Wilfred R. Bion

L’activité de pensée à l’œuvre dans le développement des pensées diffère de l’activité de pensée requise pour utiliser les pensées déjà développées. Cette dernière est issue du mécanisme SP D […].

Les patients suffisamment atteints pour être déclarés psychotiques contiennent, dans leur psyché, une partie non psychotique de la personnalité, qui est la proie des divers mécanismes névrotiques avec lesquels la psychanalyse nous a familiarisés, et une partie psychotique de la personnalité, qui est à ce point dominante qu’elle cache la partie non psychotique qui en est comme le négatif.

Le processus de transformation d’une catégorie de la grille en une autre catégorie pourrait être défini comme un processus de désintégration et de réintégration, SP D. Le caractère bénin ou non du changement effectué par le mécanisme ♀♂ dépend de la nature du lien dynamique A, H ou C.

Le psychanalyste peut employer les silences ; comme le peintre ou le musicien, il peut communiquer du matériel non-verbal.

La théorie vise à faciliter l’observation et son enregistrement en des termes qui se prêtent à une manipulation scientifique en l’absence même des objets.

Dans la mesure où l’analyste est sans cesse confronté à la décision d’intervenir ou non au moyen d’une interprétation, la décision et ses composantes de solitude et d’introspection devraient être considérées comme un des éléments de la psychanalyse […].

Le traitement de la personnalité psychotique n’aura aucun succès tant que les attaques destructrices du patient contre son moi et sa substitution de l’identification projective au refoulement et à l’introjection n’auront pas été élaborées. Je considère aussi que même chez les névrosés graves, il existe une personnalité psychotique qui doit être traitée de la même manière, si nous voulons obtenir le moindre succès.

La pensée est restrictive et peut être directement ressentie comme telle dès que l’intuition doit avoir recours à une représentation pour parvenir à une communication privée. Etant donné que la pensée libère l’intuition, il y a conflit entre la tendance à laisser l’intuition inexprimée et celle qui pousse à l’exprimer. L’élément restrictif de la représentation fait donc obstacle à la transformation Tα > Tβ du matériel préverbal. Cette transformation s’effectue avec succès chez l’un tandis que l’autre, qui ne peut tolérer la restriction, n’y parvient pas. En conséquence, il perd le bénéfice d’être soulagé de la frustration, ce que la pensée -s’il était capable de la tolérer- lui assurerait. […] Cet individu n’engendrera pas d’éléments-alpha et n’aura pas la capacité nécessaire à la pensée.

Il existe des gens qui sont si intolérants au déplaisir ou à la frustration (ou pour lesquels le déplaisir et la frustration est si intolérable) qu’ils ressentent le déplaisir mais ne veulent pas le supporter et de la sorte on ne peut dire qu’ils le découvrent. Qu’est-ce donc qu’ils ne veulent pas supporter ou découvrir ? […] Le patient qui ne veut pas souffrir le déplaisir ne réussit pas non plus à « souffrir » le plaisir et cela le prive de l’encouragement qu’il aurait reçu autrement d’un soulagement accidentel ou intrinsèque.

La théorie nous permet d’attribuer à Taβ l’une des deux valeurs suivantes : la mise en mots par l’analyste de son expérience dans la séance ou l’état émotionnel que l’analyste induit chez son patient.

L’identification projective s’accompagne d’une incapacité d’introjecter de la part de la personnalité psychotique.

A supposer que toute séance analytique soit une expérience émotionnelle, quels éléments au sein de celle-ci faut-il sélectionner pour bien montrer qu’il s’agit d’une psychanalyse et de rien d’autre ?

Le patient se meut désormais, non plus dans un monde de rêves, mais dans un monde d’objets qui constituent d’ordinaire le matériau des rêves.

Aux yeux du patient, chaque particule est constituée d’un objet réel externe qui est encapsulé dans un morceau de la personnalité qui l’a englouti. […] L’objet, furieux d’être englouti, s’enfle pour ainsi dire, se diffuse au sein de ce morceau de la personnalité qui l’engloutit, et en prend le contrôle : dans cette mesure, la particule semble être devenue une chose. Puisque ces particules sont utilisées par le patient comme si elles étaient des prototypes d’idées -qui deviendront plus tard des mots-, cette diffusion au sein du morceau de la personnalité de l’objet qui y est contenu mais qui en a le contrôle conduit le patient à penser que les mots sont les choses mêmes qu’ils désignent, et donne lieu aux confusions […] qui surviennent parce que le patient met en équation mais ne symbolise pas.

Nul ne connaîtra jamais ce qui se passe dans la séance d’analyse, la chose en soi, O ; nous ne pouvons parler que de ce que l’analyste ou le patient a le sentiment de vivre, de son expérience émotionnelle -ce que je désigne par T.

Dans le fantasme du patient, les particules expulsées du moi finissent par mener une existence indépendante et incontrôlée en dehors de la personnalité, qu’elles contiennent des objets externes ou qu’elles soient contenues par eux, où elles exercent leurs fonctions comme si l’épreuve à laquelle elles ont été soumises n’avait servi qu’à accroître leur nombre et à provoquer leur hostilité envers la psyché qui les a éjectées. En conséquence, le patient se sent environné par des objets bizarres […].

Cette partie de la personnalité est coupée, clivée en fragments infimes, puis expulsée, au moyen de l’identification projective, de la personnalité. S’étant ainsi débarrassé de l’appareil de prise de conscience de la réalité externe et interne, le patient parvient à un état où il a le sentiment de n’être ni vivant ni mort.

Dans les transformations projectives, les différences entre Op et Oa interdisent de remonter de Tpβ et Taβ à Op et Oa, comme cela se passe dans les transformations rigides. Le point crucial, ici, a trait à la nature de Op dans la transformation projective. Op constitue apparemment le stimulus ; il possède néanmoins des qualités qui le rapprochent de la qualité primaire de Kant.

Compte tenu du rôle que j’entends leur faire jouer, les éléments de la psychanalyse devront posséder les caractéristiques suivantes : 1) ils doivent être capables de représenter la réalisation qu’ils avaient pour but de décrire à l’origine. 2) ils doivent être capables de s’articuler à d’autres éléments similaires. 3) et une fois articulés entre eux, ils doivent pouvoir former un système scientifique déductif susceptible de représenter une réalisation, à supposer qu’il en existe une. D’autres critères de l’élément psychanalytique pourront être avancés plus tard.

Au début de la position dépressive infantile les éléments de la pensée verbale gagnent en intensité et en profondeur. En conséquence, les douleurs propres à la réalité psychique sont exacerbées par eux, et le patient qui régresse à la position schizo-paranoïde se tournera, dans le même temps, vers sa capacité embryonnaire de pensée verbale pour la détruire, parce qu’elle constitue un des éléments qui l’ont amené à souffrir.