À cette heure, vivant à demi, il se trouvait bien parmi les morts. La honte monta et lui rougit les tempes. Vanité, car au jour de les rejoindre, ses chers morts, il ne serait plus qu’un corps, une masse inerte, un agglomérat. Dès lors, sa mère, qui vivait en lui seul, et pour qui, seule, il vivait, disparaîtrait pour de bon. Non ! Non, il n’abandonnerait pas à Venise son souvenir ; il allait se remettre debout, sortir de cette presqu’île infernale, et retrouver l’endroit où Mammina avait été mise en terre ; l’honorer enfin !
Lorsqu’il ouvrit les yeux, Orso fut en proie à l’émerveillement. Au-dessus de sa tête, sur une paroi crayeuse baignée de soleil, des ombres de branchages dansaient dans la brise matinale. Une danse chaude où balançaient les rameaux inégaux d’un pin que la perspective enchevêtrait. Ce réseau de stries formait une palette de gris, des dégradés aux lignes fluctuantes, où le noir intense des maîtresses branches au centre s’estompait vers les brindilles périphériques en filigrane doré, presque translucides.
Même chez un homme qui débusque les moines, l'habit ne fait pas le Turc.