Le temps que je remonte la fermeture à glissière de mes bottillons noirs et que je me lève, ma confiance vacillait. Les jumelles me regardèrent, bouche bée devant mon choix vestimentaire. Ginger eut un demi-sourire impressionné, tandis qu’elle m’examinait.
Puis, je me fis une queue de cheval serrée et je m’installai en face du miroir pour me maquiller. Les démons pouvaient m’avoir étiquetée mercenaire du Paradis, je ne porterais pas d’ailes blanches ce soir-là.
— Et si je nous apportais quelque chose à boire, proposa alors Patti en se levant.
Elle tenta de passer à côté de mon père, mais il tendit les bras et l’attrapa, lui fit la prise de l’ours en riant et en tournant sur lui-même. Patti éclata d’un rire surpris, puis se mit à lui taper sur l’épaule jusqu’au moment où il la reposa par terre. Elle remua la tête avec un grand sourire en se dirigeant vers la cuisine, avec un jet d’orange et de jaune en train de tourbillonner dans son aura.
Il rayonnait en me regardant. Que pouvais-je faire d’autre que de lui sourire ? L’homme-démon était plein de joie.
— Et peu importe ce que tu penses ressentir pour moi, je peux t’assurer que ce n’est rien d’autre que la situation classique d’une personne désirant la seule chose qu’elle ne peut avoir. Si tu finissais par m’avoir et te débarrasser de ton désir pour moi, tu parviendrais à comprendre que le bon garçon est celui que tu veux vraiment.
Je me sentis déchirée par la frustration. Je fermai les yeux et comptai jusqu’à cinq avant de lui répondre.
— Ça, ce sont tes craintes, Kaidan, pas des faits, et je voudrais tellement que tu arrêtes de te venger d’elles sur moi.
— Faisons un marché, me proposa alors Kope. Prends une gorgée de mon thé vert, et je prendrai une gorgée de ta… boue sucrée.
— Marché conclu !
Nous échangeâmes nos boissons, et le goût amer de cette saveur naturelle me fit presque m’étouffer. De son côté, son nez se plissa, quand il goûta à mon café.
— Mais il n’y a pas de sucre là-dedans ! m’écriai-je au moment même où il s’exclamait :
— Mais c’est bien trop sucré !
Tout cela nous fit bien rire, après quoi je tentai de me calmer et de me concentrer sur mes devoirs.
Les gens utilisent souvent des termes marins pour parler de la vie : un océan de possibilités, une multitude de poissons dans la mer. Mais il n’en était pas ainsi pour les Nephilim. Nous étions comme des poissons pris dans un filet, n’ayant d’autre choix que de suivre les instructions des requins ou de se faire dévorer par ceux-ci. Aucune possibilité pour nous dans l’océan. Mais de temps à autre, nous nous retrouvions dans un bassin privé, sans requin en vue. Ce bassin était petit et temporaire. Nous en profitions.
Seeing emotions as colors was an extension of my ability to sense others' feelings, their auras. I'd had the gift since infancy. The color spectrum was complicated, as were emotions, with shades of a color meaning different things. To simplify, positive feelings were always colors, ranging from bright to pastel. Negative feelings were shades of black, with a few exceptions. Envy was green. Pride was purple. And lust was red. That was a popular one.
Elle s’essuya la figure, et la noirceur de sa peur s’effaça. Pour ma part, je n’avais toujours pas bougé, dans l’effort d’assimiler le fait que Patti était passée du désir de tuer mon père à se laisser réconforter par lui.
— Voudriez-vous un peu de thé glacé ? lui demanda-t-elle enfin.
Mesdames et messieurs, voici Patti Whitt !
— Oui, madame, avec plaisir.
Et mon père, l’homme qui inspirait la peur.
— Que fait-elle à ce bébé ?
— Une excision.
— On leur retire les parties qui leur permettraient de prendre plaisir au sexe.
Une seconde pleine de tension passa pendant laquelle Kaidan comprit que j’étais sur le point de m’enfuir et que si c’était le cas, il fuirait avec moi. Mais je ne pouvais lui faire une telle chose. Ainsi, je finis par pénétrer dans le cabaret et je le sentis me suivre à l’intérieur, après avoir fermé la porte.
— Pourquoi tiens-tu tellement à me convaincre que tu es mauvais ? lui demandai-je.
— Simplement parce qu’il te serait salutaire d’éprouver une bonne dose de peur à mon égard, pour que tu ne puisses pas dire que je ne t’avais pas prévenue. Je ne suis pas comme les garçons de ton école. Pense à l’attrait que tu ressens pour les drogues. C’est ce que je ressens pour le sexe.
Oh.
— Alors, tu commences à comprendre ? Et laisse-moi être encore plus précis.
Sa voix devenait plus grave, tandis qu’il me décrivait son travail.
— J’ai besoin de parler cinq minutes à une fille pour savoir ce que je dois dire et faire pour l’attirer dans mon lit. Et toi compris, quoique je doive reconnaître que je n’étais pas à mon mieux hier soir. Avec certaines, il s’agit tout simplement d’être attentif et de les flatter. Avec d’autres, il faut plus de temps et d’énergie. Eh bien, je fais absolument tout ce qui est nécessaire pour qu’elles se donnent et alors, je m’arrange pour qu’elles ne puissent plus jamais être avec un autre homme sans penser à moi. Je connais tous les secrets du corps, des choses que la plupart ignorent sur elles-mêmes. Et quand je les quitte, quand je les entends me supplier de rester, je sais qu’elles sont fichues.
Mon cœur battait à me défoncer la poitrine. Oui, j’avais alors très peur. Il jeta un coup d’œil à mon aura.
— Il était temps, dit-il.