I
Quand le téléphone sonna, Chen Xi était allongé sur son lit, les yeux fixés sur le plafond. C’était Wu Lichang qui appelait, pour lui demander d’aller avec lui voir le film qui passait au cinéma Lee à la séance de cinq heures et demie. Cela lui redonna du tonus et il se rasa, se peigna et se changea à toute vitesse, tout en sifflotant doucement l’air de « Valeureux Chinois ». Une fois changé, il se regarda attentivement dans la glace de l’amoire et se dit qu’il devrait s’acheter une chemise de marque pour sortir. Il aimait Wu Lichang et elle l’aimait. Il lui fallait seulement trouver du travail ; ils pourraient alors aller faire enregistrer leur mariage à la mairie. Il venait tout juste de rentrer des Etats-Unis, et, malgré son diplôme, ce n’est qu’avec de la chance qu’il pourrait trouver un emploi. Avec de la chance il en trouverait un très vite ; sinon, il aurait peut-être à attendre un certain temps. Il avait déjà envoyé sept ou huit lettres en réponse à des offres d’emploi, et il attendait des réponses dans les prochains jours. C’est pour cela qu’il restait à côté du téléphone, ces jours-ci : il attendait un appel d’un de ces employeurs, sans sortir, sauf besoin urgent. Mais, si Lichang lui demandait de l’accompagner au cinéma, il n’avait pas le choix, il fallait qu’il y aille. Il était déjà cinq heures moins dix ; il fallait qu’il se dépêche pour ne pas arriver en retard, autrement Lichang serait fâchée.
Pendant que le bus 102 s’engouffrait dans le tunnel qui relie l’île à la péninsule, Chunyu Bai se souvenait de ces mots que d’autres avaient prononcés. Chunyu Bai habitait dans cette grande métropole depuis plus de vingt ans. A l’époque, Hong-Kong ne comptait que huit cent mille habitants ; aujourd’hui, la ville approchait les quatre millions.
Ainsi était la vie, absurde et pourtant si proche de ce qui hante nos rêves. Des sons enivrants encore et encore. Des sons langoureux qui faisaient partie intégrante de la vie. Toujours là présents à vos oreilles, que vous ayez ou non envie de les entendre.
Elle, dont les rêves étaient le stimulant préféré et qui vivait dans l'illusion, n'était pas prête à écouter les conseils de sa mère.
Tu parles d'une vie ! Soit on reste cloîtré chez soi, soit on se livre en pâture aux voyous !