Valérie Lieko

Cette chambre aux relents d’adolescence lui redonnait dix-huit ans. Elle le désirait, peu importe son secret. Cela faisait trop longtemps qu’un homme ne lui avait pas fait l’amour. Elle voulait savoir ce que ça procurait d’être comblée par quelqu’un qui vous vouait autant d’admiration, et ce, depuis autant d’années. Le sentir en elle, là, tout de suite, il n’y avait plus rien d’autre qui comptait.

Il est de ces hommes qui auraient pardonné à sa moitié ce genre d’écart. Ce n’était pas un gars possessif. La preuve, elle voyageait souvent sans lui. Qui sait, il était peut-être au courant et la laissait vivre un peu sa vie...

La vie pouvait être bizarre. Certains aspiraient à une autre existence, mais ne faisaient rien pour la changer et se complaisaient dans la plainte. D’autres voyaient leurs rêves brisés et regrettaient le passé.

Gustave Lefèvre avait souvent considéré une garde à vue comme un match de foot, sans les supporters. Deux équipes adverses. Beaucoup de feintes, de comédie et ce n’était pas toujours la meilleure qui gagnait à la fin du temps réglementaire, mais la plus maligne.

Les femmes mariées avaient parfois des réactions étranges. La peur de perdre leur statut, leur rang social, leur faisait accepter certaines horreurs qu’elles avalaient d’un bloc, digéraient lentement, puis évacuaient en tirant plusieurs fois la chasse. Si Flore ne réagissait pas comme prévu, alors... Ces images à la fois violentes et silencieuses réapparurent.

— Rémi, tu connais les sept péchés capitaux ?
— L’orgueil, la gourmandise, la paresse, l’avarice, la luxure et... je sais plus.
— La colère, et surtout l’envie, c’est à dire désirer ce que l’autre possède. Très dangereux, ce péché-là...
 

Le mercure rouge, c’est un mythe, un fantasme, ça n’existe pas ! L’expression est apparue vers la fin des années cinquante. On a fait circuler une légende... Que c’était un métal stratégique, nécessaire à la construction des armes nucléaires ou pour la composition d’explosifs surpuissants. Mais, c’est une escroquerie. Des échantillons de ce fameux « mercure rouge » ont été vendus sur des marchés clandestins, à plusieurs centaines de dollars le gramme. Et lorsque cette substance a été analysée, ils ne contenaient en réalité que du simple mercure, de l’iode et de l’antimoine qui n’ont aucune valeur.

Les intuitions, c’est très bon, suis-les. Faut trouver ensuite des choses concrètes.

Les gens vivaient souvent cela presque comme un viol que des étrangers fouillent ainsi dans leurs affaires. Son mari restait serein. Un comédien ? Qui sait ? C’était quand même un commercial. Toujours prêt à se forcer à sourire pour attraper le client, sans parler de cette façon agaçante qu’avaient certains de pencher leur tête sur le côté, pour encore mieux séduire. Un métier que Rémi n’aurait jamais pu exercer. Pour une fois, il préféra de loin la ferme et son temps partiel comme agent de quartier.

Les roses, c’est pour symboliser le mercure rouge. « La vie est si courte », c’est un avertissement, une menace de mort.

- J’adore les fleurs sauvages, comme les coquelicots ! Tu as remarqué que si tu les cueilles, ils fanent tout de suite, même si tu les mets dans de l’eau ?
— C’est comme certaines personnes, faut pas les déraciner, sinon c’est fini. Et les roses, ça te plaît ?
— Le symbole de l’amour...
— Méfie-toi, si un jour ta femme en reçoit, vérifie qu’il n’y a pas un amant sous ton lit...

Je n’ai jamais été à l’aise avec les délinquants sexuels, peut-être parce que j’ai eu une fille et bientôt une petite-fille... Je préfère de loin les braqueurs, les escrocs.

Ces fermiers, ils savaient tout sur tout. C’était pour cela, entre autres, qu’elle détestait de plus en plus sa vie. Toujours à être espionnée. Vos faits et gestes analysés, si pas commentés dans un café. Elle étouffait. Elle voulait vivre en ville. Elle rêvait de circulation, de foule, d’anonymat, d’animations incessantes.

Il l’adorait, mais elle avait plus besoin d’aimer qu’être aimée. Ressentir ces papillons dans son ventre. Philippe et elle avaient eu quelques années d’un semblant de bonheur. Elle pensait sincèrement que la venue d’un bébé aurait fait grandir ses sentiments envers lui. Peut-être que si Martin avait été « normal », ils auraient eu d’autres enfants et qu’une petite tribu aurait comblé le fossé d’amour qui s’était creusé entre elle et lui.

Peut-être que tout être humain, pour être tout à fait équilibré, devait avoir des goûts populaires dans un domaine particulier. Comme ces grands philosophes qui refaisaient le monde avec leurs Socrate, Platon et compagnie, mais qui ne pouvaient pas rater un match de foot du Mundial...

Il avait même scénarisé un quotidien avec elle. Elle et lui en train de prendre leur repas ensemble, se racontant leur journée de travail. Lui, devenu un enquêteur redouté, elle directrice d’une école de danse dans la région. Puis, aussi, rêver de s’endormir côté à côte, de lui faire l’amour lorsqu’elle en aurait eu l’envie. Il n’était pas fou. Il était juste un peu en dehors des balises de cette société si normative. Il survivait dans ce monde grâce à son imagination.

Sa mère... Aimante, nourricière, mais tellement envahissante. En tant que cadet, Anthelme avait été moins tenu, elle ne l’avait pas collé autant. Il était libre, libéré de la ferme. Toutefois, elle avait quand même mis le doigt là où ça faisait mal. Il était seul. Il avait toujours été bleu de Lydie depuis qu’elle était devenue cette adolescente si belle et inaccessible. Peut-être qu’inconsciemment, cela l’arrangeait de ne pas s’amouracher de filles plus accessibles. Il aimait le rêve de l’amour, mais était effrayé de la réalité de celui-ci. Il s’était souvent imaginé quittant tout et allant la retrouver en Suisse. Pur fantasme.

Les homicides de femmes se déroulaient, dans deux tiers des cas, au sein du cocon familial... Dans la moitié de ces drames, le conjoint s’avérait être le coupable. À la campagne, le pourcentage devait sans doute grimper...

Le crime organisé, La Mano Nera, la pieuvre... ça a bien changé. Dans mon jeune temps, il y avait des codes, des principes. Les mafias actuelles, surtout celles des pays de l’Est sont trop dangereuses. Vaut mieux ne jamais devoir enquêter dans ce milieu.
— Et la mafia de l’Afrique noire ?
— Jamais entendu parler... Mais c’est que c’est peut-être plus grave...

Elle avait, je devais le reconnaître, une certaine classe, de celle qu’on hérite lorsqu’on a la chance de naître dans des draps de soie et d’être nourrie avec des couverts en argent.