JE ME TIENS A UNE RAMPE, POUR NE PAS TOMBER…
Je me tiens à une rampe, pour ne pas tomber.
Dans le couloir, derrière la porte d’entrée,
des ombres rôdent. Heureusement, le chat
s’arc-boute contre la masse obscure. La
lumière du foyer irradie, forme une enve-
loppe de protection.
Des rails devant la porte, une voie se scinde
en deux. Je m’aplatis et passe sous la fente.
Je monte dans un wagon à découvert, empli
de sable. Le paysage défile. Déjà, je suis
ailleurs.
Parfois, il faut si peu pour que tout se fissure
et que l’on perde pied.
J’ai conservé ses cendres
J’ai conservé ses cendres durant un an,
dans une petite boîte en carton
biodégradable, couleur lie-de-vin. Puis,
l’été suivant, à la pointe du Milliet,
j’avais dans mon sac à dos l’urne
d’Osiris. Je marchais le long du sentier
côtier, me laissant bercer par le bleu roi
de la mer. À un moment, la pente devint
douce, la voûte des pins déboucha sur
une petite crique. C’était la marée basse.
Contournant la crique, j’escaladai de
gros rochers, et arrivai à une grande
cavité, en me penchant, je pus voir la
mer s’y engouffrer avec fracas, faisant
jaillir l’écume. J’ouvris l’urne
délicatement. Je fus surprise. C’étaient
de légères particules blanches. Je me
penchai pour déverser le contenu de la
boîte. La poussière d’os vola, se déposa
sur le rocher situé plus bas. La roche fut
recouverte d’une poussière fine. La mer
l’emporterait, la pluie la laverait, le soleil
la couverait et elle serait bercée par le
vent, s’envolerait même, se disperserait.
J'ai grandi et j'ai connu des troubles de la communication, je me suis enfermée dans ma bulle de silence. J'ai connu la solitude et la grand tristesse. J'ai trouvé dans l'écriture un moyen d'expression. J'ai découvert la bulle protectrice de la poésie, qui m'a enveloppée d'un halo de lumière et de chaleur. J'ai rencontré des personnes qui m'ont comprise. Je perds la mémoire. J'oublie qui je suis et qui j'ai été.
Marcher, c'est ouvrir quelque chose à l'intérieur de soi. C'est faire tomber les murs, les portes, les fenêtres. C'est être à ciel ouvert.
peut-être accepter…
peut-être accepter
cette part de moi
juste être
au fond pas si différente
mal accommodée
La vie sans toi, c’est juste un peu de mort sous la couche
des jours, un peu de cendre sur les cils, dans la plissure
des vêtements, c’est comme une pièce dont le feu s’est
éteint dans l’âtre, c’est une source de chaleur en moins à
tel point que tout s’écoule, comme un fleuve, en arriver
à oublier ce pourquoi on a lutté pendant si longtemps :
sortir de la solitude, ne plus se heurter à des murs, ne
plus se sentir sous-estimé, apprendre à communiquer,
ne plus se sentir rejeté ; ce qui mobilisait, donnait la ra-
ge et la force d’avancer. Toi, tu n’as pas lutté pour vain-
cre ton isolement. Mais tu apportais une légitimité à
mon combat, parce que tu me comprenais à demi mots.
je suis toujours
je suis toujours
sensible rêveuse
enrobée de silence
mes pas me portent
d’un bout à l’autre de la ville
je marche
suspendue dans une bulle
la pluie dans les entrelacs des signes
le lien enserre les jours
il voudrait dégrader
le peu de bien
les orties pointent leurs dentelures
plus hautes que la menthe sauvage
pourtant le parfum de celle-ci
dépasse le simple frôlement
il suffit de se pencher un peu
la vie parfois se trouve
là où on ne l’attend pas
Écrire…
Écrire n'est rien
Sinon l'approche
D'un secret
Depuis toujours
Secret comme
Un enfant nouveau-né
Dans son linge blanc.
*
Tu habites
La demeure
Du linge
Les branches
Dessinent
Leur ombre
Le bleu
Déteint
Sur le blanc.
Celui qui est resté dans le silence est demeuré dans une bulle.
Sur la vitre, il y a un halo, vision trouble du monde. Tout est brouillé.
Comment saisir les lettres, les mots, les aspérités ? Le tram passe
sans bruit.