Citations de Werner Lambersy (208)
Si seulement les morts
N’étaient pas si morts
On pourrait sans doute
En savoir plus
Mais il s’en faut
De quelques années à
Peine parfois moins
Pour disparaître
Tout à fait de la photo
Comme l’huître
Qui laisse ses œufs aux
Marées incertaines
Nos souvenirs partiront
À la dérive
(poème paru dans la revue Diérèse N°84)
La déception
est le seul dommage
irréparable
Et c’est de vivre qu’il s’agit…
Et c’est de vivre
qu’il s’agit
De s’agiter sans hâte
Rythmes et cadences
sans rien casser de l’onde
D’être vitesse exacte
avec le son qui va
d’être en mesure
de la lumière magnifique
La fine épée de l'éphémère
Tout ça, grâce à l'amour
Des océans de plumes sur
La peau enfantine
De nos âmes
(" Conversation à l' intérieur d'un mur")
Et c'est de vivre
qu'il s'agit
De s'agiter sans hâte
Rythmes et cadences
sans rien casser de l'onde
D'être vitesse exacte
avec le son qui va
d'être en mesure
de la lumière magnifique
Excuse
Il dit,
pour s’excuser,
un poème
m’est rentré dedans
le sel
est dans les plis
de la peau du marin
le charbon
est dans les plis
de la peau du mineur
le poème
est dans les plis
du lin de la momie
dont ma peau
est le livre fragile
p.9
À L'HÔTEL DE
La Porte qui Claque
j'ai pris
ta brosse à dents
c'est tout ce qui reste
pour retrouver le goût
de ta bouche dans
la mienne
j'ai payé
la note du bar
c'est tout ce qui reste
je suis sorti
les yeux dans les yeux
vides du ciel
la pluie n'avait pas de
paupières
p.30
Pourquoi bouger ?
Pourquoi bouger ? Le monde
le fait pour nous
LE VENT N'A PAS D'OMBRE
les chiens
n'en connaissent
que les traces qu'il porte
le vent n'a pas d'ombre
mais soutient les oiseaux
la colère la caresse
et le chant
il dort dans les arbres
fait l'amour dans l'herbe
mais on peut lire son âme
sur l'eau
ce qu'il dit le laisse libre
de parler fort ou
de se taire
p.26
Il y a plus de choses
Dans un mot
Que de mots pour le dire.
Le maître va
vers ce qui regarde
et n’a pas de regard
vers ce qui parle
et n’a pas de voix
le maître
va
sans lumière pour aveugler
ni langage
qui parlerait plus haut
Qu’un mystère sans réponse
emplisse et imprègne
ton chant
Qu’il soit un vêtement chaud
dans la sueur de ceux
qui longtemps l’ont porté
et qu’il parle du temps mais
pas plus que les genêts
dont les cosses s’éparpillent
au soleil comme
des pétards de fête.
Seul
dans le vol dispersé des mouettes
maître des miettes
de mon cri
déjà
de l'autre côté
la nuit s'enfièvre nue
le noeud coulant de l'horizon
serré sur le soleil
et je n'aurai toujours rien dit
Chaque fois que je me perds
Dans ton corps
Comment faire
Pour revenir comme l'esquif
A contre courant
Il y a un cri
on ne l’entend pas
Mais il y a un cri
poussé par les morts
dans la mort
Un cri si long
que ceux qui le poussent
n’ont plus besoin
de remuer les lèvres ou
de fermer la bouche
Alors on le confond
comme une étoile
derrière une autre plus
proche
Avec le grand silence
d’avant
ELLE RÉPÈTE
je n'aime pas les enterrements
je ne suivrai pas même
le mien
j'ai répondu : ne t'inquiète pas
ma chérie j'y serai
finalement elle l'a mal pris
son chapeau semblait furieux et
de travers
p.62
La seule chose qu'on peut faire ?
Être là !
(paroles prononcées lors d'une récente conférence)
le jour vient d'enlever
ses pinces à vélo
il n y a plus d horizons
il fait nuit
jusqu'au bout des nuits
la lampe pose
son œuf dans le nid du
papier
les fenêtres du silence
s'ouvrent sur
les grandes insomnies
dans les lits où l'on dort
avec l'infini
les rails de la mort n'ont
plus de gare
p.31
HANNIBAL
franchit les Alpes sur
des éléphants
devant la tasse de café
par cette matinée
neigeuse
je les entends
barrir leurs sirènes de
navire
qui prennent
l'azur pour l'océan et
l'horizon pour
la lisière de l'Afrique
ça me donne
envie de me remettre
au lit
pour rêver aux Italies
de tes jambes
l'Ombrie et la Toscane
de tes reins
et à Rome
au milieu de ton Tibre
p.56-57