Les gens sont enclins à voir non pas ce qui est mais ce qu’ils aimeraient voir.
Elle venait de porter une nouvelle tranche à sa bouche, les yeux dirigés vers l'étagère de livres accrochée au mur en face de la fenêtre, lorsque surgit une autre question étrange. Quel serait le dernier livre qu'elle lirait ?
Qu'étaient donc ses pensées qui lui venaient à l'esprit ? Il était encore plus difficile de répondre à cette question. Se souvenir de son premier livre n'était peut-être pas impossible, mais savoir quel serait le dernier était inconcevable.
Si elle tournait la feuille, si elle passait à la page suivante... elle mourrait.
(...) Bien que rien de semblable ne lui eût jamais auparavant effleuré l'esprit, Mlle Tamara ne songea même pas à mettre en doute le pressentiment de la mort qui la guettait si elle poursuivait sa lecture. Cela lui semblait indiscutable et certain.
J’ai eu l’espoir qu’elle m’inviterait à lui rendre visite, mais elle m’a simplement demandé mon adresse électronique. Nous avons ainsi commencé une correspondance quasi quotidienne à trois étages l’un de l’autre.
Ses craintes les plus noires se réalisaient. L'épidémie était générale. Il ne restait littéralement plus un seul volume sain. Elle les déposait par terre, l'un après l'autre, regardant avec désespoir son étagère se vider, inexorablement. C'eût peut-être été un peu moins pénible s'il se fût agi d'ouvrages non encore lus, mais de tendres souvenirs la liaient à chacun d'entre eux. C'était comme si elle perdait de proches parents.