« Je pèse le pour et le contre du silence. Je m'immerge dans ce monde vivant et dénué de son. Je plonge dans la mer des songes. Infinitude. » Tout est dit dans le poème de la page 5 cité en quatrième de couverture, il s'agit ici d'une immersion dans le silence avec ses remontées imprévues, souvent douloureuses.
D'abord il convient de se mettre à l'écoute sous le soleil ou sous la pluie, afin de « s'ouvrir au-dedans, comme une coque ». du « vide sans vide » remontent des bruits d'enfance, des images qui reprennent vie « dans le champ cinématographique » de l'intériorité. Pour descendre en soi, quel meilleur vecteur que le parfum du lilas qui « embaume de tous côtés » ?
Le monde du silence qui vient de s'ouvrir est double, à la fois « beau et menaçant ». Il saigne sur les lilas blancs, faisant remonter à la mémoire des images insupportables qui obligent à reprendre pied « à grands coups de respiration et d'accomplissements », l'eau en aide matricielle. À un autre moment, c'est la figure du père qui émerge de ce monde du silence, « l'oiseau intérieur » le ramenant avec sa tombe « sur laquelle nulle fleur ne s'épanche ».
Le silence devient rapidement « césure », « vivace au creux des chairs ». Il faut alors revenir dans le « cocon » d'autrefois « au bord de la nappe cirée » et se protéger sans bouger, « bien sage, appliquée immobile oui » de « toutes les agressions ». Mais la douleur ne laisse pas dormir, elle se vit « dans une bulle » où tout rétrécit. « Parfois il faut si peu pour que tout se fissure et que l'on perde pied ». Comment se rassurer ? À quoi tenir si ce n'est à un rai de lumière, à un feu, aux ressources de son imagination ?
La mémoire, « jonction entre le monde des vivants et celui des morts », a remonté une autre expérience traumatisante dont on comprend bientôt la teneur. le vide originel se creuse, difficile à combler, « des paroles inaudibles ne se communiquent qu'à l'âme et au coeur », l'être plonge, « aiguilles dans la chair », dans une solitude extrême où tout « part en lambeaux », où le corps se délite de partout, comme épluché de l'intérieur.
Les poèmes en prose de Valérie Canat de Chizy, ramassés dans leur forme, interrogent le coeur du silence à travers « de fines tranches découpées dans la clarté des jours ». C'est un chemin sensible et douloureux que celui de l'auteur, un double apprivoisement murmuré à tout ce qu'elle aime. (Dans cette veine, on pourra lire aussi l'écriture la vie, éditions du Petit Rameur, mars 2017, illustration de
Sophie Brassart, préface de
Sanda Voïca.)