AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de William S. Merwin (18)


William S. Merwin


Merci après-midi de ma vie
en cette fin de saison sans âge
merci pour mes fenêtres au-dessus des rivières
merci pour le véritable amour que vous m'avez apporté
quand il était grand temps et pour les mots
qui sortent du silence et me prennent par surprise
et m'ont porté à travers le jour clair
merci pour les amis et leurs longs échos
Commenter  J’apprécie          180
Un matin d’automne

Ici tard en septembre
je puis rester avec les fenêtres
de la salle de pierres grandes ouvertes
sur les branches de prunier encore vertes
au dessus des deux champs dénudés à présent
fraîchement labourés sous les noyers
et observer l’écran des frênes
et sous eux la rivière
et écouter le cri de la buse
sur la vallée embrumée
par dessus la bosse des bois
et les agneaux au pâturage
sur la pente et un pinson
quelque part au bas de la haie de prunelliers
et le silence du village
derrière moi et des années
Commenter  J’apprécie          80
Lettre à Su Tung-p'o

Presque mille ans plus tard
je pose les mêmes questions
que toi celles auxquelles tu as passé
ton temps à revenir comme si
rien n'avait changé que le ton
de leur écho s'aggravant
et ce que tu savais de la venue
de l'âge avant que tu sois vieux
je n'en sais pas plus à présent
que toi alors sur ce que tu
demandais quand je m'assois la nuit
au-dessus de la vallée silencieuse pensant
à toi sur ta rivière cette brillante
nappe de clair de lune dans le rêve
des oiseaux aquatiques et j'entends
le silence après tes questions
quel âge ont les questions ce soir

(P131)
Commenter  J’apprécie          40
Jeunesse

Tout au long de ma jeunesse je te cherchais
sans savoir ce que je recherchais

ou comment t'appeler je crois que je ne
savais même pas que je cherchais comment

t'aurais-je reconnue en te voyant comme je l'ai
fait à chaque fois que tu m'es apparue

comme tu l'as fait nue t'offrant toi-même
entièrement à ce moment et tu m'as laissé

te respirer te toucher te goûter n'en sachant
pas plus que ce que je savais et seulement quand

j'ai commencé à pensé te perdre je t'ai
reconnue alors que tu était déjà

pour une part mémoire une part distance demeurant
mienne de sorte que j'apprenne à vivre ton absence

de ce que nous ne pouvons tenir sont faites les étoiles

(P79)
Commenter  J’apprécie          30
Un note venue des Cimmériens

Le temps que ça nous parvienne
nous ne pouvons rien en tirer
que des questions ou bien ça nous
transforme en pures
questions que nous sommes incapables
de ne pas poser
à commencer par
est-ce réel c'est à dire
est-ce authentique c'est-à-
dire est-ce de quelqu'un
pas l'un de nous et dans ce cas
comment le savons-nous et d'où
cela provient-il de quel pétale
de notre rose-des-vents ou de quelle
ère du cycle orbital
avant nous comme nous disons
dans la langue qu'on parle à présent
et pour qui cela fut-il inscrit
ou à qui est-ce adressé
maintenant ou cela parlera-t-il plus tard
en un autre sens et
est-ce une question même
ou l'envers d'une question
en avant ou à reculons
de notre point de vue et sommes-nous
censé croire qu'elles existent
en vérité ces formes d'antique
on-dit que personne n'a vues
en plein jour les Cimmériens
qui logent dans le noir absolu
dit-on ou peut-être vivent
de l'autre côté

(P73)
Commenter  J’apprécie          30
Héritage

Près de mon coude sur la table
il gît ouvert comme il l'a été
une bonne partie de ces trente
années depuis que mon père est mort
et qu'il est passé dans mes mains
ce Webster's New International
Dictionary of the English
Language de 1922
sur papier indien qu'il m'était
toujours interdit de toucher
de peur que je déchire ou sait-on
que j'abîme ses pages fragiles
lourdes dans leur reliure
cette odeur sable mouillé
que de fines vagues survolent
quand ce fut imprimé il avait vingt-six ans
à peine étaient-ils mariés depuis quatre ans
il était pasteur de campagne
dans village à magasin unique et j'imagine
un homme venu à la porte un jour
démarcher pour ce beau dictionnaire
sur papier fin comme la bible
à un prix incomparable
et il semblerait que cela représenterait
une distinction rien que de le posséder
confirmant sur lui quelque chose
qu'il ne pouvait même pas nommer
à présent sa couverture est usée comme si
il avait été emporté en voyage
par les monts et déserts
de la terre mais il a été ici
prés de moi tout le temps
ce qui l'a ainsi effiloché
le disloquant le rongeant
toutes ces années
je sais que j'ai dû l'utiliser
bien plus que lui mais toujours
avec soin et réelle affection
tournant les pages patiemment
à la recherche des significations

(P65-67)
Commenter  J’apprécie          30
Habillement

Croire vient après
qu'il y eu de quoi se couvrir
qui peut croire
que nous sommes né sans
il elle ou ça hurlant
ravalant le premier souffle
d'une réflexion brute
crue et la tête la première
précoce mais déjà
guère originale

jusqu'aux derniers jours
et puis même au-delà
le corps dont nous
sommes dotés est plus
que ce qui le couvre
se garde couvert
par habitude d'habit
mot pour dire vêtement
par coutume
qui est une altération
du plus vieux mot costume
par convenance
qui dérive
d'un mot désignant
ce qui nous va

apparemment nous croyons
aux mots
et à travers eux
mais nous aspirons au-delà
à ce qu'on ne voit pas
ce qui reste hors d'atteinte
ce qu'on garde couvert
par couleurs et par tailles
nous sommes affamés
de ce qui hors de doute est cependant douteux
connu pour être différent
et nos tissus parlent
de différence
nous nous vêtons de différence
l'appelant nôtre

(P 53-55)
Commenter  J’apprécie          30
MOTS USÉS


C'est vers les derniers poèmes
que je me tourne en premier maintenant
poursuivant un espoir qui ne cesse
de me faire signe
attendant quelque part dans les vers
presque à la vue de tous

ce sont les derniers poèmes
qui sont faits de mots
qui ont fait tout le chemin
ils étaient là

p.129
Commenter  J’apprécie          20
Un automne singulier

L'année où mes parents moururent
un l'été un l'automne
à trois mois et trois jours d'intervalle
je m'installai dans la maison
où ils avaient vécu leurs dernières années
elle n'avait jamais été à eux
et était encore à eux en ce sens
pour quelque temps

des échos dans chaque pièce
sans un son
toutes les choses que nous
n'avions jamais su dire
je ne pouvais me rappeler

collection de poupées
dans un cabinet chinois
assiettes empilées sur étagères
dentelles sur table à abattants
une branche sèche d'aigre-doux
devant un miroir d'entrée
tous étaient décidés à attendre

les portes vitrées de la maison
restèrent closes
les jours s'étaient refroidis
et dans les hauts noyers blancs
le flamboiement de l'automne avait commencé
de lui-même

je pouvais faire n'importe quoi

(P209)
Commenter  J’apprécie          20
Note

Rappelle-toi comment l'âme nue
naît au langage et aussitôt connaît
perte et distance et croyance

alors pour un temps elle ne courra pas
avec son ancienne liberté
comme une lumière innocente de la mesure
mais prêtera l'oreille à la manière dont
une histoire en devient une autre
et tentera de dire d'où
elles ont émergé
et vers où elles se meuvent
comme si elles étaient sa propre légende
courant en avant des mots et au-delà
nue et ne se retournant jamais

(P 19)
Commenter  J’apprécie          20
NOCTURNE


Les étoiles émergent une
à une dans les noms
qui furent dernièrement trouvés pour elles
tout au fond d'autres
ténèbres dont nul ne se souvient
par des observateurs dont les propres
noms étaient oubliés
plus tard dans le noir
et à mesure que la nuit s'approfondit
d'autres luminaires commencent
à apparaître autour d'elles
comme si elles brillaient
au travers du même instant
d'une unique profondeur de l'âge
quoique le temps entre
chacune d'elles
et son plus proche voisin
contienne en intervalle
tout le devenir de la terre
tournant dans la lumière
qui n'est pas la sienne
avec la trajectoire complète
de la vie sur elle
portée à brève réflexion
reconnaissance et angoisse
à partir d'ne seule cellule évoluant
jusqu'à se rappeler lumière du jour
rires et musique lointaine

p.113
Commenter  J’apprécie          10
Un anneau

A cet instant
cette terre pour autant que nous sachions

est le seul lieu sous la voûte des ténèbres
où il y ait la vie drapée dans un fin voile

de voix murmurant à tâtons les vagues effilochées
de l'absence qu'elles ne cessent de ranimer

d'espoir enchevêtré avec son contraire
pour errer dans l'ignorance comme nous

quand nous cherchons ce que nous avons perdu
un moment touchant terre et au suivant

égaré loin au-delà des orbites et réseaux
et de la statique du savoir elles poursuivent

sans être capables de dire si
elles s'adressent au passé ou à l'avenir

ou sans savoir où sont entendus ces mots
des vivants parlant aux morts

(P97)
Commenter  J’apprécie          10
Lot vacant

Il n'y avait que l'étroite allée entre nous
et nous vivions au bord de la longue parcelle poussiéreuse
de hautes ambroisies en ce premier été torride
et puis les feuilles au cœur du vieux peuplier chutèrent en berceau
dans la poussière de l'automne quand les hommes s'assemblèrent là
le temps d'un soir pour jeter des palets en l'air
vers les fosses à glaise d'en face et en hiver
la neige en congères montrait où le vent tourbillonnait
entre les maisons et j'observais le soleil descendre
loin au-delà par derrière la montagne
et la lune faire voile au-dessus du lot tard le soir
quand je m'éveillais d'un rêve de vol
et pourtant pas moyen d'imaginer ce lieu
comme il avait été si longtemps
avec le monde à lui avant qu'il y eût des maisons
quand des ours traînaillaient là sous leurs arbres familiers
maintenant nous disait-on elle appartenait
à la Compagnie de Charbonnage D&D et ils
n'en feraient rien que la garder
au cas où il faudrait forer
un puits d'urgence pour les mineurs
en détresse au fond là personne ne pouvait dire
à quelle profondeur mais parfois dans la nuit
totalement silencieuse nous savions que nous venions d'entendre
le coup sourd d'une explosion sous nos pieds
et la maison le savait les fenêtres tremblaient
nous guettions le tic-tac des pics dans le noir

(P41)
Commenter  J’apprécie          10
Reconnaissances

Des histoires nous viennent comme de nouveaux sens

une vague et un frêne étaient sœur et frère
ils avaient été séparés tout enfants
mais ils n'avaient cessé de croire l'un et l'autre
bien que chacun fût sûr que l'autre devait être perdu
ils chérissaient des traits d'eux-mêmes qu'ils estimaient
être des ressemblances familiales qu'ils avaient en commun
le satin de la vague palpitait au souvenir
des faces cachées des feuilles du frêne
dans l'air d'été et les membres du frêne
se rappelaient la vague quand la brise la soulevait
et ils s'écrivaient l'un l'autre chaque jour
sans savoir où envoyer les lettres
dont certaines ne sont venues au jour qu'à présent
révélant dans leur langue ancienne mais familière
une vision du monde que nous n'aurions pu deviner

mais que nous avons toujours souhaité croire

(P117)
Commenter  J’apprécie          00
Rêve de Koa revenant

Assis sur les marches de cette cabane
que j'avais toujours connue
avec son porche et ses planchers peints en gris
je contemplais au loin la rivière
coulant au-delà des grands arbres
et tout à coup tu
était derrière moi
couchée m'observant
comme tu le faisais jadis
et sans du tout bouger
quand je tendis la main en arrière lentement
espérant toucher
ta longue fourrure d'ambre
et là nous restâmes sans bouger
écoutant la rivière
et je me demandais si
ce pouvait être un rêve
si tu pouvais être un rêve
si nous étions tous deux un rêve
où aucun de nous ne bougeait

(P103)
Commenter  J’apprécie          00
Mes jours solitaires dans cet endroit silencieux représentent un point culminant dans ma vie, un trésor éternel, une source à laquelle je reviens sans cesse
Commenter  J’apprécie          00
Ce sont ce monde ancien, cette culture et ce paysage qui ont saisi mon imagination. Un lieu d’une ancienneté incommensurable avec un profond silence sous-jacent.
Commenter  J’apprécie          00
tout y est pour qui aime vivre les saisons, arpenter les sentiers, contempler les paysages immaculés, cueillir les champignons ou cultiver son jardin. Bien sûr, c’est un peu nostalgique : Merwin vit la disparition de la vieille paysannerie et les débuts d’une autre époque, peut-être moins poétique. Mais nous savons que l’auteur revient chaque année passer quelques mois dans sa vieille maison. Qui sait si vous ne l’apercevrez pas un jour, au détour d’une promenade, derrière les murs en pierres sèches
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de William S. Merwin (13)Voir plus

Quiz Voir plus

Adieu Paul, maudit mardi 30 avril 2024

Certains esprits chagrins m'avaient mis en garde, le titre de ce roman disaient-ils constitue le déclenchement d'un compte à rebours dont nous connaissons tous l'issue ...???....

5,4,3,2,1
5,4,3,
4,3,2,1
3,2,1

10 questions
16 lecteurs ont répondu
Thème : Paul AusterCréer un quiz sur cet auteur

{* *}