Véronique Drouin parle de son roman Robin Sylvestre - Livreur Express.
Elle repensa à l’énigmatique figure spectrale qui
venait de traverser le bois. Elle le scruta dans le rétroviseur extérieur, mais ne remarqua plus rien. Ce devait
être une illusion d’optique causée par les rayons ardents qui pénétraient entre les arbres.
Le paysage paisible invitait à la méditation. Pourtant, l’esprit d’Estelle ne connaissait aucun répit. Elle
n’avait cessé de ruminer depuis leur départ. Peut-être
même avant. Bien avant.
Elle se tourna vers Tristan. Il lui sourit.
Il semblait heureux. Presque euphorique. Il serait
bientôt dans son élément. Celui qu’il chérissait toute
l’année, mais ne pouvait visiter que l’été.
Estelle, elle, l’appréhendait.
Ici, au C.R.A.A.V., nous sommes une trentaine de résidents, tous séparés par groupes d’âge pour les différentes activités. Ça ressemble donc à un sinistre camp de vacances où les parents envoient leurs enfants timbrés pour se donner un break. Et qui pourrait les en blâmer ? Quant aux gens qui travaillent ici, soit ils sont masochistes, soit ils veulent gagner leur ciel.
Lors de tous mes voyages, j'ai constaté que les alliances devaient se créer de façon plus libre, plus naturelle, car les associations trop structurées impliquent une hiérarchie qui mène souvent à des règles subjectives et à des abus de pouvoir.
Mon cauchemar a commencé il y a trois semaines. Et ça se poursuit depuis que je suis ici. Par « ici », je parle du C.R.A.A.V.ou, si vous aimez mieux, le Centre de réadaptation pour adolescents anxieux et vulnérables. Non, mais quel nom ridicule. Ça donne déjà une idée du genre d’endroit. Un nom soft pour un ramassis de jeunes fêlés qui ont de la difficulté à composer avec la vie au quotidien et, plus souvent, avec la vie en général. Et même si nous sommes tous dérangés, il y a différents degrés de déséquilibre, ce qui instaure un genre de compétition entre nous. Comme qui est le plus cinglé de la bande…
(...) Elijah porta un toast à sa prochaine campagne électorale avant de se rasseoir.
-- Votre victoire sera une bonne occasion d'exiger le droit de vote pour les femmes, lâcha Iris après sa gorgée.
-- Iris ! la réprimanda sa mère. Pourquoi dois-tu toujours revenir sur ce sujet ? Tu sais très bien que les femmes n'ont pas besoin du droit de vote pour exprimer leurs opinions. Nous avons assez d'influence sur nos compagnons de sexe masculin pour faire entendre nos voix lors des périodes de scrutin. Ça ne servirait qu'à compliquer le système pour rien...
Sous eux défilait "la ville aux cent clochers" [Montréal], telle que l'avait baptisée l'auteur Mark Twain lors de son passage quelques années auparavant.
— Hé, la folle ! lance avec nonchalance Eliott, avachi sur sa chaise.
— Hé, le débile.Je lui réponds comme ça depuis qu’il m’a affublée de mon affreux surnom. La première fois qu’il m’a appelée « la folle »,j’étais trop perturbée pour répliquer quoi que ce soit. Mais au fil des jours, j’ai commencé à rétorquer et à lui faire porter un beau petit sobriquet de mon cru. Et ça colle bien avec lui.