Wilfred R. Bion

La théorie de la causalité n’a de validité que dans le domaine de la moralité et seule la moralité peut causer quoi que ce soit. La signification n’a aucune influence en dehors de la psyché et elle ne cause rien.

Peut-être souhaitez-vous aider [ce patient] ; mais il y a une grande différence entre vouloir aider parce que vous le voulez et aider parce que vous y êtes contraint.

S’il y a bien quelque chose que n’importe qui devrait pouvoir faire, c’est se suicider : rien ne s’y oppose ; rien ne le sépare de la personne qu’il veut assassiner. Donc, si ce patient ne peut même pas se tuer, que pensez-vous qu’il pourrait faire ?

Cela peut sembler une bonne idée de faire peur à l’analyste et de le mettre en colère […] pour voir si cela lui fait peur ou le met tellement en colère que, comme elle, il ne pourra plus penser. Mais nous savons que cela ne sert à rien d’avoir dans la pièce deux personnes incapables de penser. Donc […] il vaut mieux que l’analyste reste en mesure de penser. […] Nous devons pouvoir ressentir ces sentiments intenses et être capables de continuer à penser clairement même lorsque nous les ressentons.

Accepter de dire « oui » ou « non » à l’invitation à participer et à coopérer à un processus créatif est un destin qui effraie beaucoup de monde.

Dans un monde civilisé, il est plus commode de croire en ses qualités civilisées, de masquer le rire cruel (tel qu’il est exprimé ici dans ce rêve fabriqué) qui pourrait rappeler, à travers le souvenir ou le désir, la configuration évocatrice de l’effroi. Il semble clair que la tentative est propre à écarter, ou à écarter la prise de conscience de quelque chose qui est l’effroi ou la terreur et derrière cela l’objet sans nom.

Et qui a entendu parler des innombrables générations de mères mortes non pleurées, dédaignées, non chantées avant que quelque mâle ait pensé à la Vierge Marie. Cette pauvre fille a dû et doit encore concevoir sans même avoir le plaisir du péché ! Ouah ! Imagine que Dieu te fasse l’amour, ce vieil homme dégoûtant !

Si ζ est considéré comme la qualité qui réussit à juste titre, productrice de progrès, ζ est aussi le facteur inconnu et autodestructeur. Si l’histoire d’Œdipe est l’arme qui révèle l’humain, elle est aussi l’histoire qui dissimule, mais ne dévoile pas, ce par quoi il va se détruire lui-même.

Je sais -pas toi- ce que c’est que d’avoir une bonne baise tous les trente-six du mois et passer ensuite le reste du temps à inventer une réplique à « Chéri ! » alors qu’on se fait un sang d’encre à cause d’une entreprise qui vous relance pour le paiement d’une moissonneuse qu’on était obligé d’acheter !

Si ces pensées étaient visibles, je pourrais les classer par couleur ; par exemple, me référant à certains de mes rêves, des couleurs telles que bleu ciel, rouge sang, jaune ocre, une couleur faite de terre. Ces couleurs primaires sont des couleurs primitives et pourraient être très utiles. Quand j’en arrive à ce que j’ai appelé élément-bêta, les choses se compliquent. Je ne sais comment décrire cela. Il conviendrait peut-être à titre provisoire de dire « noir épais », ce qui diffère du noir dans lequel demeure une certaine clarté.

une pensée sans penseur se présente, il peut s’agir d’une « pensée vagabonde », ou d’une pensée dépourvue du nom et de l’adresse de son maître, ou d’une « pensée sauvage ». Le tout est de savoir qu’en faire. Si elle est sauvage, vous pouvez, bien entendu, tenter de la domestiquer. […] Si elle porte le nom et l’adresse de son maître, vous pourriez la lui restituer, ou bien vous pourriez le prévenir que vous l’avez trouvée et il n’aurait qu’à passer la prendre quand cela lui conviendrait. Ou, bien sûr, vous pourriez la dérober dans l’espoir soit que le maître l’oublie, soit qu’il ne s’aperçoive pas de sa disparition et qu’alors vous puissiez la garder pour vous. Si le maître est prêt à vous la laisser ou s’il est entendu que vous avez le droit de la garder, vous allez peut-être alors essayer de la dresser conformément aux mœurs de vos autres pensées en résidence et des pensées de la communauté à laquelle vous appartenez.

Le raisonnement circulaire à diamètre réduit -bien qu’il empêche la rencontre ou corrélation de deux énoncés et soit donc stérile- est préféré au raisonnement situé dans un cercle à diamètre plus large où deux idées risquent de se rencontrer, ceci provoquant le sentiment de devenir fou. Il est implicite qu’une distance doit exister entre les énoncés en corrélation si l’on veut parvenir au sens. Si l’on craint la « folie », on évitera l’opération qui mène au sens. Dans ce cas, le raisonnement circulaire doit être de diamètre réduit pour empêcher la conjonction de sens et d’un sentiment de folie.

Ayant fait, maintes fois, l’expérience du raisonnement circulaire, j’ai obtenu la conviction que sa logique n’est pas si mauvaise que ça, qu’elle implique que l’on accepte une théorie de la causalité et qu’il est probable que tout raisonnement logique est fondamentalement circulaire. […] Il me semble qu’il faille chercher ailleurs que dans la circularité les raisons pour lesquelles les raisonnements circulaires […] n’aboutissent à rien. J’en conclus que les difficultés qui surgissent proviennent du diamètre […]. Si le raisonnement circulaire a un diamètre suffisamment large, on ne décèlera pas son caractère circulaire et celui-ci pourra même contribuer à des découvertes utiles telles que celle de la courbure de l’espace. La courbure de l’espace […] me fournit un modèle permettant de postuler un raisonnement circulaire d’un diamètre si large qu’il favorise le développement de la pensée et de la personnalité. Inversement, le diamètre peut être si réduit que le cercle lui-même disparaît et qu’il ne reste qu’un point.

Les objets de l’étude psychanalytique […] possèdent les caractéristiques que j’ai liées par le terme « énoncé », celles que j’ai liées par le terme « transformation », auxquelles j’ajouterai maintenant les caractéristiques que je souhaiter « lier » par le terme « théorie ». […]
L’objet psychanalytique (= énoncé-transformation-théorie) est à envisager sous ses aspects théoriques comme s’il s’agissait d’une formule liant une conjonction constante.

En résumé : l’analyste fait des observations de comportement dont on peut distinguer certaines parties constituantes, à savoir : la genèse et l’usage des énoncés, la nature de l’énoncé en tant que transformation, le processus de transformation (Tαp), le produit fini de la transformation (Tβp), les invariants et la catégorie de transformation sur la Grille.

S’il n’existe que des éléments-bêta, qui ne peuvent être rendus inconscients, il n’y a ni refoulement, ni suppression, ni apprentissage.

Je propose d’employer le terme « transformation », selon ma description des éléments de la Colonne 1, pour lier une conjonction constante ce qui me permettra d’élucider, à l’aide de ce terme, le sens de la conjonction constante.

La théorie des fonctions permet d’associer plus facilement la réalisation au système déductif qui la représente.

Les éléments-bêta et alpha ont pour but de dénoter des objets qui ne sont pas connus et ainsi pourraient même ne pas exister. Parler d’éléments-alpha et bêta et de fonction-alpha permet de traiter de quelque chose, d’y faire référence et d’y penser avant de savoir de quoi il s’agit.

Je supposerai qu’il existe des facteurs de la personnalité qui se combinent pour produire des entités stables que j’appelle fonctions de la personnalité.