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Citations de Vasile Voiculescu (55)


Je n'étais pas étonné des courbettes ni de la crainte que j'inspirais aux gens. Tous ceux qui travaillaient dans l'administration étaient traités de la sorte, et pour cause ! Moi aussi, je sévissais comme les autres. Mais ce qui m'intriguait de leur part, c'était cette sorte de dévotion respectueuse, de vénération d'une autre essence qu'ils me réservaient et qu'on n'accordait pas à d'autres collègues, comme le médecin et le préfet. J'en devinai bientôt la raison : moi, j'étais un mage. Le juge se plaçait au-dessus de tous les autres, il était investi de vertus d'ordre spirituel. Je ne corrigeais pas les coupables comme le faisaient les gendarmes ou le commissaire. Je n'arrachais pas les enfants malades à leurs mères comme le faisait le médecin pour les envoyer à l'hôpital. Moi, en tant que juge, rien qu'en écrivant quelques lignes, j'avais le pouvoir de confirmer ou d'annuler tout ce que les autres concoctaient : amendes, contraventions, procès.
(cf. p. 185, traduit du roumain par Nicolae Tafta)
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Désir de jeunesse

Ton petit sourire pénètre profondément…
Et au-delà de la trop froide fermeté
En moi s'élève le vieil ennemi d'antan,
L'héréditaire désir d'immortalité.

Du bord de l'oubli je reprends donc mon élan,
À la côte du temps un obstacle je mets,
Je jette l'habit grisâtre et, fort révolté,
Je divorce de la vieillesse sur-le-champ…

Je m'accroche aux branches de la jeunesse fière,
J'embrasse des douleurs avec mes lèvres avides,
Je porte des blessures en agrafes chères.

Mes yeux redeviennent des raisins verts limpides :
Par la nuit étroite de ta robe splendide,
Je vois encore toute l'aurore de ta chair.

(p. 291)
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Le vers

Quand l'esprit même en holocauste se tord,
La suie de dieux tombe sur nous, arrêté
Un vers serré entre ses rebelles bords
Glace en soi-même pensée et volupté.

Ô mon immense toit, mon éternité,
L'étoile tombe à ton auguste rebord
Et sous l'ardeur de cette douleur charmée
Un autre fruit n'aura guère de support.

A jamais foudroyé un cœur dans sa voie ?
En la désirant se remplit ma poitrine
Me hantent de longues tristesses princières.

Je connais un rêve ombrageant, et voilà,
De mon grand sommet d'argile qui domine,
Du sommeil je cherche les sources premières.

(p. 321)
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Vasile Voiculescu
Langue valaque

Langue encensée, corolle de pétales,
Mon rêve a pâturé sur tes plaines idéales.

Voyage tout seul sur des montagnes de sel,
Un vent ancien, les reins chargés de miel.

Serpents de froidure verte dans les ruisseaux,
Sentiers de long buccin croisent en écho.

Loriots en or vont picorer tes graines,
D’une charrue, l’amour laboure tes plaines.

Je hante souvent par l’âme tes brûlés ravins,
Des profondeurs soupirent tes dorés anciens.

Auprès tes cimes, là-haut où en errent
Echardes de nues et langues de lumières,

Mes lèvres frémissantes dessus je pose,
Glorifié autel de pierre et roses.

*
traduit du roumain par Cindrel Lupe
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Vasile Voiculescu
Sonnet CCII

Ma passion s’étend dans le temps, la tienne dans le vide ;
Toi tu répands l’amour sur un champ sans confins :
Amis, chevaux, pages, canailles, femmes, chiens, princes … avide !
Pour mon amour, le siècle à peine vaut un câlin.

Si je t’enlace, une heure mon bras ne se remet ;
D’un vers j’te pose l’icône en pics de millénaires ;
Je chasse l’éternité pour la tresser en lacet
D’une couronne, au front – carrefour de caractères …

Une vie suffit ? La mienne croît, la tienne en suivant ;
C’est toute une vie l’instant quand c’est toi qui me souris,
Foison de survivance par ton sourire offrant,

Ma passion léonine est l’unique que tu vis:
Douleur, sort, mort aux autres, c’est la part qu’est la leur,
T’as au-dessus d’eux, par moi, altesse et hauteur.

*
traduit du roumain par Cindrel Lupe
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Vasile Voiculescu
Sur la croix

Jésus meurt sur la croix. Sous la féroce fournaise
Son front était pur, même saigné par les épines
Aux roches du Golgotha le ciel de Palestine
Semblait verser des braises.

Même au seuil de la mort les lettrés le médirent
Les gardes le faisaient boire du fiel et de l’aigreur…
La foule hurlait de rire aux spasmes de la douleur
Les truands l’agonirent.

A ses pieds, terrassée, pleurant, gisait Marie
De son cœur éclataient les malédictions d’une mère
A ses cotés Madeleine, voilée, dit ses prières,
L’horreur dans tous ses cris.

De loin, tous ses disciples, sans forces regardaient…
Il leur restait de fuir dans un monde sans raison
Sa mort était la fin d’un espoir et leur mission
Ces gens inconsolés.

Plus tard la foule en grappes partit vers la cité
Par les chemins étroits couverts de grises lauzes
Les pharisiens passèrent avec leurs faces moroses
Et leurs barbes argentées.

Oliviers effeuillés dormaient séchant leurs croupes
Embrumé, en vallée, Jérusalem dormait
Comme le dernier sommeil sur la croix du sacré
Jésus, veillé des troupes.

*
Traduit du roumain par Cindrel Lupe.
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Vasile Voiculescu
RAMEAUX

Le temps était si tendre, les brumes sur les près
Et les sons du bourdon dans la ferraille des tours,
Au seuil chantaient les coqs qui des pluies annonçaient
Leurs cous tendus vers les ruissellements du jour.

Sur les coteaux noircis avec leurs moites orées
Germaient des brins de bourgs que la route égarait,
Rampant, quittaient l’hiver les hameaux boursouflés
En sortant au soleil leurs bonnets de fumée.

Au loin, dans les jachères, errant comme oubliées,
Une meute de chèvres broutait humblement et serein ;
Montant vers les collines, des vaches préoccupées,
Marchaient obéissantes d’un gamin et d’un chien.

Une paisible tristesse mettait, sans une prière
Dans chacune des poitrines une tristesse sans pardon ;
La lumière riait, en rues et cimetières,
Mais se risquait à peine dans les huttes en limon !

Le Seigneur du printemps, toute la terre l’attendait,
Jésus apportait l’herbe. Et les saules au gui
Dégrafaient leur manteau clos par des bourgeons frais
En courbant leurs rameaux, le posaient devant lui.
*
Traduit du roumain par Cindrel Lupe
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Vasile Voiculescu
Villon

Fameux errant, poète qui vides les coches,
Qui as fourré le sacerdoce aux gaines,
D’une main tu fouilles des braves gens les poches,
D’une autre, à la Vierge, le culte tu tiennes.

Comme un vieux loup, autour des bergeries,
Tu tournes près des boutiques aux jambons,
En les humant très appliqué, et puis
T’enfonces en elles tes forts doigts gloutons.

Mec des faubourgs qui sa proie traîne en rade,
Fêtard usé aux rêve étincelant,
T’aiguises comme un vaurien, aciers, ballades,
Dans nos poitrines, après, les enfonçant.

Disciple cher des bagnes, bonne nature,
Aminche des anges perdus, récalcitrants,
Tu traînes dans les recoins de la luxure,
Pleurer les filles et les neiges d’antan.

Au cou des aubes, tu t’en vas danser,
Au son des chœurs, des musiques bordéliques…
Ton âme est une foire déchaînée
Au cœur d’une immense basilique.

Tu m’apparais, maître en chapardages,
Pilier d’auberge, rebelle des lois très tôt,
Traîné dans les geôles en fleur de l’âge
Grinçant sous le fouet du grand prévôt.

Dépensier comme personne n’ose,
Immense vaurien bâti en or comptant,
Tu aimes ta vie, quand elle est malheureuse
Et meurs, mon cher pouilleux, en espérant.

Pendant qu’ils haussent sur le gibet ta poire
En fourches te montent, comme un mécréant,
Toi, le malin, volant un tas de gloire,
Sur l’escabeau des rimes tu montes le temps.
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe
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Essaye de tendre, frère, l'arc de la folie,
Ainsi vont éclater les bouts du violon :
Peut-être la flèche en tempête surgie
Frappera le but de sagesse à l'horizon !

Porte sans crainte la lance droite de haine,
En l'enfonçant plus fort encore que les sbires…
De la mortelle blessure de furie soudaine
Peut-être que le sang de l'amour va surgir !

(Peut-être, p. 95)
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À peine le printemps de la terre âpre monte,
Bleu comme issu d'un fond de mine de l'hiver,
Il n'y a pas de bourgeons ni d'herbe sur la tombe,
Ni les cornes d'escargots n'essaient la lumière.

Tous se languissent sous l'écorce, la coquille, au fond...
Seul un aveugle tâtant les ruelles vieilles
Est sorti mendier, reste planté près du pont,
La branche sèche de sa main tendue au soleil.

(Signe de printemps, p. 269)
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Și omul, vânător fără greș, venea cu arcul descordat, aducând doar un vultur săgetat din văzduh.
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Il avait subi jusque-là des remous ininterrompus.
[Fusese până atunci într-o necurmată frământare.]
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À cette occasion, j'appris que mon homme était un grand charmeur de loups, qu'il les soumettait et se servait d'eux par ses sortilèges et sa magie, en vrai maître.
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Non seulement il ne l'encouragea pas mais il fit tout ce qui était en son pouvoir pour que ces miracles cessent. Il fallait, disait-il, attendre et mettre à l'épreuve l'homme et ses œuvres. Chercher à découvrir ce qui se cache derrière ces exploits mystérieux, prier, appeler au secours les lumières des prélats et dignitaires sacerdotaux qui occupent avec sagesse les plus hauts sommets de l'Eglise. Car comment distinguer avec des forces aussi maigres que les nôtres ce qui est vrai de ce qui n'est qu'illusion et fantasme?
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Je n'étais pas étonné des courbettes ni de la crainte que j'inspirais aux gens. Tous ceux qui travaillaient dans l'administration étaient traités de la sorte, et pour cause ! Moi aussi, je sévissais comme les autres. Mais ce qui m'intriguait de leur part, c'était cette sorte de dévotion respectueuse, de vénération d'une autre essence qu'ils me réservaient et qu'on n'accordait pas à d'autres collègues, comme le médecin et le préfet. J'en devinai bientôt la raison : moi, j'étais un mage. Le juge se plaçait au-dessus de tous les autres, il était investi de vertus d'ordre spirituel. Je ne corrigeais pas les coupables comme le faisaient les gendarmes ou le commissaire. Je n'arrachais pas les enfants malades à leurs mères comme le faisait le médecin pour les envoyer à l'hôpital. Moi, en tant que juge, rien qu'en écrivant quelques lignes, j'avais le pouvoir de confirmer ou d'annuler tout ce que les autres concoctaient : amendes, contraventions, procès.
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