Conformité. Similarité. Oublier notre identité-base. On nous demande de tous aller dans la même direction pour le bien commun et, si on ne s’y plie pas, on est mauvais. C’est ce qu’on m’a appris. C’est ce qu’on m’a répété, encore et encore, et je n’ai jamais été d’accord. Même si je l’avais été, ça aurait été décevant parce que ça aurait fabriqué plein d’objectifs-échecs.
(Ch 14 : Transition vers un remaniement)
… on me dit que c’est mal et que je ressemble à une vraie folle. Je ne sais pas quelle serait la différence avec une apparence de fausse folle…
(Ch 3, L’idée)
La journée où on m’a retrouvée, la répulsion à l’idée qu’on envisagerait de me faire reculer dans la case d’avant, celle avec des mots, m’avait fait briser le pantin-moi. C’est un geste sans-le-faire-exprès-au-complet, comme lorsqu’on veut une chose inconsciemment et que la chose qu’on veut choisit un chemin secret du cerveau pour exister. Sentir qu’on m’arracherait le mot liberté que je venais tout juste de commencer à découvrir-goûter avait causé un embouteillage monstrueux dans les émotions qui fracassent.
- Je suis content. Tu n'es pas normal mais je t'aime bien, tu sais. Je sais que tu ne peux pas répondre, mais j'espère bien fort que vous ne partirez pas trop vite. Si vous devez quitter le camping, tu vas me dire au revoir? Je ne sais pas pourquoi tu es comme ça, mais je me sens moins compliqué avec toi, on dirait que je suis certain que tu ne vas pas faire semblant comme les autres. Excuse-moi, je ne voulais pas être… Tu sais bien.
Et il s'est tourné en baissant sa tête. Je ne comprenais pas ce qui était en train de se passer, je n'avais jamais vécu ce genre d'échange malgré la quantité de conversations apprises par cœur et répétées pour utilisation ultérieure. Ces phrases n'étaient pas dans ma liste, le mouvement qu'il venait de faire non plus.
Elle était tout près d’arriver et avait changé d’idée pour traverser. Non, pas maintenant, il avait besoin de la voir. Il devait agir, il devrait peut-être prendre ses chaussures, se changer et aller la retrouver? Pourquoi fallait-il toujours qu’il réfléchisse autant avant de faire un geste? Elle se tourna encore, en pivotant de très exactement quatre-vingt-dix degrés d’un trait, pour se diriger à nouveau vers chez lui, cela le soulagea. Il se rendit compte que ça faisait un moment qu’il n’avait pas respiré.
Maman a descendu son sourire dans l'autre sens, a installé les deux lignes entre ses sourcils et a cessé d'aimer le chien avec ses mouvements. Elle a fait passer la direction de ses yeux qui visaient le chien vers le sol, a fermé sa bouche plus solidement et a emmagasiné une quantité d'air supérieure à la nécessité habituelle à l'intérieure d'elle... Le risque d'imprévu négatif venait instantanément de passer du presque nul à très probable. Les imprévus sont un désordre de l'univers. Ils ne me plaisent pas.
Plus jamais on ne me forcerait à quoi que ce soit. Mais aujourd’hui, j’ai tout ouvert. Les mots se sont échappés, et je présume qu’ils ont un peu voulu se faire pardonner pour tous les problèmes qu’ils m’ont fait affronter parce que, même si j’ai peur et que je sais que je viens de tout faire changer et de sortir du dômepaix, je crois que d’avoir aidé le-plus-prévisible-des-prévisibles à le demeurer était plus important.
Parfois, je me disais que j’étais méchante, mais j’avais l’impression que si je rétablissais le lien interne-externe pour être plus gentille, j’allais me désintégrer tout éparpillée. J’étais le ballon, et ma voix, comme le son d’une aiguille, perçante, aiguë. Elle aurait risqué de faire exploser la bulle dans laquelle j’arrivais à trouver un peu de tranquillité-réflexion si je l’avais laissée s’échapper trop vite.
Avant, j’étais une toute petite histoire brouillonne pleine de fautes et d’erreurs, qui s’est chiffonnée et mise à la corbeille pour me recommencer, et il se trouve dans une situation similaire. Le corps et moi, nous nous sommes retrouvés tous les deux avec du temps devant nous pour apprendre correctement de quelle façon nous allions fonctionner. Ça aurait pu faire qu’on se comprenne mutuellement, mais non.
Il avait le sentiment qu’on ne lui laissait jamais assez de temps pour vivre les choses. Il évoluait sur un rythme différent, naturel. Le contrôle sur le présent lui échappait constamment parce que, lorsqu’il prenait le délai nécessaire pour réfléchir, tout se décidait sans lui. Il n’avait donc pas vraiment eu son mot à dire sur l’éducation des enfants, cela ne lui avait pas pesé avant les événements.