hélas son travail qui sera de réaliser 20 livres sur « L'Indien d'Amérique du Nord »  va être d'une difficulté titanesque par : le coût financier, la durée du travail, le peu de gens intéressés par sa quête, et sa vie de famille qu'il va négliger... mais si lui ne le fait pas qui le fera ? Qui s'intéresse au sort des perdants ? Quand presque tout le monde est endoctriné dans un racisme contre tous ceux qui ne sont ni blancs et ni chrétiens ? Hélas même pour écrire ses livres retraçant toutes ces petites nations d'Indiens d'Amérique du Nord, il ne peut pas écrire en critiquant ouvertement les actions des colonisateurs, car ça reviendrait à se mettre à dos ceux qui le payent. La tentation de critiquer l'emporte parfois surtout quand il s'agit de montrer à quel point le général Custer a sciemment agi en assassin, en lâche à la bataille de Little Big Horn.



C'est un voyage vers le passé qui prendra 30 ans pour que Curtis en compagnie de sa troupe (Muhr, son technicien ; Morgan, son mécène ; Upshaw son interprète ; Phillips son sténographe ; Schwinke son cameraman ; Myers son ethnologue, sa plume, son journaliste, son rédacteur...) vont mener pour retracer la vie de toutes ces tribus par l'écriture, l'enregistrement audio et photographique avant qu'ils ne disparaissent de la carte par : les meurtres, les violes, les vols qui sont faits par les « Américains » et restent impunis par la « loi ». Sans oublier les maladies, la famine, l'alcoolisme que l'État Américain leur a fait en refusant de leur envoyer de l'aide par des rations et des soins ainsi qu'en obligeant ou en enlevant ces jeunes Indiens à leurs familles pour les mettre dans des internats pour y être maltraité, violenté et y ressortir avec le cerveau lavé.



Curtis est l'homme qui nous prouve que ce n'est pas le ou les diplômes qui font l'intelligence, qui font être l'homme de « bien ». À l'inverse de tous ceux qui l'ont eu dans de grandes écoles et qui à son époque, sans les connaître, ont écrit sur eux : " les Indiens d'Amérique ". Un tissu de mensonges que Curtis va avoir du mal à défaire de leurs têtes quand même les preuves les plus évidentes n'ont aucun effet sur eux. Que ça soit par les témoignages d'Indiens, leurs photos de leurs conditions dans les réserves, les noms que les militaires leur ont donnés à leurs éclaireurs Indiens comme "White Man Runs Him ": L'Homme-Blanc-Le-Dirige, " Goes Ahead " : Va-Devant. Où pire les agissements violents qu'ils subissent par les " agents " du gouvernement.





C'est une très belle histoire sur Edward S. Curtis qui pour celles et ceux partageant son point de vue, nous remplis de larmes d'indignation.

Merci à Timothy Egan, de nous faire (re)découvrir à quel point l'Amérique blanche a été et l'est toujours : cruelle, autoritaire, raciste, esclavagiste, manipulatrice et hypocrite de la soit-disant bonne image qu'elle veut donner au monde entier alors qu'elle s'est construite sur des tissus de mensonges.

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L'attrapeur d'ombres : La vie épique d'Edward..

Photographier ce qui va disparaitre. La tâche semble illusoire tant elle apparait infinie et donc désespérée. Pourtant, ces images et ces visages venus du passé nous interrogent bien davantage que les "feuilles de variété " qui inondent aujourd’hui nos tablettes et nos smartphones. Quelles sont nos origines, le sens de notre présence au monde ? Certainement de vaines conjectures, mais suffisamment puissantes pour appréhender les abimes dont notre humanité se nourrit.
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L'attrapeur d'ombres : La vie épique d'Edward..

Ce livre retrace la vie de Edward S Curtis et son projet un peu fou de saisir les derniers instants de vie des indiens des Etats-Unis livre très intéressant

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L'attrapeur d'ombres : La vie épique d'Edward..

“The last Indian of Seattle lived in a shack down among the greased piers and coal bunkers of the new city, on what was then called West Street, her hovel in the grip of Puget Sound, off plumb in a rise above the tidal flats.”



Un must pour ceux qui s’intéressent aux Indiens d’Amériques, à la photographie et/ou aux biographies.



En effet ce livre narre l’histoire d’Edward Curtis. Photographe Américain qui dédiera sa vie à prendre en photo / archiver l’histoire des différentes tribus Nord Américaines. A une époque où les Indiens ne sont pas encore des citoyens à part entières et où leur culture est en cours de disparation / annihilation dans la masse Américaine.



L’histoire de ces photos tout comme la vie de ce photographe sont exceptionnelles. On y découvre un homme qui va tout sacrifier pour ce travail titanique. Pris dans la guerre mondiale et dans des luttes légales, son œuvre sera ignorée avant d’être reconnue un demi-siècle plus tard comme une œuvre immense et ses livres se vendront à plus de 1 millions d’USD. Alors qu’il a fini sur la paille…



Bref c’est une histoire à multiples aspects que vous découvrirez.
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